Alors que Mayotte se remet difficilement du passage d’un cyclone dévastateur, le ministre français de l’Intérieur Bruno Retailleau a remis sur le devant de la scène la question épineuse de l’immigration comorienne sur l’île. Connu pour ses positions droitières, il a provoqué une vive polémique en promettant d’être « beaucoup plus dur vis-à-vis des Comores » et en accusant le pays voisin de se livrer à « une forme de guerre hybride » en « poussant des populations vers Mayotte ».
Une sortie du ministre qui passe mal
Du côté de l’opposition, on dénonce le timing et le fond des propos de Bruno Retailleau. La cheffe des Écologistes Marine Tondelier déplore que le ministre ait lancé cette polémique « dans des moments tragiques, des moments de drame humain », rappelant que « les migrants ne sont pas la cause du cyclone qui a ravagé cette île » mais bien le dérèglement climatique. Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, estime quant à lui que Bruno Retailleau « ne connaît rien » à l’histoire de Mayotte et de ses liens étroits avec l’île comorienne d’Anjouan dont sont originaires une grande partie des immigrés.
L’immigration, un sujet explosif à Mayotte
Mayotte, devenu département français en 2011, est le territoire le plus pauvre de France. Sa population officielle de 320 000 habitants pourrait en réalité atteindre les 520 000 selon certaines estimations, en raison d’une immigration clandestine massive en provenance principalement des Comores voisines. Près de la moitié des habitants de l’île seraient ainsi des immigrés, une situation démographique unique qui crée de fortes tensions.
Le cyclone, un nouveau coup dur pour Mayotte
Le passage du cyclone a ravagé une île déjà fragile, causant d’importants dégâts matériels et laissant une partie de la population dans une grande précarité. Selon des sources proches des autorités, de nombreux immigrés sans papiers figurent parmi les sinistrés, vivant dans des habitations de fortune dévastées par les vents et les pluies. Une situation humanitaire préoccupante qui relance le débat sur la gestion de l’immigration à Mayotte.
« On sait très bien qu’il y a une politique comorienne qui consiste finalement à laisser partir (…) en poussant des populations vers Mayotte pour susciter une sorte d’occupation clandestine ».
– Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur
Un peuple uni de part et d’autre de la frontière
Les propos accusateurs du ministre envers les autorités comoriennes ont du mal à passer auprès de ceux qui connaissent la réalité du terrain. Comme le souligne Fabien Roussel, Mahorais et Anjouanais sont « un seul et même peuple », partageant langue, culture et religion. Les 70 kilomètres qui séparent Mayotte d’Anjouan sont une frontière bien plus poreuse que celles existant entre la plupart des pays. Une proximité qui rend la lutte contre l’immigration illégale particulièrement complexe.
Reconstruire Mayotte : avec ou sans les immigrés ?
Après le passage du cyclone, l’heure est à la reconstruction pour Mayotte. Et le durcissement de la politique migratoire prôné par Bruno Retailleau pose question. Alors que l’île manque cruellement de main d’œuvre dans de nombreux secteurs, peut-elle se passer de ces milliers de travailleurs immigrés, pour beaucoup installés de longue date ? Une reconstruction solidaire et inclusive est-elle possible dans un climat de tensions et de rejets ?
Les déclarations du ministre de l’Intérieur ont en tout cas jeté un froid et ravivent les polémiques autour d’un sujet hautement inflammable. À l’heure où Mayotte a besoin d’unité et de soutien pour se relever, certains redoutent que la priorité donnée à la lutte contre l’immigration n’occulte les vrais défis de la reconstruction. Un débat qui promet d’être houleux dans les semaines et les mois à venir.