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Hôteliers Contre Booking : La Révolte Européenne

Hôteliers français et espagnols se rebellent contre Booking, accusé de pratiques abusives. Leur combat pourrait changer la donne pour l’hôtellerie européenne. Quel sera l’impact ?

Imaginez-vous à la tête d’un hôtel indépendant, niché dans une ruelle pittoresque de Paris ou de Barcelone. Chaque jour, vous jonglez entre l’accueil des clients et la gestion des réservations, mais une ombre plane sur votre activité : les commissions exorbitantes prélevées par une plateforme incontournable. Cette plateforme, c’est Booking, un géant qui dicte ses règles et asphyxie les marges des hôteliers. Aujourd’hui, en France et en Espagne, ces professionnels se rebellent, bien décidés à faire valoir leurs droits. Leur combat, porté par des avocats déterminés, pourrait redessiner les contours de l’hôtellerie européenne.

Une fronde européenne contre Booking

Depuis des années, les hôteliers européens dénoncent les pratiques de Booking, accusé d’imposer des conditions inéquitables. En 2025, ce mécontentement prend une nouvelle ampleur avec une action collective d’envergure. En France et en Espagne, des cabinets d’avocats unissent leurs forces pour fédérer les professionnels du secteur. Leur objectif ? Obtenir des réparations financières pour les commissions excessives versées à la plateforme. Ce mouvement, qui pourrait s’étendre à d’autres pays comme l’Italie ou le Portugal, s’appuie sur des décisions judiciaires récentes et des réglementations européennes strictes.

Les clauses de parité : une entrave à la liberté commerciale

Au cœur de la bataille, on trouve les fameuses clauses de parité, ces contrats qui interdisaient aux hôteliers de proposer des prix plus bas ailleurs que sur Booking. Ces dispositions, jugées restrictives, limitaient la capacité des hôtels à concurrencer librement sur d’autres canaux, comme leurs propres sites ou des plateformes concurrentes. En septembre 2024, une décision majeure de la Cour de justice de l’Union européenne a remis en question ces pratiques, ouvrant la voie à des recours.

Les clauses de parité ont étouffé la liberté commerciale des hôteliers, les obligeant à accepter des conditions désavantageuses pour rester visibles.

Ce jugement a été un déclic. Les hôteliers, souvent dépendants de Booking pour attirer des clients, ont vu dans cette décision une opportunité de rééquilibrer les forces. En Espagne, les autorités de la concurrence ont également pointé du doigt les pratiques de la plateforme, renforçant la légitimité du mouvement.

Des pertes colossales pour les hôteliers

Le préjudice financier est vertigineux. En France, une estimation réalisée par un cabinet d’avocats évalue les pertes des hôteliers à 1,5 milliard d’euros sur la période 2015-2024. Ces chiffres, bien que colossaux, ne surprennent pas les professionnels du secteur. Les commissions prélevées par Booking, souvent comprises entre 15 et 25 % du prix de la réservation, grignotent des marges déjà fragiles, surtout pour les hôtels indépendants.

  • Hôtels indépendants : Des dizaines, voire centaines de milliers d’euros de pertes par établissement.
  • Grandes chaînes : Des préjudices chiffrés en millions d’euros.
  • Période concernée : 2015 à 2024, une décennie de pratiques contestées.

Pour évaluer ces pertes, un site dédié a été lancé en France, permettant aux hôteliers de soumettre leurs données et d’estimer leur préjudice. Cette démarche, accessible et sans frais initiaux, vise à mobiliser un maximum de professionnels avant un dépôt de plainte prévu d’ici fin octobre.

Le rôle clé de la législation européenne

L’Union européenne joue un rôle central dans ce bras de fer. Avec l’entrée en vigueur du Digital Markets Act (DMA), Booking, classé parmi les géants de la tech, doit se plier à des règles de concurrence plus strictes. Fini le temps où la plateforme pouvait imposer ses tarifs comme une condition sine qua non. Désormais, les hôteliers peuvent proposer des prix plus attractifs sur leurs propres canaux, un changement qui redonne de l’oxygène au secteur.

De plus, la vigilance de la Commission européenne limite les risques de représailles de la part de Booking. Les hôteliers, souvent craintifs à l’idée de s’opposer à un acteur aussi puissant, trouvent dans cette protection un levier pour agir.

Aspect Avant le DMA Après le DMA
Clauses de parité Obligation de proposer les meilleurs prix sur Booking Interdiction de ces clauses
Commissions Jusqu’à 25 % par réservation Négociation plus libre
Concurrence Limitée par les contraintes de Booking Encouragée par la liberté tarifaire

Un modèle de financement innovant

L’un des aspects les plus séduisants de cette action collective est son modèle de financement. Les recours sont pris en charge par une société de financement de litiges, qui se rémunère uniquement en cas de victoire, prélevant entre 25 et 30 % des indemnités obtenues. Pour les hôteliers, souvent à court de liquidités, cette formule est une aubaine : aucun frais à avancer, et un risque financier nul.

Ce modèle permet aux petits hôtels de s’attaquer à un géant sans craindre de s’endetter.

Cette approche, déjà utilisée dans d’autres secteurs comme la restauration, démocratise l’accès à la justice. En France, un avocat expérimenté dans ce type de litiges mène la charge, fort de son succès dans une action similaire contre les émetteurs de titres-restaurant.

Booking : un géant incontournable mais contesté

Booking domine le marché des réservations hôtelières en Europe, et particulièrement en France, où il devance des concurrents comme Airbnb. Selon des données récentes, seules 33 % des réservations hôtelières en ligne passent directement par les sites des hôtels, le reste étant capté par des plateformes comme Booking ou Expedia. Cette hégémonie donne à la plateforme un pouvoir considérable, mais aussi une responsabilité accrue.

Chiffre clé : En 2024, Booking représente la majorité des réservations hôtelières en ligne en France, loin devant ses concurrents.

Cette domination, toutefois, s’accompagne de critiques récurrentes. Les hôteliers dénoncent un système où ils sont contraints de payer des commissions élevées pour rester visibles, tout en subissant une concurrence faussée par les algorithmes de la plateforme.

Vers une extension du mouvement ?

Le combat des hôteliers français et espagnols pourrait faire tache d’huile. Des discussions sont en cours pour rallier d’autres pays, comme l’Italie et le Portugal, dans une alliance juridique paneuropéenne. L’objectif est clair : créer un front uni pour contraindre Booking à revoir ses pratiques. Si cette initiative aboutit, elle pourrait inspirer d’autres secteurs dépendants des plateformes numériques, comme la restauration ou le tourisme.

En parallèle, les organisations professionnelles de l’hôtellerie soutiennent discrètement le mouvement, bien qu’elles manquent de données précises sur l’ampleur de l’utilisation de Booking. Leur message est unanime : il est temps de rétablir un équilibre entre les plateformes et les acteurs traditionnels.

Quelles perspectives pour l’hôtellerie européenne ?

Si l’action collective aboutit, elle pourrait avoir des répercussions profondes. D’abord, une redistribution des richesses, avec des indemnisations significatives pour les hôteliers. Ensuite, une transformation du modèle économique des plateformes, contraintes de réduire leurs commissions et de respecter la concurrence. Enfin, un regain d’autonomie pour les hôtels indépendants, qui pourraient investir davantage dans leurs propres canaux de vente.

  • Indemnisations : Des millions d’euros potentiellement redistribués.
  • Concurrence : Un marché plus équitable pour les hôtels.
  • Autonomie : Une chance de reconquérir les clients directement.

Ce combat, toutefois, ne sera pas sans obstacles. Booking, fort de ses ressources, pourrait prolonger les batailles judiciaires. Mais pour les hôteliers, l’enjeu est de taille : il s’agit de reprendre le contrôle de leur activité et de bâtir un avenir plus juste.

Un précédent dans la restauration

Ce n’est pas la première fois que des professionnels s’attaquent à des pratiques jugées abusives. En France, une action similaire oppose des restaurateurs aux émetteurs de titres-restaurant, accusés de pratiques anti-concurrentielles. Avec 8 000 participants, cette initiative montre que la mobilisation collective peut faire plier des géants. Les hôteliers espèrent reproduire ce succès, avec l’espoir d’un dénouement avant la fin de l’année.

Ce parallèle illustre une tendance plus large : la remise en question du pouvoir des plateformes numériques. Qu’il s’agisse de Booking, d’Uber ou d’Amazon, les acteurs traditionnels cherchent à se libérer de leur emprise, avec le soutien des régulateurs européens.

Un tournant pour l’hôtellerie ?

Le soulèvement des hôteliers contre Booking marque un tournant. Porté par des avocats audacieux, une réglementation favorable et une mobilisation croissante, ce mouvement pourrait redéfinir les relations entre les plateformes et les professionnels du tourisme. Pour les hôtels indépendants, c’est une lueur d’espoir : celle de retrouver une marge de manœuvre dans un secteur dominé par les géants du numérique.

Ce n’est pas seulement une question d’argent, c’est une question de survie pour les petits hôtels.

Alors que les premières plaintes devraient être déposées d’ici fin octobre, les regards se tournent vers les tribunaux. Une victoire des hôteliers pourrait non seulement leur offrir une bouffée d’oxygène, mais aussi inspirer d’autres secteurs à défier les pratiques des plateformes. Dans cette bataille, une chose est sûre : les hôteliers européens ne se contenteront plus de subir.

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