Dans un contexte de lutte acharnée contre le trafic de drogue, le Honduras vient d’annoncer une décision cruciale concernant sa coopération avec les États-Unis. Malgré les tensions récentes, la présidente Xiomara Castro a confirmé le maintien du traité d’extradition entre les deux pays, un outil clé permettant le renvoi de narcotrafiquants recherchés par la justice américaine.
Un revirement surprise après des tensions diplomatiques
Cette annonce intervient à peine dix jours avant l’expiration du traité, et fait suite à une période de fortes tensions entre Tegucigalpa et Washington. Fin août, la présidente Castro avait en effet suspendu l’accord, dénonçant une « ingérence » américaine et évoquant un complot contre son gouvernement et les chefs de l’armée hondurienne.
Au cœur de la discorde : une réunion entre des hauts gradés honduriens et un ministre vénézuélien sanctionné par les États-Unis pour narcotrafic, qui avait suscité les critiques de l’ambassadrice américaine Laura Dogu. Mme Castro avait alors vivement réagi, affirmant avoir « assuré le respect de l’intégrité des Forces armées ».
Des soupçons de liens avec le narcotrafic au plus haut niveau
Mais derrière ces tensions diplomatiques, plane l’ombre du narcotrafic et de ses ramifications au plus haut niveau de l’État hondurien. Début septembre, une vidéo a en effet été diffusée, montrant Carlos Zelaya, le frère de l’ancien président Manuel Zelaya et beau-frère de l’actuelle présidente, en compagnie de trafiquants de drogue en 2013, dans le cadre présumé d’un financement de campagne électorale.
Suite à ces révélations, Carlos Zelaya a dû démissionner de son mandat de député, tandis que son fils José Manuel Zelaya, neveu de la présidente, a quitté ses fonctions de ministre de la Défense. L’opposition avait alors accusé Xiomara Castro d’avoir suspendu le traité d’extradition pour protéger son entourage.
Le Honduras, plaque tournante du trafic de cocaïne
Depuis des années, le Honduras est considéré comme un important point de transit pour la cocaïne produite en Colombie et au Pérou à destination des États-Unis, premier consommateur mondial. Le traité d’extradition entre les deux pays, en place depuis 2014, a permis le transfert d’une cinquantaine de narcotrafiquants honduriens vers les tribunaux américains.
Le cas le plus emblématique reste celui de l’ancien président Juan Orlando Hernandez, extradé en avril 2022 et condamné en juin dernier à 45 ans de prison par la justice américaine pour trafic de drogue. Son procès a mis en lumière l’ampleur de la corruption et l’emprise des cartels sur les plus hautes sphères du pouvoir hondurien.
Un accord crucial dans la lutte contre le narcotrafic
Dans ce contexte, le maintien du traité d’extradition apparaît comme un signal fort de la volonté du Honduras de poursuivre la lutte contre le narcotrafic, en coopération avec son puissant voisin du nord. Selon des sources proches du dossier, l’accord conclu avec la nouvelle administration américaine inclurait des « garanties » pour l’État hondurien, afin d’assurer une « application objective » du traité.
Reste à savoir si ces garanties seront suffisantes pour apaiser les tensions et restaurer la confiance entre les deux pays. Car au-delà des enjeux sécuritaires, c’est bien la stabilité politique et institutionnelle du Honduras qui est en jeu, dans un pays profondément marqué par la corruption et les violences liées au trafic de drogue.
Un défi majeur pour la présidente Xiomara Castro
Pour la présidente Xiomara Castro, arrivée au pouvoir en janvier 2022 avec la promesse de lutter contre la corruption et de rompre avec les pratiques du passé, l’affaire du traité d’extradition représente un véritable test. Tiraillée entre la nécessité de préserver sa légitimité sur le plan international et la tentation de protéger son entourage, elle semble avoir finalement opté pour la voie de la coopération avec Washington.
Mais sa marge de manœuvre reste étroite, dans un pays où les réseaux du narcotrafic ont infiltré jusqu’aux plus hautes sphères de l’État. Pour réellement tourner la page de la « narco-politique » et restaurer la confiance des citoyens dans leurs institutions, il faudra bien plus qu’un traité d’extradition : une véritable refondation de l’État de droit et un assainissement en profondeur de la vie publique hondurienne.
Le chemin sera long et semé d’embûches, mais le maintien de l’accord avec les États-Unis montre que le Honduras n’a pas renoncé à relever ce défi. À condition que la présidente Castro parvienne à imposer son autorité et à s’affranchir des pesanteurs du passé, pour incarner une véritable rupture dans la gouvernance du pays. Un pari audacieux, dont l’issue déterminera l’avenir du Honduras et de ses 9 millions d’habitants.