Comment un lieu de paix peut-il devenir le théâtre d’une tragédie ? Le 25 avril 2025, Aboubakar Cissé, un jeune Malien de 22 ans, a été sauvagement assassiné dans une mosquée de La Grand-Combe, dans le Gard. Ce crime, marqué par une violence extrême et des propos islamophobes, a secoué la France entière. Ce lundi 5 mai, la Grande Mosquée de Paris a accueilli son cercueil pour une cérémonie empreinte de douleur et de dignité, avant que sa dépouille ne soit rapatriée au Mali, sa terre natale. Cet hommage, à la fois intime et collectif, soulève des questions brûlantes sur la montée de l’islamophobie et la réponse des autorités face à de tels actes.
Un Adieu Solennel à la Grande Mosquée
Ce lundi matin, à 11 heures, une foule de fidèles, de proches et de membres de la communauté malienne s’est rassemblée dans la cour de la Grande Mosquée de Paris. Le cercueil d’Aboubakar Cissé, drapé de tissu vert, symbole de l’islam, est entré sous un silence pesant. Une Salat al-Janaza, la prière mortuaire, a été récitée, suivie d’un moment de recueillement. Chaque geste, chaque mot prononcé portait le poids d’une douleur partagée, mais aussi d’une exigence : celle de la justice.
Ce crime n’est pas un fait divers, c’est un acte de haine, d’extrême violence, ponctué d’invectives anti-islam. C’est un attentat islamophobe, un crime terroriste.
Chems-Eddine Hafiz, recteur de la Grande Mosquée
Le recteur, dans une prise de parole vibrante, a dénoncé l’indifférence de certains face à ce drame. Il a appelé à reconnaître la gravité de cet acte, refusant que le terme islamophobie soit dilué dans des débats stériles. Cette cérémonie, bien plus qu’un adieu, était un cri pour que la mémoire d’Aboubakar ne soit pas oubliée.
Un Crime qui Ébranle la Société
Aboubakar Cissé, arrivé en France en 2018 comme mineur non accompagné, était un jeune homme discret, dévoué et apprécié. À La Grand-Combe, il fréquentait assidûment la mosquée Khadidja, où il se rendait chaque vendredi pour nettoyer avant la prière. Ce 25 avril, alors qu’il était seul, un individu l’a poignardé à 57 reprises, filmant son agonie et proférant des insultes contre l’islam. Ce geste, d’une cruauté inouïe, a choqué par sa préméditation et son caractère haineux.
Faits marquants du drame :
- 25 avril 2025 : Aboubakar Cissé est assassiné dans la mosquée de La Grand-Combe.
- 57 coups de couteau portés par l’agresseur, qui filme la scène.
- Propos islamophobes proférés pendant l’attaque.
- L’auteur, Olivier H., se rend trois jours plus tard en Italie.
Ce meurtre n’est pas un incident isolé. Il s’inscrit dans un contexte où les actes islamophobes se multiplient. Selon un rapport récent, les préjugés contre les musulmans en France atteignent des niveaux alarmants, avec 55 % des citoyens percevant l’islam comme une menace. Ce climat, alimenté par des discours médiatiques et politiques, a des conséquences tragiques.
Une Enquête sous Tension
Une information judiciaire pour meurtre aggravé en raison de la religion a été ouverte à Nîmes. L’auteur présumé, Olivier H., un Français de 21 ans, s’est rendu aux autorités italiennes à Pistoia, en Toscane, trois jours après le crime. Il nie avoir agi par haine religieuse, affirmant avoir tué “la première personne rencontrée”. Pourtant, les propos tenus dans la vidéo qu’il a filmée contredisent cette version.
Les ressorts pour agir de l’agresseur sont très vite apparus comme profondément personnels : envie de tuer, quelle que soit la cible, et fascination morbide.
Cécile Gensac, procureure de Nîmes
Cette déclaration a suscité la colère des proches d’Aboubakar, qui estiment que le caractère islamophobe du crime est minimisé. Ils exigent que l’enquête soit confiée au Parquet national antiterroriste (PNAT), considérant cet acte comme un attentat terroriste. La famille a déposé une plainte avec constitution de partie civile pour que la justice reconnaisse cette dimension.
La Réponse des Autorités : Entre Silences et Polémiques
Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a annoncé un renforcement de la sécurité autour des mosquées après le drame. Cependant, sa réponse a été critiquée pour son retard et son manque d’empathie. Une rencontre prévue avec la famille ce 5 mai a été repoussée au 23 mai, alimentant un sentiment d’abandon.
Réaction | Détails |
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Ministre de l’Intérieur | Renforcement de la sécurité, mais rencontre avec la famille repoussée. |
Recteur de la Grande Mosquée | Dénonce l’indifférence et appelle à nommer l’islamophobie. |
Famille d’Aboubakar | Exige une enquête pour acte terroriste. |
Ce décalage entre les attentes de la communauté et les actions des autorités a ravivé les débats sur le deux poids, deux mesures dans le traitement des crimes de haine. Pourquoi, se demandent certains, les attaques contre d’autres communautés suscitent-elles des réactions plus immédiates ?
Un Hommage, Mais Aussi un Appel à l’Action
La cérémonie à la Grande Mosquée n’était pas seulement un moment de deuil. Elle a aussi été l’occasion de rappeler l’urgence de lutter contre l’islamophobie. Les participants ont insisté sur la nécessité de protéger les lieux de culte et de promouvoir un discours public plus inclusif.
Actions proposées :
- Renforcer la sécurité des mosquées avec des patrouilles régulières.
- Former les forces de l’ordre à reconnaître les crimes de haine.
- Encourager un débat public sur l’islamophobie sans stigmatisation.
- Soutenir les initiatives communautaires pour le dialogue interreligieux.
Pour beaucoup, cet hommage doit marquer un tournant. Comme l’a souligné le recteur, “on ne combat pas la haine avec des silences ou des communiqués tièdes”. La mémoire d’Aboubakar Cissé appelle à une mobilisation collective.
Le Parcours d’Aboubakar : Une Vie Brisée
Né en 2003 au Mali, Aboubakar Cissé avait rejoint la France à l’adolescence, plein d’espoirs. À La Grand-Combe, il s’était intégré grâce à son engagement à la mosquée et sa sociabilité. Étudiant en CAP menuiserie, il était connu pour sa gentillesse et son sens du service.
C’était un homme de confiance, très serviable. On lui avait confié les clés de la mosquée.
Un proche d’Aboubakar
Sa mort a laissé un vide immense. Ses proches, réunis à Paris ou à La Grand-Combe, décrivent un jeune homme qui incarnait les valeurs d’entraide et de respect. Son rapatriement au Mali, où il sera enterré, clôt un chapitre douloureux, mais sa mémoire continue d’inspirer.
Un Débat National Incontournable
Le meurtre d’Aboubakar Cissé a relancé les discussions sur la reconnaissance des crimes de haine en France. Les statistiques sont alarmantes : les actes islamophobes ont augmenté de 30 % entre 2024 et 2025. Ce constat impose une réflexion sur les racines de cette violence et les moyens de l’endiguer.
Chiffres clés :
- 55 % des Français perçoivent l’islam comme une menace (rapport 2023).
- 30 % d’augmentation des actes islamophobes en un an.
- Plus de 200 signalements d’actes anti-musulmans en 2024.
Ce drame, loin d’être un fait divers, interroge la société dans son ensemble. Comment garantir la sécurité des lieux de culte ? Comment lutter contre la banalisation des discours de haine ? Les réponses nécessitent une volonté politique forte et un engagement collectif.
Vers une Prise de Conscience Collective
L’hommage rendu à Aboubakar Cissé à la Grande Mosquée de Paris est un moment charnière. Il rappelle que la lutte contre l’islamophobie ne peut se limiter à des déclarations d’intention. Elle exige des actions concrètes, de l’éducation à la législation, en passant par le dialogue intercommunautaire.
En quittant la cérémonie, les participants portaient un message clair : la mémoire d’Aboubakar doit être un catalyseur pour le changement. Sa vie, bien que brisée, doit inspirer une France plus unie, où chacun peut pratiquer sa foi en sécurité.
Alors que le cercueil d’Aboubakar s’apprête à rejoindre le Mali, une question demeure : ce drame sera-t-il le déclencheur d’une véritable prise de conscience, ou restera-t-il une tragédie parmi d’autres ? La réponse appartient à chacun de nous.