Alors que le chauffard responsable de la mort d’Antoine Alléno, fils du célèbre chef Yannick Alléno, est jugé ce jeudi pour « homicide involontaire », le débat sur l’instauration d’un délit d’homicide routier revient sur le devant de la scène. Une qualification pénale réclamée par de nombreuses associations de victimes de la route et soutenue par Yannick Alléno dans son combat pour faire évoluer la loi.
Un parcours législatif semé d’embûches
La proposition de loi visant à créer un délit d’homicide routier, portée par des députés de droite, avait pourtant bien avancé dans son processus législatif. Votée à l’Assemblée nationale en janvier puis adoptée par le Sénat en mars, elle devait revenir devant les députés pour une deuxième lecture. Mais la dissolution surprise de l’Assemblée nationale en juin dernier a stoppé net son parcours.
Cependant, selon les informations de TF1, Eric Pauget, député Droite républicaine et rapporteur du texte, aurait obtenu le feu vert du ministre de la Justice et de la présidente de l’Assemblée nationale pour remettre la proposition de loi à l’ordre du jour rapidement, peut-être dès le mois de décembre.
De nouvelles circonstances aggravantes
L’objectif de ce texte n’est pas d’alourdir les peines mais de changer la dénomination du délit, en parlant « d’homicide routier » plutôt que « d’homicide involontaire » lorsque certaines circonstances aggravantes sont réunies. Une haute valeur symbolique pour les associations de victimes.
Cela montre le caractère délibéré de la prise de volant et de la conduite dangereuse.
Anne Brugnera, députée Renaissance et corapporteure du texte
Parmi les circonstances aggravantes retenues par les députés : la non-assistance à personne en danger, l’utilisation d’écouteurs ou d’un téléphone au volant, et la consommation excessive de substances psychoactives. Des facteurs malheureusement récurrents dans les drames de la route.
Députés et sénateurs encore en désaccord
Lors de son examen au Sénat, la droite sénatoriale avait cependant largement remanié le texte initial, en intégrant notamment dans la définition de l’homicide routier toutes les atteintes aux personnes commises par un conducteur, y compris en cas de fatigue au volant par exemple.
Si le texte revient effectivement au Parlement, députés et sénateurs devront donc s’accorder sur une nouvelle version commune. Un compromis indispensable pour faire avancer ce dossier cher à Yannick Alléno et à tant d’autres familles brisées par un drame de la route.
Le difficile combat des victimes
Pour le chef multi-étoilé, qui a perdu son fils de 24 ans, fauché par un chauffard en mai 2022 à Paris, l’inculpation pour « homicide involontaire » est vécue comme une injustice. Comme un déni de la gravité de l’acte commis par le conducteur.
J’ai trouvé ça tellement difficile à entendre, tellement injuste en fait.
Yannick Alléno, chef cuisinier
Un sentiment partagé par de nombreuses associations de victimes, qui voient dans l’homicide routier une reconnaissance de la souffrance endurée et un moyen de responsabiliser davantage les conducteurs. Quitte à heurter certaines sensibilités.
Car si le terme « d’homicide involontaire » peut sembler minimiser la responsabilité de l’auteur, il n’en reste pas moins une qualification pénale grave, passible de lourdes peines de prison. Mais pour les victimes et leurs proches, seule une modification radicale de la loi pourra vraiment faire évoluer les mentalités et les comportements au volant.
L’urgence d’agir face à l’hécatombe routière
Chaque année en France, ce sont près de 3500 personnes qui perdent la vie dans un accident de la route. Un bilan terrifiant, qui stagne malgré les campagnes de prévention et le durcissement des sanctions. Alcool, drogue, vitesse excessive, distraction au volant… Les comportements à risque perdurent, faisant toujours plus de victimes.
Face à ce constat alarmant, de plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer un véritable sursaut des pouvoirs publics. Et la création du délit d’homicide routier apparaît comme une mesure phare pour enfin inverser la tendance. Un symbole fort, à même de faire prendre conscience de la gravité des infractions commises au volant.
Mais au-delà de l’aspect répressif, c’est toute une prise de conscience collective qui est nécessaire. Un changement de paradigme, pour que chacun mesure pleinement sa responsabilité en prenant le volant. Car derrière chaque « accident », ce sont des vies brisées, des familles endeuillées, des destins tragiquement fauchés.
Le procès du chauffard qui a tué Antoine Alléno est un douloureux rappel de cette réalité. Et le combat de Yannick Alléno pour faire évoluer la loi, un appel vibrant à ne plus jamais banaliser ces drames. Pour qu’un jour, enfin, plus aucun parent n’ait à entendre parler « d’homicide involontaire » pour qualifier l’innommable.