C’est une nouvelle qui a fait l’effet d’une petite bombe dans le paysage politique français. François Hollande, l’ancien président socialiste tout juste redevenu député, s’est dit « ouvert » pour débattre avec Jean-Luc Mélenchon, son rival de toujours à la gauche de la gauche. Une déclaration surprise qui relance les spéculations sur l’avenir de la social-démocratie face à la pression des Insoumis, dans la perspective de la présidentielle de 2027.
Le spectre des « deux gauches irréconciliables »
En se disant prêt à croiser le fer avec le leader de La France insoumise, François Hollande réveille le vieux clivage entre deux lignes antagonistes à gauche. D’un côté, un PS attaché au réformisme social-démocrate et à la construction européenne. De l’autre, une gauche radicale, eurosceptique, qui assume la rupture avec le capitalisme. Un affrontement déjà vu en 2012, quand le candidat du Front de gauche avait réalisé une percée à 11% sans empêcher le candidat socialiste d’accéder à l’Élysée.
Mais le contexte a bien changé. Ébranlé par le quinquennat Hollande, concurrencé par Jean-Luc Mélenchon et la France insoumise, le PS n’est plus que l’ombre de lui-même. François Hollande, après avoir renoncé à se représenter en 2017, revient aujourd’hui dans le jeu par la petite porte des législatives. En face, Jean-Luc Mélenchon engrange 22% à la présidentielle, impose LFI comme première force de gauche à l’Assemblée, et entend bien pousser son avantage pour tourner définitivement la page du social-libéralisme.
Hollande veut-il prendre sa revanche ?
Dans ce rapport de forces défavorable, certains s’interrogent sur les motivations de François Hollande. Veut-il prendre sa revanche sur son ancien ministre qui l’avait lâché avec fracas en 2008 ? Défendre l’honneur d’un PS menacé de disparition entre le macronisme et les Insoumis ? Poser des jalons pour revenir dans le jeu présidentiel, alors qu’il se dit « pas indifférent » à 2027 ?
« Les Insoumis sont obsédés par une élection présidentielle anticipée avec Mélenchon comme candidat », a taclé l’ex-président sur France Inter, dénonçant une « gourmandise » et un facteur « d’instabilité ». Pourtant, en relançant un duel qui semblait enterré, François Hollande alimente aussi le buzz autour d’une confrontation attendue entre deux prétendants putatifs pour 2027.
La clarification idéologique plutôt que les querelles de personnes
Dans le reste de la gauche, certains ne se reconnaissent ni dans le bilan de François Hollande, ni dans la ligne de Jean-Luc Mélenchon. Ils redoutent que la réactivation des vieux clivages ne brouille un peu plus le message à destination des électeurs. « La culture de combat de coqs qu’étalent en permanence Hollande et Mélenchon est agaçante. Pour gagner, nous avons besoin d’un état d’esprit unitaire », a réagi Raquel Garrido, ex-députée LFI, sur Twitter.
Pourtant, un débat de fond pourrait aider à clarifier les lignes après des années de confusion idéologique. Depuis 2017 et l’avènement d’En Marche, la gauche se cherche un cap entre compromis et radicalité. Quel avenir pour la social-démocratie face à la tentation du populisme ? Quelle stratégie face à un Emmanuel Macron qui se voit en rempart contre les extrêmes ? Quelle vision de l’Europe et de la mondialisation ? Autant de questions sur lesquelles Hollande et Mélenchon devraient se différencier.
Gauches irréconciliables ou nouvelle donne à construire ? Le débat Hollande-Mélenchon n’a pas encore eu lieu mais il promet déjà des étincelles.
Le retour de Hollande, un miroir pour Macron
Au-delà des enjeux propres à la gauche, le come-back de François Hollande dans l’arène fait écho aux difficultés d’Emmanuel Macron. Englué dans la crise des retraites et la défiance de l’opinion, le président voit ressurgir le spectre de « l’hollandisation » qui avait plombé son prédécesseur socialiste. Impopularité, contestation sociale, dissidences dans son camp… Les parallèles sont légion même si le contexte n’est pas comparable.
En réinvestissant le terrain politique, un François Hollande ragaillardi par sa victoire aux législatives, tend un miroir à Emmanuel Macron. Celui d’un président qui s’est coupé de sa base électorale de gauche et peine à renouer le fil du dialogue. Mais aussi celui d’un réformisme social-libéral chahuté aux deux bouts de l’échiquier politique, entre protestation populaire et surenchères nationalistes.
2027, un horizon encore lointain
Reste que la présidentielle de 2027, évoquée en filigrane par François Hollande et Jean-Luc Mélenchon, est encore loin. D’ici là, Emmanuel Macron devra continuer à gouverner dans un contexte inflammable, entre blocage au Parlement et colère sociale toujours vive. Les Républicains et le Rassemblement national, revigorés par leurs scores aux législatives, fourbissent leurs armes en vue de la prochaine échéance.
Et à gauche, tout reste à reconstruire. Le PS, principal opposant à LFI, est traversé de courants contradictoires. Les écologistes veulent capitaliser sur leurs bons résultats aux européennes et aux municipales. Les communistes et les trotskistes se réorganisent en coulisses. En ligne de mire, les élections intermédiaires où chacun voudra compter ses forces. François Hollande et Jean-Luc Mélenchon ont beau rejouer leur match d’antan, une nouvelle génération a émergé qui cherchera à faire entendre sa petite musique. Réformistes, radicaux, « réalistes », « utopistes » : en 2027 comme hier, la gauche aura plus que jamais besoin de se rassembler pour exister. Avec ou sans figures tutélaires.