Imaginez : 1600 enfants de CM1 et CM2 surexcités, prêts à découvrir l’Histoire de France en chantant du rock, du rap et du reggae. Et puis, brutalement, rideau. Le spectacle est annulé. Pas à cause d’un problème technique ou d’une grève des artistes, mais parce qu’une partie de la gauche a jugé que parler de cathédrales, de Napoléon et de poilus relevait de la « propagande réactionnaire ».
Cette scène surréaliste s’est déroulée à Montrouge, dans les Hauts-de-Seine, à quelques jours seulement de la représentation prévue le 18 décembre. Le spectacle incriminé ? Historock, un projet né dans une classe de ZEP et qui parcourt la France depuis des années sans jamais avoir été censuré… jusqu’à aujourd’hui.
Quand l’Histoire de France devient suspecte
Dimitri Casali n’est pas un inconnu. Professeur d’histoire passionné, il a passé des années à enseigner dans des collèges difficiles. Un jour, il a eu l’idée folle d’amener sa guitare en cours. Résultat : les élèves, d’abord hilares, se sont pris au jeu. César en rap, Napoléon en rock, les poilus en reggae… l’Histoire entrait enfin par le cœur, comme il le dit si bien.
De cette expérience est né Historock : vingt tableaux musicaux qui balaient quinze siècles d’histoire française, des cathédrales gothiques à l’appel du 18 juin. Le spectacle est parrainé par l’académicien Jean Tulard, a été joué dans une quarantaine de villes et n’avait jamais été annulé… jusqu’à ce que la mairie de Montrouge (UDI) cède à la pression conjointe de syndicats et d’élus LFI-PS.
Un spectacle « extrêmement équilibré » selon son créateur
Dimitri Casali le répète : son spectacle est rigoureusement équilibré. Dix chansons sur l’héritage chrétien et monarchique, dix sur l’héritage laïc et républicain. On y entend un chevalier croisé, une sans-culotte, un poilu de Verdun, mais aussi Léon Blum sur un air de « Front pop, pop, populaire » que les enfants reprennent en chœur.
« Comment nos enfants pourraient-ils s’inscrire dans la culture française, l’une des plus admirées au monde, si on ne parvient pas à leur transmettre notre héritage à la fois chrétien et monarchique, laïque et républicain ? »
Dimitri Casali
Pour lui, la France est « malade de son histoire ». Malade de ne plus la connaître, de ne plus oser la transmettre, de la réécrire sans cesse pour plaire à tout le monde… ou pour ne froisser personne.
Les arguments de la censure : Maurras et le « retour du catéchisme »
Du côté des opposants, on ne mâche pas ses mots. Pour certains syndicats culturels et Sud Éducation, Historock fleure bon le « roman national » d’extrême droite. Pire : il ressemblerait à un « retour au catéchisme ».
Un slogan a même circulé : « Maurras n’est pas mort, son cadavre bouge encore ! » Rien que ça. Parler de cathédrales gothiques ou de Napoléon serait donc maurrassien ? Chanter la Marseillaise ou rendre hommage aux poilus de 14-18 deviendrait suspect ?
Ce qui frappe, c’est l’absence totale de nuance. Le spectacle ne célèbre ni Pétain, ni l’Occupation, ni aucune figure controversée de l’extrême droite. Il célèbre simplement… la France. Dans toute sa complexité, ses grandeurs et ses contradictions.
Une censure qui en dit long sur notre rapport au passé
Cette annulation n’est pas un épiphénomène. Elle s’inscrit dans une longue série d’épisodes où l’Histoire de France est devenue un champ de bataille idéologique. Souvenez-vous :
- Les programmes scolaires qui minimisent la place des rois de France ou de la chrétienté
- Les statues déboulonnées ou taguées au nom de la « décolonisation »
- Les commémorations de 14-18 accusées de « militarisme »
- Les manuels qui parlent plus de l’esclavage que des Lumières
Chaque fois, le même schéma : une partie de la gauche estime que transmettre un récit commun, même nuancé, même équilibré, est forcément suspect. Comme si aimer son pays, ses cathédrales ou ses héros était forcément réactionnaire.
Et les enfants dans tout ça ?
Ce sont eux les grandes victimes. 1600 élèves de CM1-CM2 qui attendaient avec impatience ce spectacle. Des enfants de tous horizons, souvent issus de l’immigration, qui allaient découvrir que la France, c’est aussi leur histoire. Que Clovis, Jeanne d’Arc, Louis XIV, Robespierre, Napoléon, Clemenceau ou de Gaulle font partie de leur héritage commun.
Au lieu de cela, on leur envoie un message terrible : certaines parties de l’Histoire de France sont trop dangereuses pour être montrées. Mieux vaut les passer sous silence que risquer… quoi exactement ? Qu’un enfant de 10 ans aime trop son pays ?
Dans les quartiers populaires, où Dimitri Casali a commencé, les élèves sont souvent les premiers à réclamer plus d’Histoire de France. Parce qu’ils sentent confusément que pour s’intégrer, pour se sentir pleinement français, il faut connaître cette histoire commune. Pas pour l’adorer béatement, mais pour la comprendre et s’y inscrier.
La France malade de son histoire
Comme le dit si bien Dimitri Casali, notre pays souffre d’un mal étrange : il a honte de son passé. Pas des pages sombres – celles-là, on les enseigne abondamment – mais des pages de lumière. Des cathédrales qui ont mobilisé des générations entières. De l’épopée napoléonienne qui a exporté les idées de 1789. De la résistance obstinée des poilus dans les tranchées.
Cette honte est entretenue par une partie de la gauche qui voit dans tout récit national un risque de « repli identitaire ». Comme si aimer son histoire empêchait d’aimer les autres. Comme si transmettre son héritage revenait à rejeter ceux qui arrivent.
Le paradoxe est saisissant : ceux qui accusent Historock d’exclure sont précisément ceux qui excluent des milliers d’enfants d’une expérience culturelle joyeuse et fédératrice.
Vers une histoire aseptisée ?
Si on suit la logique des censeurs, que restera-t-il à enseigner ? Une histoire réduite à ses pages noires ? Une France éternellement coupable, jamais fière ? Un pays sans héros, sans beauté, sans grandeur ?
Cette vision est non seulement fausse historiquement, mais profondément dangereuse socialement. Car une nation qui n’a plus de récit commun, plus de fierté partagée, plus de mémoire collective… est une nation qui se dissout.
Être français, ce n’est pas haïr les autres. C’est avoir la volonté de vivre ensemble, comme le disait Ernest Renan. Et pour vivre ensemble, il faut des souvenirs communs. Des chansons communes. Une histoire commune.
En annulant Historock, c’est exactement cela qu’on refuse aux enfants de France : le droit d’aimer leur histoire. Dans toute sa richesse. Dans toute sa complexité. Sans peur et sans honte.
Et ça, c’est peut-être la plus grande victoire de ceux qui voudraient que la France oublie qui elle est.









