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Histoire de la connerie : Comment les “cons” ont marqué la culture française

Le mot "con" a une histoire fascinante dans la culture française. De son origine latine à son usage chez Brassens et Audiard, découvrez comment le terme a évolué pour devenir un sport national de snobisme populaire. Un livre érudit et amusant explore ce phénomène typiquement français...

Connaissez-vous l’étonnante histoire du mot “con” dans la langue française ? Ce petit vocable typiquement français a connu une évolution fascinante au fil des siècles, passant du registre érotique à celui de l’insulte. Mais plus encore, il est devenu au XXe siècle un élément incontournable de notre culture, suscitant d’innombrables discours, chansons et répliques cultes. Médire des cons serait même devenu un sport national, une façon bien française de se distinguer tout en s’ancrant dans le langage populaire. C’est ce que révèle Luca Di Gregorio, docteur en langues et lettres, dans son livre érudit et amusant “Médire des cons : Histoire culturelle d’un snobisme populaire” (éditions du Cerf).

Des origines latines à Brassens

Le mot “con” tire ses origines du latin cunnus désignant le sexe féminin. Pendant des siècles, il resta cantonné au vocabulaire sexuel et érotique, comme dans le célèbre Roman de la Rose au Moyen-Âge. Ce n’est qu’au début du XIXe siècle qu’il prit son sens moderne d’insulte.

Mais c’est véritablement au XXe siècle que “con” devint une figure incontournable de la culture française, notamment grâce à des artistes comme Georges Brassens. Dans ses chansons truculentes, le mot “con” est omniprésent, tantôt avec une connotation péremptoire (“quand on est con, on est con”), tantôt avec une once de sympathie pour ces “cons” qui sont “braves”. Brassens contribua ainsi à faire entrer le mot dans l’imaginaire collectif.

Audiard, le génie des répliques sur les cons

Au cinéma, c’est le dialoguiste Michel Audiard qui fut le grand maître ès connerie. Ses répliques assassines firent mouche, de “Les cons, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît” à “Il est con comme la lune mais il rêve”. Avec un sens inégalé de la formule, il donna ses lettres de noblesse à l’art de brocarder les cons.

“Les cons, ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît”

Michel Audiard

Un snobisme populaire à la française

Mais pourquoi une telle obsession hexagonale pour les cons ? Selon Luca Di Gregorio, railler la connerie serait une forme de “snobisme populaire” typiquement français. En utilisant ce mot simple et percutant issu du langage familier, on se donne l’air de parler depuis le bon sens commun tout en prenant de la hauteur. Une manière habile de se distinguer à l’intérieur même du peuple, en adoptant la rhétorique du café du commerce.

Médire des cons serait ainsi devenu un lieu commun fédérateur, partagé par toutes les classes sociales. Une façon somme toute assez inoffensive de créer du lien social autour d’une cible abstraite et réversible (chacun peut être le “con” d’un autre). Ce discours permettrait aussi de s’affranchir des clivages politiques et des concepts compliqués.

Du “con” au “beauf” : les évolutions

La figure du con a cependant évolué à mesure que la société française se transformait. Dans les années 70, Cabu créa ainsi le personnage du “beauf”, archétype du Français moyen, vulgaire et borné. Un stéréotype volontiers moqué par une certaine élite culturelle de gauche. Preuve que brocarder la connerie peut aussi avoir un fond social et politique.

Mais qu’il s’agisse du con de Brassens ou du beauf de Cabu, railler la bêtise reste un sport éminemment français. Un héritage culturel qui continue d’inspirer livres, chansons et bons mots. Un art de la “vanne” qui en dit long sur notre irrévérence et notre rapport à la langue. Médire des cons, c’est sans doute notre façon bien à nous de rire du monde et de nous en protéger. Une manière joueuse de réaffirmer, en somme, notre “French touch” !

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