Imaginez posséder près de 6 % d’une des plus belles entreprises françaises, une fortune qui frôle les 15 milliards d’euros… et vous réveiller un matin en découvrant que ces actions ont disparu, transférées sans votre accord au pire ennemi familial.
C’est exactement ce que vit aujourd’hui Nicolas Puech, 82 ans, unique héritier rebelle de la saga Hermès.
Un procès à 14,3 milliards d’euros qui secoue le luxe français
Le 15 mai 2025, Nicolas Puech a assigné en justice, au civil, le groupe LVMH et son emblématique patron Bernard Arnault. Le montant réclamé donne le vertige : 14,3 milliards d’euros. Rien que ça.
À l’origine de cette procédure hors norme : la conviction d’avoir été dépossédé de six millions d’actions Hermès, héritées de son arrière-grand-père Thierry Hermès, le fondateur de la maison en 1837.
Ces titres représenteraient aujourd’hui environ 5,76 % du capital de l’entreprise au célèbre carré de soie et au sac Birkin. Une part colossale dans une société toujours contrôlée majoritairement par la famille.
Un gestionnaire de fortune au cœur du scandale
L’homme pointé du doigt n’est plus là pour se défendre. Eric Freymond, le gestionnaire de fortune suisse de Nicolas Puech, est décédé en juillet dernier.
Mais selon plusieurs sources concordantes, il aurait reconnu, peu avant sa mort et devant les juges français, avoir vendu dès 2008 une partie importante de ces actions… à LVMH.
Précisément 4,8 millions de titres auraient été cédés au groupe de Bernard Arnault, après plusieurs ventes plus modestes réalisées au fil des années.
Une trahison organisée sur plus de quinze ans, au profit du grand rival historique.
Une rivalité légendaire ranimée
Il faut remonter au début des années 2010 pour comprendre l’ampleur du traumatisme chez Hermès.
LVMH, alors dirigé avec une main de fer par Bernard Arnault, avait discrètement acquis plus de 23 % du capital d’Hermès via des montages complexes d’equity swaps. Une opération baptisée « l’attaque du crocodile » dans les couloirs de la Bourse.
La famille Hermès, furieuse d’avoir été prise de court, avait répondu par un pacte d’actionnaires blindé et une bataille juridique acharnée. L’affaire s’était soldée en 2014 par un accord : LVMH réduisait sa participation à environ 8 %, tout en conservant une belle plus-value.
Mais voilà que dix ans plus tard, cette vieille guerre semble renaître de ses cendres, cette fois dans les prétoires.
Deux procédures en parallèle
Au pénal, une instruction est toujours en cours à Paris pour escroquerie, abus de confiance et blanchiment. Elle vise à établir si Eric Freymond a réellement agi seul ou s’il a bénéficié de complicité.
Au civil, Nicolas Puech a préféré attaquer directement LVMH et Bernard Arnault, estimant que le groupe a profité sciemment d’une spoliation.
Il a toutefois demandé un sursis à statuer, le temps que la procédure pénale fasse la lumière. Prochaine audience procédurale fixée au 19 février 2026.
Nicolas Puech, l’héritier solitaire
À 82 ans, Nicolas Puech vit en Suisse et cultive une certaine discrétion. Longtemps membre du conseil de surveillance d’Hermès, il avait quitté l’organe de gouvernance en 2014, préférant tracer sa propre route loin des contraintes familiales.
Il n’a jamais signé le pacte d’actionnaires qui lie aujourd’hui plus de 60 héritiers et protège Hermès d’une OPA hostile. Ce qui rendait ses titres particulièrement stratégiques… et convoités.
Son isolement relatif expliquerait aussi qu’il ait pu être victime, pendant de longues années, d’une gestion opaque de son patrimoine.
Que risque réellement LVMH ?
Juridiquement, la bataille s’annonce titanesque.
Pour condamner LVMH, il faudra prouver que le groupe savait que les actions vendues par Eric Freymond n’étaient pas librement disponibles, ou qu’il a fermé les yeux sur une provenance douteuse.
Les avocats de Bernard Arnault devraient arguer de la bonne foi, c’est-à-dire qu’ils ont acquis ces titres en pensant traiter avec le véritable propriétaire.
Mais l’ampleur des volumes (près de 6 millions d’actions) et la sensibilité du dossier Hermès pourraient compliquer cette défense.
Un séisme pour la Bourse et l’image du luxe français
Au-delà du duel personnel, c’est tout l’écosystème du luxe tricolore qui retient son souffle.
Hermès reste l’une des plus belles réussites boursières mondiales : son cours a été multiplié par dix en quinze ans. Une performance qui rend le préjudice allégué encore plus astronomique.
Si la justice donnait raison à Nicolas Puech, LVMH pourrait être contraint de restituer les titres ou de verser une indemnisation record, bouleversant l’équilibre actionnarial des deux géants.
Et l’image du luxe français, déjà écornée par certaines affaires récentes, en prendrait un nouveau coup.
Affaire à suivre, donc. Très attentivement.
Un héritier dépouillé, un gestionnaire décédé qui avoue tout juste avant de disparaître, et deux empires du luxe qui s’affrontent à coups de milliards. Le scénario d’un thriller financier est en train de se jouer sous nos yeux, dans les tribunaux parisiens.
Le rideau ne fait que se lever sur l’un des plus gros scandales jamais révélés dans le monde feutré du luxe français.









