La situation des travailleuses du sexe en France ne cesse de se dégrader. En 2024, les associations de terrain tirent la sonnette d’alarme face à l’explosion des violences perpétrées à leur encontre. Un triste constat qui soulève de nombreuses questions sur les politiques publiques en la matière.
Une hausse alarmante des agressions
Selon les données recueillies par la plateforme Jasmine de Médecins du Monde, les violences envers les travailleuses du sexe ont bondi de 6% entre 2023 et 2024. Pire encore, la gravité des actes commis s’intensifie. Viols, tentatives de meurtre, agressions à l’arme blanche… Le bilan est accablant :
- 7 travailleuses du sexe assassinées
- 203 viols ou tentatives de viol
- 82 agressions avec arme
- 3110 faits de violence signalés au total
Face à ce constat glaçant, les associations appellent à une réaction forte des pouvoirs publics. Pour Paola Gioia Macioti, coordinatrice de Jasmine, ce fléau est directement lié à la précarisation croissante des travailleuses du sexe, elle-même conséquence des lois répressives en vigueur.
Cette hausse des violences est directement liée aux lois répressives qui ont augmenté la précarité des travailleuses du sexe, sans changer les conditions matérielles qui poussent les gens à faire ce travail pour subvenir à leurs besoins.
Paola Gioia Macioti, coordinatrice chez Médecins du Monde
La loi de 2016 pointée du doigt
Adoptée en 2016, la loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel est particulièrement décriée. En pénalisant les clients et les « aidants », elle aurait considérablement fragilisé les travailleuses du sexe, les contraignant à exercer dans des conditions toujours plus précaires et dangereuses.
D’après Gioia Macioti, cette législation place les prostituées dans une situation intenable :
On ne peut pas prendre le risque de crier si on est attaquée parce que si quelqu’un découvre que tu es chez toi et que tu fais du travail du sexe, ton propriétaire va t’expulser, sinon il peut se rendre coupable de proxénétisme.
Un combat pour la dignité et les droits fondamentaux
En ce 17 décembre 2024, Journée internationale contre les violences faites aux travailleuses du sexe, un rassemblement était organisé près de l’Assemblée Nationale pour rendre hommage aux victimes et interpeller les décideurs politiques. Maîtresse Catin, travailleuse du sexe, y exprimait une revendication claire :
Nous, ce qu’on demande, c’est que les députés et les sénateurs s’engagent à faire un état des lieux des entraves aux droits fondamentaux que nous subissons.
Un appel relayé par Berthe de Laon, coordinatrice de la fédération Parapluie Rouge qui regroupe associations et collectifs de santé communautaire :
On est là pour que les pouvoirs publics, l’État, les parlementaires puissent nous écouter, puissent nous entendre (…) et puissent enfin mettre fin aux politiques qui nous enterrent.
Pour une approche pragmatique et respectueuse
Au-delà de la nécessaire protection des personnes, c’est un véritable changement de paradigme que les associations appellent de leurs vœux. Plutôt que la répression et la stigmatisation, elles prônent une approche pragmatique centrée sur la réduction des risques et le respect des droits humains.
Cela passe notamment par :
- L’abrogation des mesures répressives, en particulier la pénalisation des clients
- La mise en place de dispositifs d’accompagnement social et sanitaire adaptés
- La lutte contre les violences et les discriminations envers les travailleuses du sexe
- La reconnaissance du travail sexuel comme une activité professionnelle à part entière
Autant de pistes qui mériteraient d’être sérieusement étudiées si l’on veut enrayer durablement ce fléau. Car derrière les chiffres, ce sont des vies brisées et des souffrances indicibles. En 2024, il est plus que temps d’agir pour garantir la sécurité et la dignité de toutes et tous.