À quelques jours d’une élection présidentielle américaine plus clivante que jamais, certaines villes concentrent à elles seules toutes les fractures qui traversent le pays. Harrison, bourgade de 13 000 âmes nichée au cœur de l’Arkansas, en fait indéniablement partie. Autoproclamée “ville la plus raciste des États-Unis”, son cas est emblématique d’une Amérique polarisée à l’extrême, où le dialogue semble devenu impossible entre deux camps que tout oppose.
Au cœur de la “Bible Belt”, un bastion du conservatisme blanc
Située dans ce qu’on appelle la “Bible Belt”, cette vaste zone du sud-est des États-Unis connue pour son conservatisme politique et religieux, Harrison affiche fièrement ses “valeurs”. En 1905, ses habitants avaient déjà violemment chassé les personnes noires de la ville. Plus d’un siècle après, la situation a peu évolué.
Aujourd’hui encore, la population, qui a voté à plus de 80% pour Donald Trump en 2020, est très majoritairement blanche. Et surtout farouchement hostile à toute diversité. Les insultes racistes et les actes de malveillance envers les rares “étrangers” sont monnaie courante.
“Nous étions la première famille issue de la diversité à s’installer ici”
Ruben, un habitant d’origine amérindienne et hispanique, en sait quelque chose. Il raconte le calvaire qu’il a vécu lorsque sa famille est arrivée en ville dans les années 60 :
Les voisins nous jetaient des pierres aux fenêtres, nous disaient de partir. Avec le temps, ça s’est un peu amélioré, mais le racisme est toujours bien présent, surtout envers les hispaniques.
Un constat amer partagé par un jeune pêcheur hispanique. Sous couvert d’anonymat, il confie faire encore régulièrement l’objet d’insultes racistes. “C’est même de pire en pire”, lâche-t-il, las.
Le Ku Klux Klan, une influence toujours présente
Dans les faits, Harrison n’a effectivement pas beaucoup changé. Les groupes suprémacistes y prospèrent toujours, à l’image du tristement célèbre Ku Klux Klan. Cette milice raciste née après la guerre de Sécession compte encore des membres actifs dans la région.
Thomas Robb en est le parfait exemple. Pasteur autoproclamé et patron local des “chevaliers du Ku Klux Klan”, il diffuse chaque dimanche son idéologie nauséabonde dans son église :
La population blanche est attaquée. Il y a un génocide contre les blancs, qui en plus ne se reproduisent plus assez. Ce que l’on suggère, c’est une séparation physique [entre les races]. C’est la seule chose qui pourrait marcher.
Le terreau fertile du trumpisme
Dans cet Arkansas plus pauvre que la moyenne nationale, ce genre de discours trouve un écho favorable. D’autant plus à l’approche d’un scrutin présidentiel sous haute tension, qui voit s’affronter l’actuelle vice-présidente démocrate Kamala Harris et l’ancien président républicain Donald Trump.
Ici, le choix est déjà fait. Le candidat Trump, avec son discours anti-immigration assumé et ses outrances permanentes, est perçu comme un sauveur par une majorité de la population blanche. Celle-ci se sent menacée par les évolutions démographiques et sociétales du pays.
À quelques jours du scrutin, les sondages sont toujours extrêmement serrés au niveau national. Mais à Harrison, le camps trumpiste semble avoir déjà gagné la bataille. Quelles qu’en soient les conséquences pour la cohésion du pays.