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Haïti : L’ONU Divisée Sur La Transformation De La Mission De Sécurité

Haïti est secoué par une flambée de violence des gangs. Les États-Unis veulent transformer la mission de sécurité en force de l'ONU, mais la Russie et la Chine s'y opposent. Le débat est vif au Conseil de sécurité alors que la situation se dégrade sur le terrain...

Alors qu’Haïti est en proie à une nouvelle flambée de violence des gangs, un débat houleux agite le Conseil de sécurité de l’ONU. Au cœur des discussions : la transformation de l’actuelle mission multinationale de sécurité en une véritable force onusienne, une requête formulée par les autorités haïtiennes de transition mais qui se heurte à l’opposition de la Russie et de la Chine.

Washington pousse pour une force de l’ONU

Dès septembre dernier, lors du renouvellement du mandat de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) menée par le Kenya, les États-Unis avaient suggéré de la transformer en mission de maintien de la paix de l’ONU. Une idée alors écartée par le Conseil de sécurité. Mais face à la dégradation sécuritaire, Haïti a depuis envoyé une requête officielle en ce sens.

Pour Washington, cette transition permettrait à la mission de « profiter des structures financières, en personnel et logistiques de l’ONU » alors qu’elle manque cruellement de moyens actuellement. L’ambassadrice américaine adjointe Dorothy Shea a ainsi appelé les membres du Conseil à « ne pas tourner le dos à Haïti ».

Un projet de résolution américano-équatorien

Les États-Unis et l’Équateur ont préparé un projet de résolution demandant au secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres d’étudier cette transformation. Il aurait 45 jours pour présenter des recommandations précises sur les structures, les effectifs et le mandat d’une telle force.

Alors que la MMAS n’a déployé pour l’instant qu’environ 400 policiers kényans sur les 2 500 prévus, le Kenya s’est dit favorable à cette transition. Mais la conseillère nationale à la sécurité du président kényan, Monica Juma, a prévenu qu’elle devait se faire « avec prudence pour éviter tout vide qui saperait la situation sécuritaire ».

Les gangs profitent du « déploiement sous-optimal »

D’après elle, les gangs tirent déjà parti du « déploiement sous-optimal » actuel de la MMAS pour « intensifier leurs activités criminelles ». Haïti, pays le plus pauvre des Amériques, est effectivement gangrené par une instabilité politique chronique et une violence des bandes armées qui ne cesse de s’aggraver.

Moscou et Pékin réticents à une force de l’ONU

Si de nombreux membres du Conseil de sécurité se sont montrés ouverts à l’idée d’une mission onusienne, la Russie et la Chine, qui disposent d’un droit de veto, ont exprimé leurs réserves. Pour l’ambassadeur russe adjoint Dmitry Polyanskiy, le rôle des Casques bleus est « de maintenir la paix, pas de combattre le crime en zones urbaines ou sauver un État dysfonctionnel plongé dans un conflit national ».

Il a dénoncé les « revirements » des États-Unis qui étaient à l’origine de la création de la MMAS. De son côté, la Chine n’a pas caché son scepticisme sur l’efficacité qu’aurait une force de l’ONU dans un contexte aussi chaotique.

Le temps presse face à la spirale de violence

Malgré ces réticences, la communauté internationale est sous pression pour agir rapidement tant la situation ne cesse de s’aggraver en Haïti. Les enlèvements contre rançon y battent des records et les tueries se multiplient, y compris dans les quartiers jusqu’ici épargnés.

Selon une source onusienne, plus de 600 meurtres et autant d’enlèvements ont été recensés sur les trois premiers mois de 2023. Des chiffres qui donnent la mesure de l’urgence à laquelle est confronté le Conseil de sécurité, au-delà des divergences sur les moyens d’y répondre.

Il faut donner à la mission de sécurité les capacités de faire face aux gangs qui tiennent le pays en otage. Chaque jour compte, chaque hésitation se paie en vies humaines.

Une source diplomatique à l’ONU

Face à ce constat alarmant, Américains, Européens et pays de la région espèrent obtenir un accord de principe au Conseil de sécurité d’ici fin avril sur la transformation de la MMAS. Reste à voir si Russes et Chinois lèveront leurs objections.

La tragédie haïtienne est à un tournant. Soit la communauté internationale parvient à se rassembler derrière un plan d’action crédible pour épauler des autorités débordées, soit elle prend le risque de voir le pays sombrer dans un chaos généralisé aux conséquences humanitaires incalculables.

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