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Haïti : Élections 2026 Annoncées dans un Pays en Crise

Haïti vient d’annoncer des élections générales pour 2026, neuf ans après le dernier scrutin. Mais avec 90 % de Port-au-Prince aux mains des gangs et une sécurité inexistante, ces élections pourront-elles vraiment avoir lieu ? La réponse dans la suite…

Imaginez un pays où plus personne n’a voté depuis près d’une décennie, où le président a été assassiné dans sa résidence et où des bandes armées décident de qui entre ou sort de la capitale. Ce pays existe : c’est Haïti. Et pourtant, mardi dernier, une lueur d’espoir a traversé ce chaos : les autorités de transition viennent d’annoncer la tenue d’élections législatives et présidentielle en 2026.

Un décret officiel a été adopté. Le calendrier électoral peut enfin démarrer. Mais derrière cette annonce se cache une réalité brutale : sans rétablissement massif de la sécurité, ces élections risquent de n’être qu’un mirage de plus dans le désert politique haïtien.

Un pas historique dans un océan d’incertitudes

Le président du Conseil électoral provisoire, Jacques Desrosiers, l’a dit clairement : le premier tour est fixé au 30 août 2026. Pour la première fois depuis l’assassinat de Jovenel Moïse en juillet 2021, le peuple haïtien pourrait retrouver le chemin des urnes.

Cette annonce intervient après des mois de blocage. Les autorités de transition, mises en place dans l’urgence, peinaient à s’accorder sur la moindre décision. Le simple fait d’adopter un décret électoral représente déjà une petite victoire institutionnelle.

Laurent Saint-Cyr, président du Conseil présidentiel de transition, n’a pas caché sa satisfaction. Sur les réseaux sociaux, il a salué une « étape décisive » qui offre enfin au peuple « la possibilité de choisir librement » ses dirigeants. Des mots forts, mais qui sonnent presque irréels quand on connaît la situation sur le terrain.

Port-au-Prince, une capitale sous contrôle criminel

Dans les rues de la capitale, la réalité est terrifiante. Selon les estimations de l’ONU, près de 90 % du territoire de Port-au-Prince échappe aujourd’hui au contrôle de l’État. Les gangs imposent leur loi par les armes, les viols, les pillages et les enlèvements.

Cette domination s’est accentuée début 2024. À l’époque, le Premier ministre Ariel Henry, alors en déplacement à l’étranger, a été purement et simplement empêché de rentrer par les groupes armés. Contraint à la démission, il a laissé derrière lui un vide politique encore plus profond.

Aujourd’hui, se déplacer dans certains quartiers relève du parcours du combattant. Les habitants vivent au rythme des fusillades et des barrages improvisés. Comment organiser un scrutin dans ces conditions ? La question hante tous les observateurs.

La sécurité, condition sine qua non du scrutin

Jacques Desrosiers l’a répété avec force : « Le rétablissement de la sécurité est un préalable ». Sans cela, impossible d’installer des bureaux de vote, de distribuer le matériel électoral ou même d’assurer la campagne des candidats.

La police haïtienne, épuisée et largement dépassée, ne peut plus faire face seule. C’est pourquoi la communauté internationale a tenté d’agir. En 2023, le Conseil de sécurité de l’ONU a autorisé le déploiement d’une mission multinationale de soutien à la sécurité.

Malheureusement, les résultats sont décevants. Sous-équipée, sous-financée, cette force a peiné à produire des effets concrets. Fin septembre dernier, un nouveau tournant a été pris : la mission va être transformée en une force antigang plus robuste. Reste à savoir si ce renforcement arrivera à temps.

« En franchissant cette étape décisive, alors que nous restons pleinement mobilisés pour le rétablissement de la sécurité, nous réaffirmons notre engagement à remettre Haïti sur la voie de la légitimité démocratique et de la stabilité. »

Laurent Saint-Cyr, président du Conseil présidentiel de transition

Neuf ans sans élections : les conséquences d’un vide institutionnel

Pour comprendre l’ampleur du défi, il faut revenir en arrière. Haïti n’a plus connu d’élections nationales depuis 2016-2017. Le Parlement a fini par être dissous faute de renouvellement. Depuis l’assassinat de Jovenel Moïse, le pays fonctionne sans président élu.

Ce vide a créé un cercle vicieux. Sans légitimité démocratique, les institutions peinent à agir. Sans action forte de l’État, les gangs prospèrent. Et plus les gangs dominent, plus il devient difficile d’organiser des élections libres. Un véritable piège dont Haïti n’arrive pas à sortir.

Les autorités de transition, bien que critiquées, représentent aujourd’hui le seul cadre institutionnel existant. Leur capacité à tenir le calendrier électoral sera le test ultime de leur crédibilité.

Un calendrier électoral sous haute tension

Maintenant que le décret est adopté, les étapes se précisent. Le Conseil électoral provisoire, entité indépendante, va pouvoir lancer les préparatifs techniques : recensement des électeurs, impression des bulletins, formation des agents électoraux.

Mais chaque étape risque d’être perturbée. Les attaques contre les infrastructures publiques sont quotidiennes. Les fonctionnaires eux-mêmes vivent sous la menace. Comment garantir la confidentialité du vote dans un contexte où les gangs surveillent les quartiers ?

Et surtout, qui osera faire campagne ? Les candidats devront parcourir le pays, organiser des meetings, affronter la population. Dans l’état actuel, cela ressemble à une mission quasi impossible.

L’espoir malgré tout

Pourtant, l’annonce de ces élections n’est pas anodine. Elle montre que, même dans les moments les plus sombres, une partie de la classe politique haïtienne refuse de baisser les bras. Elle témoigne aussi de la pression internationale pour sortir enfin de l’impasse.

Les Haïtiens, eux, oscillent entre scepticisme et espoir prudent. Beaucoup ont perdu confiance après tant de promesses non tenues. Mais l’idée de pouvoir enfin choisir leurs dirigeants reste puissante. C’est peut-être le dernier fil qui retient encore le pays au-dessus du gouffre.

Les mois qui viennent seront déterminants. Si la nouvelle force antigang parvient à desserrer l’étau sur Port-au-Prince, si les financements internationaux suivent, si les acteurs politiques parviennent à s’entendre sur les modalités du scrutin… alors 2026 pourrait marquer un véritable tournant.

Sinon, Haïti risque de s’enfoncer un peu plus dans le chaos. Et l’histoire récente nous a appris que, dans ce pays, les rendez-vous manqués avec la démocratie ont toujours un prix terrible.

Au moment où ces lignes sont écrites, l’avenir d’Haïti se joue entre deux réalités : celle des armes qui dictent encore leur loi dans les rues, et celle d’un bulletin de vote qui pourrait, peut-être, changer la donne. En 2026, le peuple haïtien aura-t-il enfin la parole ? Rien n’est moins sûr. Mais pour la première fois depuis longtemps, la question est posée.

À retenir : Haïti organisera des élections générales en 2026, neuf ans après le dernier scrutin. La sécurité reste le principal obstacle. Une mission internationale renforcée doit aider à reconquérir les territoires perdus. L’enjeu : redonner une légitimité démocratique à un pays au bord de l’effondrement.

Le compte à rebours est lancé. Et toute la région des Caraïbes retient son souffle.

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