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Gynécologue Condamné pour Outrage Sexiste à Pau

Un gynécologue palois refuse de recevoir une femme transgenre. Il est relaxé pour discrimination… mais condamné pour sa réponse cinglante sur Google où il parle de « vraies femmes ». Sanctions, débats éthiques, conséquences : l’affaire qui fracture le monde médical. Et si on vous disait que la suite est encore plus explosive ?

Imaginez-vous dans une salle d’attente, rongé par l’inquiétude à cause d’une douleur persistante et d’une grosseur suspecte. Vous avez pris rendez-vous depuis des semaines. Et là, sans même avoir vu le médecin, la secrétaire vous annonce froidement que « le docteur ne prend pas ce genre de cas ». Vous repartez en larmes, humiliée. C’est exactement ce qui est arrivé à Emme, 26 ans, femme transgenre, dans un cabinet de gynécologie de Pau en août 2023.

Une affaire qui cristallise tous les débats contemporains

Ce qui aurait pu rester un simple incident médical s’est transformé en véritable feuilleton judiciaire et médiatique. Refus de soins, liberté thérapeutique du médecin, définition biologique du sexe, outrage sexiste, sanctions ordinales… Aucun sujet sensible n’a été épargné. Deux ans et demi plus tard, le verdict est tombé : relaxe pour discrimination, mais condamnation pour le message publié sur Google. Retour sur une histoire qui divise profondément la société française.

Août 2023 : le jour où tout bascule

Emme, sous traitement hormonal depuis trois ans, souffre de douleurs mammaires et a détecté une grosseur inquiétante. Elle prend rendez-vous chez un gynécologue réputé de Pau. Tout semble normal jusqu’à son arrivée au cabinet.

À peine installée dans la salle d’attente, la secrétaire l’interpelle : le médecin refuse de la recevoir. Motif invoqué ? Il ne prend pas en charge « les hommes ». Le choc est brutal. Emme quitte les lieux en pleurs, sans consultation, sans examen, sans la moindre explication directe du praticien.

Traumatisée, elle raconte l’histoire à son compagnon. Sous le coup de l’émotion, celui-ci publie un avis négatif sur la fiche Google du cabinet : « C’était le premier rendez-vous de ma compagne trans, il a refusé de la recevoir, sa secrétaire nous a jetés froidement. »

La réponse qui a tout fait basculer

C’est là que l’affaire prend une tournure explosive. Le gynécologue, le docteur Victor Acharian, répond publiquement à l’avis. Et il ne mâche pas ses mots :

« Je m’occupe des vraies femmes et je n’ai aucune compétence pour m’occuper des HOMMES, même s’ils se sont rasé la barbe et viennent dire à ma secrétaire qu’ils sont devenus femmes. »

Cette phrase, écrite sous le coup de la colère selon le médecin, va devenir la pièce centrale du dossier. Car si le refus initial pouvait être défendu sous l’angle de la compétence médicale, cette réponse publique franchit une tout autre ligne.

Les arguments du gynécologue : entre biologie et compétence

Devant les juges, le docteur Acharian ne varie pas d’un iota sur le fond. Pour lui, la gynécologie est une spécialité qui concerne exclusivement les personnes nées de sexe féminin. Il se dit incompétent pour suivre médicalement une personne transgenre, notamment pour tout ce qui touche aux seins reconstruits ou aux traitements hormonaux de longue durée.

Il répète inlassablement qu’il s’en tient à la définition biologique de la femme. Un homme reste un homme, même après transition. Point de vue scientifique pour les uns, position transphobe pour les autres.

Il reconnaît cependant que sa réponse Google était « très blessante » et assure ne pas avoir voulu être méchant. Il parle d’un moment d’énervement, d’une erreur de formulation sous le coup de l’émotion.

Le parcours judiciaire : deux volets distincts

L’affaire va être examinée sous deux angles complètement différents :

  • Le volet discrimination pour le refus de soins proprement dit
  • Le volet outrage sexiste pour les propos tenus sur internet

Et c’est précisément cette séparation qui va aboutir à un jugement en demi-teinte, satisfaisant personne complètement.

Le verdict pénal : relaxe partielle et condamnation symbolique

Après plusieurs reports, le tribunal correctionnel rend son délibéré en décembre 2025. Le médecin est relaxé des poursuites pour discrimination. Les juges estiment qu’il pouvait légitimement invoquer son manque de compétence spécifique pour refuser la consultation.

En revanche, il est condamné pour outrage sexiste à 800 euros d’amende pour ses propos sur Google. Le tribunal considère que l’expression « vraies femmes » et la majuscule sur « HOMMES » constituent une atteinte à la dignité de la personne transgenre en raison de son identité de genre.

La procureure avait pourtant requis six mois de prison avec sursis et 3500 euros d’amende. La sanction apparaît donc comme particulièrement clémente.

La sanction de l’Ordre des médecins : plus lourde

Parallèlement, le conseil régional de l’Ordre des médecins prend une décision bien plus sévère : un mois d’interdiction d’exercer (sur six mois prononcés dont cinq avec sursis). Concrètement, le docteur Acharian ne pourra pas exercer tout le mois de mars.

Cette sanction, prononcée début 2025, peut encore faire l’objet d’un appel. Elle montre que la profession médicale dans son ensemble a souhaité marquer le coup, même si le volet pénal a été plus clément.

Les conséquences humaines pour la patiente

Derrière les débats juridiques et idéologiques, il y a une jeune femme de 26 ans profondément meurtrie. Son avocat l’affirme : depuis cet épisode, Emme n’a plus osé consulter le moindre gynécologue. La peur du rejet est trop forte.

Elle vit avec l’angoisse que sa grosseur mammaire n’ait pas été examinée à temps. Un suivi pourtant crucial quand on sait que les traitements hormonaux de longue durée augmentent certains risques de cancer du sein, même chez les personnes transgenres.

Ce que dit vraiment la loi française

Contrairement à ce que beaucoup croient, un médecin a parfaitement le droit de refuser un patient pour des raisons de compétence, sauf urgence vitale. La gynécologie n’est pas une spécialité obligatoire pour le suivi des personnes transgenres. Il existe des parcours spécifiques, souvent en endocrinologie ou dans des consultations dédiées.

En revanche, l’outrage sexiste est une infraction récente (loi du 3 août 2018) qui punit tout propos ou comportement imposant à une personne une différence de traitement dégradante en raison de son identité de genre. C’est sur ce fondement que la condamnation a été prononcée.

Une jurisprudence qui fait école

L’avocat des parties civiles s’est félicité du jugement, y voyant une clarification importante : dorénavant, un gynécologue ne pourra plus prétendre être totalement incompétent pour examiner une personne transgenre, notamment pour des seins (naturels ou reconstruits) ou un suivi hormonal.

Cette affaire pourrait faire jurisprudence et obliger les praticiens à se former, au moins minimalement, au suivi des patient·e·s transgenres.

Les réactions contrastées dans le monde médical

Certains médecins applaudissent la relaxe pour discrimination, y voyant la reconnaissance de leur liberté thérapeutique et du principe de compétence. D’autres, au contraire, estiment que cette affaire montre la nécessité d’une meilleure formation à la prise en charge des personnes trans.

Un gynécologue parisien confiait récemment : « On n’est pas formés. On nous demande soudain de tout savoir sur des parcours qu’on n’a jamais vus en faculté. C’est angoissant. »

Et maintenant ?

Le docteur Acharian continue d’exercer (sauf au mois de mars). Emme, elle, tente de reconstruire sa confiance envers le système de santé. L’affaire n’est peut-être pas terminée : des appels sont possibles, tant du côté de la sanction ordinale que de la condamnation pénale.

Une chose est sûre : ce dossier palois restera comme un cas d’école des tensions entre science, identité, éthique médicale et droit dans la France des années 2020. Il illustre parfaitement la difficulté de concilier des visions du monde parfois irréconciliables dans un même espace social.

Entre ceux qui défendent une approche strictement biologique de la médecine et ceux qui prônent une prise en charge inconditionnelle fondée sur l’identité de genre déclarée, le fossé semble se creuser. Et les patient·e·s, pris·es entre deux feux, continuent de payer le prix de ces débats.

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