En septembre 2025, la Guinée s’apprête à vivre un moment décisif de son histoire politique. Un référendum est prévu pour valider une nouvelle Constitution, portée par la junte au pouvoir depuis le coup d’État de 2021. Ce projet, qui suscite autant d’espoirs que de controverses, pourrait redéfinir les contours du pouvoir dans ce pays d’Afrique de l’Ouest. Mais que cache ce texte, et quelles implications pourrait-il avoir pour l’avenir de la Guinée ?
Un tournant pour la Guinée : le contexte du référendum
Depuis le renversement du président Alpha Condé en septembre 2021, la Guinée est dirigée par une junte militaire menée par le général Mamadi Doumbouya. Ce coup d’État, qui a mis fin à plus de dix ans de présidence Condé, a été suivi d’une promesse : celle d’un retour rapide à un ordre constitutionnel. Pourtant, quatre ans plus tard, le pays reste sous un régime de transition, marqué par des restrictions importantes des libertés publiques. Le projet de Constitution, dévoilé le 26 juin 2025, est présenté comme une étape clé vers cet objectif. Mais il soulève aussi des questions sur les intentions réelles de la junte.
Ce texte, qui sera soumis à un référendum le 21 septembre 2025, propose des changements majeurs, notamment sur la durée du mandat présidentiel et l’inclusion de nouvelles mesures pour promouvoir l’égalité et la diversité linguistique. Cependant, il intervient dans un climat de méfiance, où les promesses non tenues de la junte, notamment sur le calendrier de transition, alimentent les débats.
Un mandat présidentiel allongé : de 5 à 7 ans
L’une des propositions phares de ce projet est l’allongement du mandat présidentiel, qui passerait de cinq à sept ans, renouvelable une seule fois. Cette mesure, si elle est adoptée, marquerait un changement significatif dans la gouvernance guinéenne. Actuellement, la durée de cinq ans est conforme à celle de nombreux pays de la région, mais l’extension à sept ans pourrait donner plus de temps à un président pour mettre en œuvre ses politiques – ou, selon les critiques, pour consolider son pouvoir.
Le Président de la République est élu au suffrage universel direct, au scrutin majoritaire à deux tours, pour un mandat de sept ans renouvelable une seule fois.
Cette disposition soulève des interrogations sur la stabilité politique. Un mandat plus long pourrait-il garantir une meilleure continuité dans les réformes, ou risque-t-il de favoriser une concentration excessive du pouvoir ? Les avis divergent, mais l’histoire politique de la région montre que de tels changements peuvent parfois ouvrir la voie à des dérives autoritaires.
Une candidature controversée pour Mamadi Doumbouya ?
Un point particulièrement sensible concerne la possibilité pour le général Mamadi Doumbouya, chef de la junte, de se présenter à une future élection présidentielle. Lors de la prise de pouvoir en 2021, la junte avait établi une charte de transition interdisant aux membres de la junte, du gouvernement ou des institutions de transition de participer aux élections. Pourtant, le projet de Constitution reste flou sur ce point, ne précisant pas explicitement si Doumbouya pourrait être candidat.
Plusieurs figures proches du pouvoir ont récemment exprimé leur soutien à une candidature de Doumbouya, malgré ses déclarations initiales selon lesquelles il ne briguerait pas la présidence. Ce revirement apparent alimente les spéculations. Les Guinéens se demandent si ce projet de Constitution n’est pas, en partie, conçu pour permettre au général de se maintenir au pouvoir sous une nouvelle forme.
Entre promesses de transition démocratique et ambiguïtés sur les candidatures, la Guinée se trouve à un carrefour politique crucial.
Un pas vers l’inclusion : les langues nationales et l’égalité de genre
Le projet de Constitution ne se limite pas à redéfinir le cadre politique. Il inclut des mesures visant à renforcer l’inclusion sociale et culturelle. L’une des nouveautés est l’élévation des langues nationales au rang de langues officielles, aux côtés du français, qui reste la langue de travail. La Guinée, indépendante depuis 1958, compte officiellement huit langues nationales, auxquelles s’ajoutent une trentaine d’autres non recensées officiellement. Cette reconnaissance pourrait valoriser la diversité culturelle du pays et renforcer l’identité nationale.
En parallèle, le texte propose un quota d’au moins 30 % de femmes dans les postes décisionnels et électifs. Cette mesure vise à promouvoir l’équité de genre dans un pays où les femmes restent sous-représentées dans les sphères de pouvoir. Si elle est appliquée, cette initiative pourrait transformer la vie politique et sociale guinéenne, en donnant plus de voix aux femmes dans les instances de décision.
Mesure | Objectif |
---|---|
Langues nationales officielles | Valoriser la diversité culturelle |
Quota de 30 % pour les femmes | Promouvoir l’équité de genre |
Un calendrier sous pression internationale
La junte guinéenne n’opère pas dans un vide politique. Depuis 2021, elle fait face à une forte pression internationale pour organiser des élections et céder le pouvoir à des civils. Initialement, les militaires s’étaient engagés à tenir un référendum constitutionnel et à transférer le pouvoir avant fin 2024. Ces échéances n’ont pas été respectées, ce qui a accentué les tensions avec les partenaires internationaux et les organisations régionales.
En avril 2025, la junte a annoncé la tenue du référendum pour le 21 septembre, une date qui approche à grands pas. Ce scrutin sera un test majeur pour la crédibilité du régime de transition. Une adoption de la Constitution pourrait apaiser certaines critiques, mais seulement si le processus est jugé transparent et inclusif.
Les défis d’un retour à l’ordre constitutionnel
Le chemin vers un retour à l’ordre constitutionnel est semé d’embûches. Les restrictions des libertés, notamment la liberté d’expression et de réunion, ont marqué la période de transition. De nombreux Guinéens s’interrogent sur la sincérité des intentions de la junte. Le référendum, bien qu’il soit présenté comme une étape démocratique, pourrait être perçu comme une tentative de légitimer le pouvoir militaire si les conditions d’un scrutin libre ne sont pas réunies.
Voici les principaux défis auxquels la Guinée est confrontée :
- Garantir un référendum transparent et inclusif.
- Rétablir la confiance des citoyens dans le processus politique.
- Respecter les engagements pris envers la communauté internationale.
- Assurer l’application des mesures d’inclusion, comme le quota pour les femmes.
Quel avenir pour la Guinée ?
À l’approche du référendum, la Guinée se trouve à un tournant. L’adoption de la nouvelle Constitution pourrait poser les bases d’une gouvernance plus inclusive et représentative, notamment grâce à la reconnaissance des langues nationales et à l’accent mis sur l’égalité de genre. Cependant, les incertitudes autour de la candidature de Mamadi Doumbouya et les restrictions des libertés jettent une ombre sur ce processus.
Le scrutin de septembre 2025 sera scruté par les Guinéens et la communauté internationale. Il déterminera non seulement l’avenir politique du pays, mais aussi la capacité de la junte à tenir ses promesses. Pour beaucoup, ce référendum est bien plus qu’un vote sur un texte : c’est un test de la volonté de la Guinée de renouer avec la démocratie.
Le 21 septembre 2025, la Guinée choisira-t-elle un nouvel élan démocratique ou un prolongement du statu quo ?
En attendant, les citoyens guinéens observent, espèrent et débattent. Ce moment historique pourrait redessiner les contours d’un pays riche en diversité, mais marqué par des décennies de tensions politiques. Le résultat du référendum, et les actions qui suivront, seront déterminants pour l’avenir de la nation.