En septembre 2025, la Guinée a franchi une étape décisive dans son histoire tumultueuse. Avec une approbation massive de 89,38 % lors d’un référendum, les Guinéens ont validé une nouvelle Constitution, marquant officiellement la fin d’une période de transition militaire amorcée en 2021. Ce scrutin, tant attendu par la population et scruté par la communauté internationale, soulève pourtant des interrogations : s’agit-il d’un pas vers la démocratie ou d’une stratégie pour consolider le pouvoir de la junte ?
Ce vote, qui a mobilisé 86,42 % des 6,7 millions d’électeurs inscrits, s’est déroulé dans un climat relativement calme, sous haute surveillance sécuritaire. Mais derrière les chiffres, des tensions persistent. L’opposition, dénonçant une mascarade électorale, avait appelé au boycott, tandis que la campagne pour le oui dominait le paysage, portée par des affiches et des rassemblements en faveur du chef de la junte, Mamadi Doumbouya. Alors, que signifie ce référendum pour l’avenir de la Guinée ?
Un Référendum aux Enjeux Multiples
Ce référendum n’était pas un simple vote sur un texte constitutionnel. Il incarne un moment charnière pour un pays marqué par des décennies de soubresauts politiques, de coups d’État et de régimes autoritaires. La Guinée, bien que riche en ressources naturelles comme la bauxite, reste l’un des pays les plus pauvres au monde, avec une population de 14,5 millions d’habitants en quête de stabilité.
La nouvelle Constitution remplace la Charte de la transition, instaurée après le coup d’État de 2021 qui a renversé le président Alpha Condé. Ce texte, adopté par la junte, interdisait initialement à ses membres de se présenter à des élections. Mais la nouvelle Constitution supprime cette clause, ouvrant ainsi la porte à une candidature potentielle de Mamadi Doumbouya, chef de la junte, à une future élection présidentielle.
« Cette Constitution est l’émanation profonde des aspirations du peuple de Guinée », a déclaré le général Amara Camara, ministre secrétaire général de la présidence guinéenne.
Cette affirmation, bien que porteuse d’espoir pour certains, suscite des doutes parmi les observateurs. La forte mobilisation pour le scrutin reflète-t-elle un réel engouement populaire ou une volonté de sortir d’une transition militaire prolongée ?
Un Contexte de Contrôle et de Répression
Depuis le coup d’État de 2021, Mamadi Doumbouya, âgé de 40 ans, dirige la Guinée d’une main de fer. Les libertés fondamentales ont été progressivement restreintes : manifestations interdites depuis 2022, partis politiques suspendus, médias muselés, et opposants arrêtés ou exilés. Cette chape de plomb sur les voix dissidentes a jeté une ombre sur le processus électoral.
Le référendum lui-même a été marqué par une campagne déséquilibrée. Les messages en faveur du oui ont dominé, soutenus par une mobilisation massive de ressources, incluant affiches, fanfares et rassemblements. À l’inverse, la campagne du non était quasi inexistante, étouffée par les restrictions imposées par la junte. Ce déséquilibre a renforcé les accusations de l’opposition, qui dénonçait un scrutin aux résultats connus d’avance.
Pourtant, les Guinéens se sont déplacés en masse pour voter. Selon les témoignages recueillis, beaucoup ont exprimé leur désir de tourner la page de la transition militaire, espérant un retour rapide à un gouvernement civil. Mais ce souhait est-il réalisable dans un climat où la junte semble vouloir contrôler chaque étape du processus ?
Une Sécurité Renforcée pour un Vote Sous Tension
Le jour du référendum, pas moins de 45 000 agents des forces de sécurité ont été déployés à travers le pays, soutenus par un millier de véhicules, dont des blindés, et même des hélicoptères de combat. Cette mobilisation massive a permis un déroulement globalement pacifique du scrutin, mais elle a également rappelé le contrôle étroit exercé par les autorités.
Le ministre de l’Administration du territoire, Ibrahima Kalil Condé, a salué un scrutin organisé dans un climat apaisé et fortement sécurisé. Il a également réaffirmé l’engagement du gouvernement à garantir un processus électoral transparent et crédible. Mais pour beaucoup, cette forte présence sécuritaire était autant un moyen de garantir l’ordre que de dissuader toute contestation.
Les chiffres clés du référendum :
- Taux de participation : 86,42 %
- Oui : 89,38 %
- Non : 10,62 %
- Électeurs inscrits : 6,7 millions
Les Aspirations d’un Peuple Divisé
Les électeurs guinéens se trouvent à la croisée des chemins. D’un côté, nombreux sont ceux qui souhaitent un retour rapide à un gouvernement civil, lassés par des années d’instabilité et de gestion militaire. De l’autre, certains soutiennent Mamadi Doumbouya, séduits par son discours de rupture avec les élites politiques traditionnelles.
La suppression de l’interdiction pour les membres de la junte de se présenter aux élections a ravivé les spéculations sur les ambitions présidentielles de Doumbouya. Bien qu’il ait initialement promis de ne pas briguer la présidence, tout semble indiquer qu’il pourrait être candidat lors des élections prévues avant la fin de 2025. Cette perspective divise profondément la population.
« Nous voulons un retour à la normale, mais pas au prix d’un pouvoir autoritaire », confie un électeur interrogé lors du scrutin.
Ce sentiment reflète une tension centrale : le désir de stabilité et de démocratie s’oppose à la crainte d’un prolongement déguisé du pouvoir militaire. La nouvelle Constitution, bien qu’approuvée massivement, ne semble pas apaiser ces inquiétudes.
Un Pari sur la Normalisation Internationale
Ce référendum s’inscrit dans une volonté de la junte de répondre aux pressions de la communauté internationale, qui exige un retour à l’ordre constitutionnel. En annonçant des élections présidentielle et législatives avant la fin de l’année, les autorités guinéennes cherchent à se normaliser et à renouer avec des organisations régionales comme la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest).
Cette démarche est cruciale pour un pays dépendant de l’aide internationale et des bailleurs de fonds. La Guinée, malgré ses richesses minières, peine à assurer des services de base à sa population. Un retour à la stabilité politique pourrait débloquer des financements essentiels pour relancer l’économie.
Pourtant, l’absence de date précise pour les prochaines élections et les restrictions imposées à l’opposition jettent un doute sur la sincérité de cet engagement. La communauté internationale, bien que favorable à un retour à la démocratie, reste vigilante face aux dérives autoritaires de la junte.
Les Défis d’une Transition Inachevée
La Guinée se trouve à un tournant de son histoire. La nouvelle Constitution, bien qu’adoptée avec un large soutien, ne garantit pas une transition fluide vers la démocratie. Les défis sont nombreux :
- Rétablir la confiance : L’opposition, marginalisée, doit être intégrée dans le processus électoral pour garantir sa crédibilité.
- Assurer la transparence : Les prochaines élections devront être irréprochables pour éviter de nouvelles tensions.
- Restaurer les libertés : La levée des restrictions sur les médias et les manifestations est essentielle pour une démocratie viable.
- Répondre aux attentes économiques : La population attend des améliorations concrètes de ses conditions de vie.
La Cour suprême, chargée de valider les résultats définitifs du référendum, jouera un rôle clé dans les prochaines semaines. Sa décision pourrait soit apaiser les tensions, soit raviver les critiques contre un processus perçu comme biaisé.
Vers un Avenir Incertain
La Guinée, avec ce référendum, a franchi une étape importante, mais le chemin vers une démocratie stable reste semé d’embûches. La candidature potentielle de Mamadi Doumbouya à la présidence, si elle se concrétise, pourrait cristalliser les divisions. Les Guinéens, partagés entre espoir et méfiance, attendent des actes concrets pour croire en un avenir meilleur.
Ce scrutin, bien que marqué par une forte participation, ne dissipe pas les doutes sur les intentions de la junte. La communauté internationale, tout comme la population guinéenne, observe avec attention les prochaines étapes. La Guinée parviendra-t-elle à surmonter son passé tumultueux pour bâtir une démocratie durable ? L’avenir le dira.
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