En Guinée, un vent de changement semble souffler, mais à quel prix ? Le général Mamadi Doumbouya, chef de la junte au pouvoir depuis 2021, a reçu un projet de nouvelle constitution qui pourrait redéfinir l’avenir politique du pays. Présenté lors d’une cérémonie solennelle au palais présidentiel, ce texte, encore confidentiel, suscite espoirs et inquiétudes. Prévu pour un référendum en septembre 2025, il promet un retour à l’ordre constitutionnel, mais les restrictions des libertés et les ambitions politiques de la junte jettent une ombre sur ce processus.
Un Projet Constitutionnel à Hauts Risques
Ce projet de constitution, adopté par le Conseil National de la Transition (CNT), l’organe législatif mis en place par la junte, est présenté comme une étape clé pour stabiliser la Guinée. Lors de la cérémonie, retransmise à la télévision nationale, le président du CNT, Dansa Kourouma, a vanté un texte « à la hauteur des ambitions » du pays. Mais que contient réellement ce document ? Pour l’instant, le mystère demeure, car son contenu n’a pas été rendu public. Cette opacité alimente les suspicions, notamment parmi les partis d’opposition, qui dénoncent un processus peu transparent.
Le Premier ministre, Amadou Oury Bah, a promis une large diffusion du texte avant le référendum du 21 septembre 2025, afin que les citoyens puissent en prendre connaissance et se prononcer. Mais dans un contexte où les libertés d’expression et de réunion sont sévèrement restreintes, la question se pose : les Guinéens auront-ils réellement les moyens de débattre librement de ce texte ?
Un Contexte Politique Tendue
Depuis le coup d’État de 2021, qui a porté Mamadi Doumbouya au pouvoir, la Guinée vit sous un régime militaire marqué par des restrictions croissantes. Les médias indépendants sont sous pression, les manifestations interdites, et plusieurs leaders politiques sont en exil. Parmi eux, le président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), qui vit à l’étranger depuis plus de trois ans. Ce parti, comme d’autres, a boycotté la cérémonie de présentation du projet constitutionnel, signe d’une fracture profonde avec la junte.
« Nous ne reconnaissons plus le CNRD », a déclaré Souleymane Souza Konaté, porte-parole de l’UFDG, dénonçant l’organe dirigeant de la junte.
Ce boycott illustre le climat de défiance. Pour beaucoup, la junte, qui s’était engagée à céder le pouvoir à des civils élus avant fin 2024, a trahi ses promesses. Les échéances électorales ont été repoussées, et l’annonce du référendum en septembre 2025, suivie d’élections prévues en décembre, soulève des doutes sur les véritables intentions des militaires.
Un Référendum aux Enjeux Multiples
Le référendum du 21 septembre 2025 est présenté comme une étape décisive vers la restauration d’un ordre constitutionnel. Mais au-delà de cet objectif affiché, plusieurs questions émergent. La nouvelle constitution pourrait-elle modifier les règles du jeu politique, notamment en levant les restrictions imposées par la charte de transition ? Ce document, établi peu après le coup d’État, interdit aux membres de la junte, du gouvernement ou des institutions de transition de se présenter aux élections. Une nouvelle constitution pourrait ouvrir la voie à une candidature de Mamadi Doumbouya, malgré ses engagements initiaux de ne pas briguer la présidence.
« Des responsables de la transition ont déjà déclaré que la constitution remplacera la charte, donc que rien n’empêchera Doumbouya de se présenter », a analysé Kabinet Fofana, directeur de l’association guinéenne de sciences politiques.
Cette perspective inquiète l’opposition, qui voit dans ce projet un moyen pour la junte de consolider son pouvoir. Plusieurs figures du régime ont publiquement soutenu une éventuelle candidature de Doumbouya, alimentant les spéculations. Dans un pays où les transitions démocratiques ont souvent été marquées par des tensions, ce référendum pourrait devenir un point de rupture.
Les Libertés sous Pression
La junte est régulièrement pointée du doigt pour ses atteintes aux libertés fondamentales. Les organisations de défense des droits humains dénoncent des arrestations arbitraires, des restrictions sur la presse et l’interdiction des manifestations. Ce contexte rend difficile l’organisation d’un débat public ouvert sur le projet de constitution. Comment les citoyens pourront-ils s’exprimer librement lors du référendum si les voix dissidentes sont muselées ?
- Arrestations arbitraires : Plusieurs opposants et journalistes ont été arrêtés sans motifs clairs.
- Interdiction des manifestations : Depuis 2021, les rassemblements publics sont systématiquement réprimés.
- Censure des médias : Les organes de presse indépendants font face à des pressions croissantes.
Dans ce climat, la promesse d’un retour à la démocratie semble fragile. Les partenaires internationaux, qui exercent une pression croissante sur la junte, insistent sur le respect des engagements initiaux. Mais les retards accumulés et les restrictions imposées jettent un doute sur la volonté réelle des militaires de céder le pouvoir.
Vers des Élections en Décembre 2025 ?
En mai dernier, le Premier ministre Amadou Oury Bah a affirmé que tout serait fait pour organiser des élections présidentielle et législatives en décembre 2025. Cette annonce intervient après des mois de reports, alors que la junte s’était initialement engagée à un transfert de pouvoir avant fin 2024. Ces élections, si elles ont lieu, seront un test crucial pour la crédibilité du processus de transition.
Pourtant, les obstacles sont nombreux. L’absence de dialogue avec l’opposition, les restrictions des libertés et l’incertitude autour du contenu de la nouvelle constitution compliquent la préparation d’un scrutin libre et transparent. De plus, la perspective d’une candidature de Mamadi Doumbouya pourrait exacerber les tensions, dans un pays où les crises politiques ont souvent dégénéré en violences.
Un Avenir Incertain pour la Guinée
Le projet de nouvelle constitution, bien que présenté comme un pas vers la démocratie, soulève plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Dans un pays marqué par des décennies d’instabilité politique, les Guinéens aspirent à une transition apaisée. Mais les restrictions imposées par la junte, combinées à l’opacité du processus, alimentent la méfiance.
Le référendum de septembre 2025 sera un moment décisif. Si le texte proposé répond aux attentes d’une gouvernance plus inclusive et transparente, il pourrait poser les bases d’un renouveau politique. Mais si, comme beaucoup le craignent, il sert à consolider le pouvoir de la junte, il risque d’aggraver les fractures au sein de la société guinéenne.
Étape | Date | Objectif |
---|---|---|
Référendum constitutionnel | 21 septembre 2025 | Adoption d’une nouvelle constitution |
Élections présidentielle et législatives | Décembre 2025 | Retour à un gouvernement civil |
En attendant, les Guinéens observent avec prudence. La communauté internationale, quant à elle, garde un œil attentif sur Conakry, espérant que ce processus marquera un tournant positif pour un pays en quête de stabilité. Mais une question demeure : la junte tiendra-t-elle ses promesses, ou s’agit-il d’un simple jeu de pouvoir ? L’avenir de la Guinée se joue peut-être dans les prochains mois.
Ce projet constitutionnel, bien qu’ambitieux, pourrait être une opportunité unique pour redéfinir les bases de la gouvernance en Guinée. Mais sans un dialogue inclusif et un respect des libertés, il risque de n’être qu’un outil de consolidation du pouvoir militaire. Les mois à venir seront cruciaux pour déterminer si la Guinée empruntera le chemin de la démocratie ou celui d’une nouvelle ère d’instabilité.