Et si une décision en apparence administrative révélait un jeu de pouvoir bien plus sombre ? En Guinée, la junte militaire au pouvoir vient de frapper un grand coup : deux des principaux partis politiques du pays suspendus pour trois mois, tandis que 27 autres sont purement et simplement dissous. Derrière ces annonces, un climat de tension palpable, des opposants qui disparaissent et une promesse de retour à la démocratie qui semble s’éloigner chaque jour un peu plus.
Un tournant décisif dans la politique guinéenne
Le couperet est tombé un vendredi, lors d’une allocution officielle. Le ministre de l’Administration territoriale, un haut gradé de l’armée, a dévoilé les conclusions d’un rapport d’évaluation scrutant la vie des partis politiques du pays. Résultat ? Une purge sans précédent : suspensions, dissolutions et mises sous surveillance. Mais que signifie réellement cette offensive pour l’avenir politique de la Guinée ?
Les poids lourds visés : une suspension qui fait débat
Parmi les cibles principales, on retrouve le parti de l’ancien président, renversé en 2021 lors d’un coup d’État, et celui d’un opposant historique aujourd’hui en exil. Ces deux formations, considérées comme des piliers de la scène politique guinéenne, se voient mises sur la touche pour trois mois. Motif invoqué ? Un manquement à des obligations administratives, comme la tenue de congrès ou la présentation de comptes bancaires.
« Ces partis n’ont pas respecté les règles élémentaires de fonctionnement. »
– D’après une source proche du ministère
Mais cette explication laisse perplexe. Pour beaucoup, elle ressemble à un prétexte bien commode pour écarter des adversaires gênants. Ces suspensions interviennent dans un contexte où les libertés reculent et où les voix critiques se font de plus en plus rares.
27 partis dissous : un ménage radical
Si les suspensions ont surpris, la dissolution de 27 autres partis a carrément choqué. Selon le rapport officiel, ces mouvements politiques n’avaient ni adresse fixe, ni logo, ou étaient dirigés par des leaders absents – certains installés à l’étranger, d’autres décédés sans successeurs désignés. Une opération de nettoyage qui, sur le papier, semble logique, mais qui soulève des questions sur les véritables intentions de la junte.
- Absence d’adresse : un critère flou, difficile à vérifier.
- Leaders à l’étranger : une façon d’éliminer les exilés politiques ?
- Manque de succession : une excuse pour rayer des partis historiques.
Ce tri drastique réduit drastiquement le paysage politique guinéen, déjà fragilisé par des années de crises et de répression. Mais qui en profite vraiment ?
Les rescapés sous pression : un sursis fragile
Tous les partis ne sont pas logés à la même enseigne. Sur les 75 formations autorisées à poursuivre leurs activités sans restriction, une poignée bénéficie d’un statut privilégié. D’autres, comme celui d’une figure emblématique de l’opposition, ont obtenu un feu vert… mais avec une condition : organiser un congrès dans les 45 prochains jours. Un ultimatum qui sonne comme un test de loyauté.
Quatre autres partis, eux, sont placés sous observation. Une épée de Damoclès qui plane au-dessus de leurs têtes, laissant peu de place à la contestation. Cette stratégie de contrôle serré semble dessiner un paysage politique taillé sur mesure pour les ambitions de la junte.
Un climat de répression grandissant
Ces décisions ne tombent pas dans un vide. Depuis le coup d’État de 2021, le régime militaire a multiplié les mesures autoritaires. Disparitions d’opposants, restrictions des libertés d’expression, interdictions de manifestations : la liste est longue. Cette vague de suspensions et de dissolutions s’inscrit dans une logique de mainmise totale sur le pouvoir.
Un observateur confie : « On assiste à une chasse aux sorcières déguisée en opération administrative. »
Difficile de ne pas y voir une tentative d’étouffer toute forme de dissidence avant une échéance électorale cruciale, promise pour 2025 par le chef de la junte dans ses vœux de Nouvel An.
2025 : l’année de tous les espoirs… ou de toutes les illusions ?
Initialement, la junte s’était engagée à rendre le pouvoir aux civils avant fin 2024, sous la pression de la communauté internationale. Un engagement vite oublié. Aujourd’hui, le discours a changé : 2025 est présentée comme une « année électorale décisive » pour rétablir l’ordre constitutionnel. Mais avec une opposition décimée et un contrôle renforcé, peut-on encore croire à une transition démocratique sincère ?
Situation | Nombre de partis | Conséquences |
Suspendus | 28 | Inactifs pour 3 mois |
Dissous | 27 | Disparition définitive |
Sous observation | 4 | Risque de sanctions |
Ce tableau illustre l’ampleur de la purge. Plus de la moitié des partis politiques guinéens sont aujourd’hui neutralisés ou menacés. Une situation qui interroge sur la capacité du pays à organiser des élections libres et transparentes.
Une opposition en sursis : quel avenir ?
Pour les partis encore en lice, la marge de manœuvre est étroite. Ceux qui ont échappé à la dissolution ou à la suspension savent qu’ils marchent sur des œufs. Organiser un congrès en 45 jours, dans un climat de peur et de répression, relève du défi. Quant aux leaders exilés, leur retour semble plus hypothétique que jamais.
Pourtant, l’opposition reste un symbole fort. Certains observateurs estiment que cette pression pourrait galvaniser les résistances, voire pousser à une mobilisation populaire. Mais sans structure politique solide, cette énergie risque de s’épuiser rapidement.
La junte face à la communauté internationale
La communauté internationale, qui avait exigé un calendrier clair pour la transition, observe ces développements avec inquiétude. Les sanctions, pour l’instant timides, pourraient se durcir si la junte persiste dans cette voie autoritaire. Mais le régime militaire, fort de son contrôle interne, semble prêt à jouer la carte de la defiance.
D’après une source proche des discussions diplomatiques, « la junte mise sur le fait que l’attention internationale se détournera vite ». Un pari risqué, mais qui pourrait fonctionner si aucune pression concrète n’est exercée.
Et après ? Les scénarios possibles
Alors, que réserve l’avenir à la Guinée ? Plusieurs hypothèses se dessinent :
- Verrouillage total : la junte élimine toute opposition et impose un régime durable.
- Résistance populaire : les citoyens se mobilisent malgré les risques.
- Compromis forcé : la pression internationale oblige à un semblant de transition.
Chaque scénario a ses partisans et ses détracteurs. Une chose est sûre : les prochains mois seront décisifs pour comprendre les véritables intentions du pouvoir en place.
En attendant, la Guinée retient son souffle. Entre espoirs déçus et craintes d’un avenir incertain, le pays se trouve à un carrefour historique. La junte joue-t-elle simplement la montre, ou prépare-t-elle un coup encore plus audacieux ? L’histoire nous le dira.