Imaginez-vous réveillé en pleine nuit par des bruits sourds à votre porte. Des hommes encagoulés, armés, surgissent et vous emportent sans explication. C’est l’épreuve qu’a vécue Mohamed Traoré, un avocat guinéen connu pour son franc-parler. Cet incident, survenu dans la nuit de vendredi à samedi à Conakry, n’est pas un simple fait divers : il reflète un climat de tension et de répression dans un pays sous le joug d’une junte militaire depuis 2021. Libéré après des heures de calvaire, Mohamed Traoré porte désormais les marques physiques et psychologiques de cet avertissement brutal. Que nous dit cet événement sur la situation en Guinée ?
Un Acte de Violence aux Racines Politiques
L’enlèvement de Mohamed Traoré n’est pas un incident isolé. Cet avocat, ancien membre du Conseil national de la transition – l’équivalent d’une Assemblée nationale sous le régime actuel – s’est fait connaître pour ses critiques ouvertes contre la junte dirigée par le général Mamadi Doumbouya. Depuis sa démission en début d’année 2025, il s’est progressivement éloigné des autorités militaires, dénonçant leurs dérives autoritaires. Ce positionnement lui a valu, selon ses proches et le bâtonnier de l’ordre des avocats, d’être ciblé par cet acte violent.
Selon les témoignages, les ravisseurs, des hommes encagoulés dont l’un portait un pantalon militaire, ont fait irruption au domicile de l’avocat dans une banlieue de Conakry. Ils l’ont emmené de force, laissant son épouse et sa famille dans l’angoisse. Quelques heures plus tard, Mohamed Traoré a été retrouvé à Bangouyah, une localité située à 80 kilomètres de la capitale. Son corps portait des traces de sévices : son dos était couvert de plaies, témoignage des maltraitances subies.
« On lui a dit que c’était un avertissement et que la prochaine fois, on lui ôterait la vie. »
Mamadou Souaré Diop, bâtonnier de l’ordre des avocats
Ces paroles glaçantes, rapportées par le bâtonnier, soulignent la gravité de la situation. Les bourreaux de Mohamed Traoré lui reprochaient explicitement ses prises de position contre le pouvoir militaire. Cet acte s’inscrit dans un contexte où les voix dissidentes sont systématiquement réduites au silence.
Un Contexte de Répression Croissante
Depuis le coup d’État de 2021, qui a renversé le président Alpha Condé, la Guinée vit sous un régime militaire marqué par des restrictions sévères des libertés. La junte, dirigée par le général Mamadi Doumbouya, a promis une transition vers un retour à l’ordre civil, mais les actions du gouvernement racontent une autre histoire. Les opposants politiques sont arrêtés, poursuivis en justice, ou contraints à l’exil. Les manifestations réclamant le départ des militaires sont systématiquement interdites, et plusieurs médias indépendants ont été fermés.
Pour mieux comprendre l’ampleur de cette répression, voici quelques exemples concrets :
- Oumar Sylla, alias Foniké Menguè, et Mamadou Billo Bah, deux figures de l’opposition, sont portés disparus depuis juillet 2024.
- Aliou Bah, un autre opposant, a été condamné en mai 2025 à deux ans de prison ferme pour « offense et diffamation » envers le général Doumbouya.
- Plusieurs médias ont été fermés, limitant l’accès à l’information indépendante.
Ces cas illustrent un schéma clair : la junte cherche à museler toute forme de contestation. L’enlèvement de Mohamed Traoré s’inscrit dans cette logique, visant à intimider ceux qui osent critiquer le pouvoir.
Les Réactions et les Appels à la Justice
La libération de Mohamed Traoré, bien que soulageante, n’a pas apaisé les tensions. L’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme et du citoyen (OGDH) a vivement condamné cet enlèvement et les violences subies par l’avocat. Dans un communiqué, l’organisation a exigé des enquêtes rapides pour identifier et punir les responsables.
« Nous condamnons avec la dernière énergie l’enlèvement et les violences perpétrées contre Mohamed Traoré. »
Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme et du citoyen
Le bâtonnier Mamadou Souaré Diop a assuré que l’avocat était désormais en lieu sûr, mais les questions demeurent : qui sont les commanditaires de cet acte ? Pourquoi les autorités n’ont-elles pas encore réagi officiellement ? Ces interrogations alimentent les craintes d’une impunité généralisée.
Pour structurer les revendications face à cet incident, voici les principales demandes des organisations de défense des droits humains :
- Une enquête transparente pour identifier les responsables.
- Des sanctions contre les auteurs des violences.
- Une protection renforcée pour les avocats et les défenseurs des droits humains.
Ces exigences soulignent l’urgence de restaurer un climat de sécurité pour ceux qui défendent les libertés fondamentales en Guinée.
Mohamed Traoré : Un Symbole de Résistance
Mohamed Traoré n’est pas seulement une victime. Il incarne une forme de résistance face à l’oppression. En tant qu’avocat, il a choisi de défendre des principes démocratiques dans un contexte où le simple fait de parler peut coûter cher. Sa démission du Conseil national de la transition, début 2025, était un signal fort : il refusait de cautionner un régime qui, selon lui, trahissait les aspirations du peuple guinéen.
Son parcours illustre le rôle crucial des avocats dans les sociétés en crise. En Guinée, où la justice est souvent instrumentalisée, ces professionnels du droit sont en première ligne pour défendre les citoyens contre les abus de pouvoir. Mais ils paient un lourd tribut : intimidations, arrestations, et, dans le cas de Mohamed Traoré, violences physiques.
La liberté d’expression est un pilier de toute démocratie. En Guinée, elle est aujourd’hui menacée, et des figures comme Mohamed Traoré rappellent le prix à payer pour la défendre.
En dépit des menaces, l’avocat reste un symbole d’espoir pour ceux qui croient en une Guinée plus juste. Mais combien de temps pourra-t-il continuer à s’exprimer sans risquer sa vie ?
Un Pays à la Croisée des Chemins
La Guinée traverse une période critique. Quatre ans après le coup d’État de 2021, les promesses de transition démocratique semblent s’éloigner. La junte, initialement accueillie avec un certain optimisme par une partie de la population lassée du régime d’Alpha Condé, a perdu une grande partie de sa crédibilité. Les restrictions des libertés, les arrestations arbitraires et les violences contre les opposants ont terni son image.
Pour mieux comprendre les enjeux, voici un tableau récapitulatif des principaux défis auxquels la Guinée fait face :
Défi | Description |
---|---|
Répression politique | Arrestations et disparitions d’opposants, comme Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah. |
Censure des médias | Fermeture de plusieurs organes de presse indépendants. |
Interdiction des manifestations | Répression systématique des rassemblements pro-démocratie. |
Crise de confiance | Perte de crédibilité de la junte auprès de la population. |
Ce tableau met en lumière une réalité préoccupante : la Guinée s’enfonce dans un cycle de répression qui menace ses perspectives d’avenir. L’enlèvement de Mohamed Traoré n’est qu’un symptôme de cette crise plus large.
Quel Avenir pour la Guinée ?
Face à cette situation, plusieurs scénarios se dessinent. Le premier serait une accentuation de la répression, avec davantage d’arrestations et de violences contre les opposants. Ce chemin mènerait à une polarisation accrue de la société guinéenne, avec des risques d’instabilité à long terme. Le second scénario, plus optimiste, impliquerait un dialogue entre la junte et les forces vives de la nation – opposition, société civile, et organisations internationales – pour amorcer une véritable transition démocratique.
Pour que ce second scénario devienne réalité, plusieurs conditions sont nécessaires :
- La libération des opposants détenus ou disparus.
- La levée des restrictions sur les médias et les manifestations.
- Une enquête indépendante sur les abus commis par les forces de l’ordre.
Mais pour l’heure, ces conditions semblent loin d’être réunies. La junte, retranchée dans une logique de contrôle, donne peu de signes d’ouverture. Dans ce contexte, des figures comme Mohamed Traoré jouent un rôle essentiel : elles maintiennent la pression sur le pouvoir et rappellent que la quête de justice ne peut être étouffée.
Un Appel à la Vigilance Internationale
La situation en Guinée ne peut pas être ignorée par la communauté internationale. Les organisations de défense des droits humains, les partenaires régionaux comme la CEDEAO, et les Nations unies ont un rôle à jouer pour faire pression sur la junte. Des sanctions ciblées contre les responsables des abus, comme ceux subis par Mohamed Traoré, pourraient envoyer un message fort.
En parallèle, il est crucial de soutenir les défenseurs des droits humains guinéens. Ces hommes et femmes, avocats, journalistes, ou militants, sont les gardiens d’une Guinée qui refuse de plier face à l’arbitraire. Leur protection doit être une priorité.
« La liberté ne s’offre qu’à ceux qui la défendent. Mohamed Traoré, par son courage, incarne cet idéal. »
Conclusion : Un Combat pour la Dignité
L’enlèvement et la libération de Mohamed Traoré sont bien plus qu’un fait divers. Ils sont un miroir tendu à la Guinée, révélant les fractures d’un pays en quête de son destin. Dans ce contexte, nous avons vu comment un homme, par son courage et sa détermination, peut incarner l’espoir face à l’adversité. Mais cet espoir est fragile, menacé par un pouvoir qui préfère le silence à la dialogue.
Alors que Mohamed Traoré se remet de ses blessures, une question demeure : combien d’autres devront souffrir avant que la Guinée ne retrouve le chemin de la liberté ? Une chose est certaine : tant qu’il y aura des voix comme la sienne, l’espoir d’un avenir meilleur ne s’éteindra pas.