Les relations entre la France et l’Algérie traversent une nouvelle zone de turbulences. Alors que l’affaire Boualem Sansal continue de défrayer la chronique, avec l’arrestation controversée de l’écrivain franco-algérien par les autorités de son pays natal, un nouveau front s’est ouvert sur le terrain médiatique. La presse algérienne accuse en effet les services secrets français, la DGSE, d’avoir fomenté un « complot » visant à « déstabiliser » l’Algérie.
La DGSE accusée de recruter un ex-djihadiste pour espionner l’Algérie
Tout est parti d’un documentaire diffusé le 7 décembre par deux chaînes de télévision publiques algériennes. On y voit le témoignage d’un certain Aïssaoui Mohamed Amine, présenté comme un ancien membre de l’État islamique ayant combattu en Syrie et en Irak. Cet homme de 35 ans aurait été approché en 2022 par un « cadre de la DGSE » se faisant passer pour un membre d’une association. But de la manœuvre selon lui : le charger de collecter des informations sur des islamistes et des passeurs dans sa région d’origine en Algérie.
Le documentaire, repris en boucle par les médias proches du pouvoir, voit dans cette affaire la preuve d’un vaste « complot ourdi par les services de renseignement français pour porter atteinte à la sécurité et la stabilité » de l’Algérie. Une « barbouzerie bien française », s’offusque le journal L’Expression, qui se félicite que ce plan « satanique » ait été déjoué par la vigilance des services de sécurité algériens.
Guerre médiatique sur fond de contentieux mémoriels et diplomatiques
Cette nouvelle affaire intervient dans un contexte déjà lourd entre Paris et Alger. Outre le cas Boualem Sansal, dont l’arrestation pour « atteinte au sentiment national » après des propos sur les frontières héritées de la colonisation passe mal côté français, les deux pays s’opposent sur de nombreux dossiers. De la reconnaissance par Paris de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental à la question mémorielle en passant par l’octroi de visas, les sujets de frictions ne manquent pas.
En mai dernier, la presse algérienne dénonçait déjà un « mystérieux complot » fomenté par des responsables du Mossad israélien, de la DGSE française et des services marocains pour « déstabiliser » le pays. Une guerre médiatique et des théories du complot qui illustrent la dégradation continue des relations entre les deux rives de la Méditerranée.
L’Algérie joue la carte du discours anti-français pour resserrer les rangs
Pour nombre d’observateurs, ce regain de rhétorique anti-française dans les médias algériens contrôlés reflète surtout la volonté du régime de resserrer les rangs face à une contestation interne qui ne faiblit pas, deux ans après le Hirak. En agitant l’épouvantail de l’ingérence étrangère et en réveillant la fibre nationaliste, le pouvoir cherche à détourner l’attention de ses propres difficultés.
L’escalade verbale contre la France sert d’abord des objectifs de politique intérieure. C’est un classique des régimes autoritaires en perte de vitesse que de désigner un ennemi extérieur pour faire diversion.
Une source diplomatique française
Côté français, on oscille entre agacement et volonté d’éviter l’escalade. Contacté, le Quai d’Orsay n’a pas souhaité commenter les dernières accusations relayées par la presse algérienne. Mais en coulisses, on pointe « l’inanité » de ces théories complotistes qui ne font que « polluer un peu plus des relations bilatérales déjà compliquées ».
La France prise entre deux feux : ménager Alger sans renoncer à ses principes
Pour Paris, l’équation algérienne s’avère de plus en plus délicate à résoudre. Soucieuse de préserver des intérêts stratégiques et économiques dans ce pays clé du Maghreb, la France se montre prudente dans ses réactions aux coups de boutoir médiatiques et aux dénonciations récurrentes d' »ingérence ». Mais ce faisant, elle s’expose aux critiques de ceux qui l’accusent de faire preuve de faiblesse face à un régime prompt à agiter l’argument anti-français.
La récente comparution de deux journalistes français courant mars devant un tribunal algérien pour « atteinte à l’unité nationale », finalement relâchés au terme d’un procès tendu, a ravivé ce débat. Tout comme le silence relatif de l’exécutif français concernant le sort de Boualem Sansal, au grand dam des soutiens de l’écrivain.
Dans ce contexte, la diffusion de ce documentaire à charge s’apparente à un nouveau message envoyé à Paris. Reste à savoir comment la France abordera ce nouveau point de friction, prise en tenaille entre sa volonté affichée de refonder sa relation avec l’Algérie et la nécessité de ne pas apparaître comme cédant aux pressions. Un exercice d’équilibriste de plus en plus périlleux.
La récente comparution de deux journalistes français courant mars devant un tribunal algérien pour « atteinte à l’unité nationale », finalement relâchés au terme d’un procès tendu, a ravivé ce débat. Tout comme le silence relatif de l’exécutif français concernant le sort de Boualem Sansal, au grand dam des soutiens de l’écrivain.
Dans ce contexte, la diffusion de ce documentaire à charge s’apparente à un nouveau message envoyé à Paris. Reste à savoir comment la France abordera ce nouveau point de friction, prise en tenaille entre sa volonté affichée de refonder sa relation avec l’Algérie et la nécessité de ne pas apparaître comme cédant aux pressions. Un exercice d’équilibriste de plus en plus périlleux.