Dans les rues animées de Tel Aviv, un cri résonne : « La paix, maintenant ! » Pourtant, à quelques mètres, des voix s’élèvent pour défendre une ligne dure, prônant l’occupation et l’annexion. Depuis près de deux ans, la guerre à Gaza, la plus longue de l’histoire d’Israël, creuse un fossé au sein de la société israélienne. Comment un conflit peut-il fracturer une nation à ce point ? Entre appels désespérés à un cessez-le-feu et volonté d’affirmer la domination territoriale, les tensions s’intensifient, révélant des divergences profondes. Cet article plonge au cœur de cette fracture sociale, explorant les espoirs, les colères et les craintes d’un peuple divisé.
Une Société au Bord de la Rupture
Le conflit à Gaza, déclenché par l’attaque sans précédent du Hamas le 7 octobre 2023, a bouleversé Israël. Cette offensive, qui a coûté la vie à 1 219 personnes, majoritairement des civils, a marqué un tournant. Les représailles israéliennes, d’une intensité rare, ont causé plus de 60 000 morts à Gaza, selon les autorités locales, plongeant le territoire palestinien dans une crise humanitaire sans précédent. Mais au-delà des chiffres, c’est la société israélienne elle-même qui se fissure, tiraillée entre ceux qui rêvent de paix et ceux qui soutiennent une ligne intransigeante.
Dans ce climat, les familles des otages encore retenus à Gaza, au nombre de 49, se battent pour un cessez-le-feu. Leur désespoir contraste avec la fermeté de certains membres du gouvernement, qui prônent l’expansion territoriale. Cette polarisation, visible dans les manifestations et les débats publics, met en lumière des visions irréconciliables de l’avenir d’Israël.
Les Voix de la Paix face à la Colère
Sur la place Dizengoff à Tel Aviv, les militants pour la paix brandissent des pancartes et scandent des slogans. Parmi eux, Emanuel, un poète et instituteur de 29 ans, exprime sa frustration : « Rester proche de ceux qui soutiennent cette guerre, c’est comme approuver des crimes contre l’humanité. » Issu d’un milieu religieux de gauche, il incarne une frange de la population qui croit en une coexistence possible avec les Palestiniens. Pourtant, ses convictions lui valent des accusations de trahison.
« C’est difficile d’être un bon fils ou un bon frère quand vos proches soutiennent des actes que vous rejetez. Et pour eux, je suis un traître à mon pays. »
Emanuel, militant pacifiste
Les tensions ne s’arrêtent pas aux mots. Lors d’une manifestation, un cycliste s’arrête, furieux, et lance : « Traîtres ! » à la foule. Pour lui, ces appels à la paix équivalent à un soutien au Hamas. Cette scène, banale à Tel Aviv, illustre l’impossibilité croissante de dialoguer dans une société où chaque camp se radicalise.
Une Guerre aux Motivations Politiques ?
Si l’attaque du 7 octobre a initialement uni les Israéliens dans un élan de défense, cet élan s’est fissuré avec le temps. Selon Meron, un journaliste indépendant, les motivations de la guerre ont évolué. « Au départ, c’était une guerre juste, mais elle est devenue politique », explique-t-il. De nombreuses voix, notamment parmi les familles des otages, accusent le Premier ministre Benjamin Netanyahu de prolonger le conflit pour des raisons électoralistes, consolidant son pouvoir face aux critiques internes et internationales.
Un sondage récent révèle l’ampleur de ces divisions. Environ 21 % des Israéliens estiment que leur gouvernement est le principal responsable du retard dans la libération des otages, tandis que 45 % pointent du doigt le Hamas. Plus troublant encore, un quart des juifs israéliens se disent « angoissés » par la situation humanitaire à Gaza, où l’ONU alerte sur une famine imminente.
Chiffres clés du conflit :
- 1 219 morts côté israélien lors de l’attaque du 7 octobre 2023.
- Plus de 60 000 morts à Gaza, majoritairement des civils.
- 49 otages encore retenus à Gaza.
- 2 millions d’habitants à Gaza dépendants de l’aide humanitaire.
La Crise Humanitaire à Gaza : Un Sujet Explosif
À Gaza, la situation est dramatique. L’ONU alerte sur une « famine généralisée », tandis que les habitants dépendent entièrement de l’aide humanitaire, souvent bloquée ou insuffisante. Pourtant, ces avertissements divisent en Israël. Dvir, un employé de start-up de 36 ans, rejette les critiques internationales : « Le Hamas a déclenché cette guerre. Ils prennent la nourriture des Palestiniens. Pourquoi leur envoyer des fleurs ? » Pour lui, aucune aide ne devrait être accordée tant que les otages ne sont pas libérés.
Ce point de vue, partagé par une partie de la population, reflète une méfiance profonde envers les appels humanitaires. Pourtant, d’autres Israéliens, comme Mika, une écrivaine de 50 ans, dénoncent une guerre « criminelle » menée pour des raisons politiques. « Nos enfants sont envoyés mourir pour une cause qui n’a plus de sens », s’indigne-t-elle, pointant du doigt un conflit qui, selon elle, ne sert que les ambitions de certains dirigeants.
« Cette guerre n’a plus rien de juste. Elle ne sert qu’à maintenir certains au pouvoir. »
Mika, militante pour la paix
Un Passé de Divisions Amplifiées
Les fractures actuelles ne sont pas nouvelles. Avant même le 7 octobre, Israël était déjà divisé par des manifestations massives contre les réformes judiciaires de Netanyahu, accusé de corruption et de menacer l’indépendance des institutions. Le conflit a exacerbé ces tensions, transformant des désaccords politiques en gouffres idéologiques. Comme le note Meron, « la guerre a révélé des blessures anciennes, mais elle les a rendues insupportables ».
Pour beaucoup, la question des otages reste centrale. Les familles, soutenues par une partie de la société, exigent des négociations immédiates avec le Hamas. Mais l’aile dure du gouvernement, soutenue par ses partisans, refuse tout compromis, prônant une victoire militaire totale, même au prix d’une occupation prolongée.
Un Risque d’Isolement International
À l’étranger, Israël fait face à une pression croissante. La Cour internationale de justice (CIJ) a émis des mandats d’arrêt contre Benjamin Netanyahu et son ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, pour des soupçons de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Ces accusations, bien que contestées par Israël et ses alliés, notamment les États-Unis, alimentent les craintes d’un isolement international. Certains Israéliens s’inquiètent : leurs enfants, souvent conscrits dans l’armée, pourraient être perçus comme complices de ces actes à l’étranger.
Dans une lettre ouverte, 550 anciens responsables militaires, espions et diplomates ont appelé le président américain à faire pression pour mettre fin à la guerre. « Elle conduit Israël à la perte de sa sécurité et de son identité », avertit l’un d’eux, un ancien chef du Shin Bet. Cette initiative illustre l’urgence ressentie par une partie de l’élite israélienne, consciente des risques à long terme.
Vers un Avenir Incertain
À 70 ans, Avi, un archéologue vivant dans un kibboutz, ne cache pas son désespoir. « C’est la période la plus horrible de ma vie », confie-t-il, les larmes aux yeux. Longtemps militant pour la paix, il reconnaît la légitimité initiale de la guerre, mais dénonce son évolution : « Au début, ce n’était pas un génocide. Aujourd’hui, c’est autre chose. » Ce mot, rare en Israël, reflète l’ampleur du malaise pour certains.
Face à ces divisions, l’avenir d’Israël reste flou. Les appels à la paix se heurtent à la détermination des partisans d’une ligne dure, tandis que la crise humanitaire à Gaza continue d’alimenter les tensions. La société israélienne, autrefois unie face à l’adversité, semble aujourd’hui incapable de trouver un terrain d’entente. Entre les cris des manifestants et les silences des familles d’otages, une question demeure : comment guérir une nation fracturée ?
Points clés à retenir :
- La guerre à Gaza, déclenchée en octobre 2023, divise profondément la société israélienne.
- Les militants pour la paix et les familles des otages réclament un cessez-le-feu.
- Une partie du gouvernement prône l’annexion, malgré les critiques internationales.
- La crise humanitaire à Gaza, avec plus de 60 000 morts, accentue les tensions.
- Les accusations de crimes de guerre menacent l’image d’Israël à l’international.
La guerre à Gaza n’est pas seulement un conflit armé : elle est devenue le miroir des divisions internes d’Israël. Entre espoirs de paix et volonté de puissance, la société israélienne cherche encore sa voie. Mais dans ce climat de polarisation, une chose est claire : le chemin vers la réconciliation, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, sera long et semé d’embûches.