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Groenland : Les Terres Rares, Nouvel Eldorado Arctique ?

Le Groenland possède 36 millions de tonnes de terres rares. Une seule entreprise canadienne ose déjà extraire de l’or et prépare l’exploitation de minéraux critiques. Mais pour transformer ces trésors en richesse, il manque encore l’essentiel… Que va-t-il se passer ?

Imaginez un territoire grand comme huit fois la France, couvert à 80 % de glace, où la température descend régulièrement sous les -30 °C et où, pourtant, se cacheraient certains des minerais les plus convoités de la planète. C’est le Groenland d’aujourd’hui : un eldorado gelé qui fait rêver les géologues, les industriels et même les grandes puissances.

Le Groenland, futur géant des terres rares ?

Longtemps resté à l’écart des grandes courses minières, le plus grand îlot du monde commence à attirer tous les regards. Avec la montée en flèche de la demande en métaux critiques pour les batteries, les éoliennes et les technologies de défense, les regards se tournent vers l’Arctique. Et là, sous la calotte glaciaire, dorment des réserves colossales.

Le Service géologique dano-groenlandais estime à 36,1 millions de tonnes les ressources totales en oxydes de terres rares. Les réserves prouvées et exploitables atteignent déjà 1,5 million de tonnes selon l’Institut géologique américain. Des chiffres qui placent le territoire autonome parmi les tous premiers gisements mondiaux hors de Chine.

Amaroq Minerals, pionnier tous terrains

Une seule entreprise incarne aujourd’hui cette ambition : la canadienne Amaroq Minerals. Déjà exploitante de la mine d’or de Nalunaq dans le sud, elle vient d’annoncer avoir identifié d’importantes concentrations de terres rares sur sa licence.

Son directeur général, Eldur Olafsson, ne cache pas son enthousiasme : il affirme pouvoir extraire le minerai et l’expédier jusqu’au Danemark. Mais il prévient aussitôt : le vrai défi n’est pas l’extraction, c’est la transformation.

« Ce n’est pas seulement une question de gisement, c’est une question de transformation. »

Eldur Olafsson, PDG d’Amaroq Minerals

Sans usine de traitement locale, le concentré devrait être envoyé à l’étranger. Un processus coûteux qui nécessite des investissements massifs et, surtout, des subventions publiques importantes.

Un sous-sol exceptionnellement bien connu

Paradoxalement, le Groenland possède l’un des sous-sols les mieux cartographiés au monde. Des décennies de recherches danoises ont permis de dresser une carte ultra-précise des ressources. Résultat : on sait exactement où chercher.

Cette connaissance fine attire les investisseurs. Mais elle contraste violemment avec l’absence totale d’infrastructures lourdes : pas de routes digne de ce nom, pas de port en eau profonde partout, et surtout aucune fonderie capable de transformer les concentrés en métaux purs.

À retenir : Le Groenland a la matière première et la cartographie. Il lui manque l’outil industriel et les financements massifs pour passer à l’étape suivante.

Deux mines pour changer la donne

Amaroq mise sur deux projets phares pour démontrer la viabilité économique du modèle.

D’abord Nalunaq, la mine d’or déjà en production. En novembre, l’entreprise a extrait 2 636 onces (près de 75 kg) et table sur environ 198 kg pour toute l’année. Des volumes modestes à l’échelle mondiale, mais déjà significatifs pour l’économie locale.

Ensuite Black Angel, l’ancienne mine de zinc et plomb fermée en 1990. Grâce aux infrastructures existantes (tunnels, routes d’accès, quai), la remise en service pourrait intervenir dès 2027-2028. Outre le zinc et le plomb, le gisement contient du germanium, du gallium et du cadmium – tous classés parmi les minéraux critiques par l’Union européenne.

Eldur Olafsson l’affirme sans détour : dès 2027, Nalunaq pourrait devenir l’un des premiers contribuables du territoire. Si Black Angel suit, l’effet combiné pourrait accélérer le rêve d’indépendance économique des Groenlandais.

Le retour en force du Danemark (et de l’Europe)

L’intérêt soudain de Donald Trump pour l’île, lors de son premier mandat, a eu un effet inattendu : il a réveillé Copenhague. Depuis, le Danemark multiplie les initiatives et les financements, bien plus rapidement que les États-Unis eux-mêmes.

L’Union européenne a suivi en 2023 avec un accord de coopération spécifique. Sur les 34 matières premières jugées critiques par Bruxelles, le Groenland en possède 25 en quantités significatives.

Cette convergence d’intérêts transatlantiques change la donne. Des subventions européennes et danoises pourraient demain rendre viable ce qui semblait encore hier utopique.

Le défi humain au cœur du projet

Avec seulement 57 000 habitants répartis sur une surface immense, le Groenland manque cruellement de main-d’œuvre qualifiée. Amaroq indique que 40 à 50 % de ses employés sur Nalunaq sont déjà groenlandais, mais l’entreprise doit importer des compétences pointues.

À mesure que d’autres projets verront le jour, la pression sur le marché du travail deviendra énorme. Former massivement la population locale tout en attirant des travailleurs étrangers dans des conditions extrêmes représente un défi social majeur.

Vers une indépendance économique réelle ?

Depuis 2009, le Groenland gère seul l’exploitation de ses ressources. La pêche reste de très loin la première source de revenus, mais le gouvernement local voit dans le sous-sol la clé d’une émancipation vis-à-vis du Danemark.

Pour l’instant, seules deux mines sont actives sur l’île. Mais si les projets d’Amaroq aboutissent, et si d’autres suivent, le paysage économique pourrait basculer en quelques années seulement.

Reste une question cruciale : qui va financer les usines de transformation ? Qui va accepter de construire une industrie lourde dans l’un des environnements les plus hostiles de la planète ? Les prochains mois seront décisifs.

En résumé :

  • 36 millions de tonnes de ressources en terres rares identifiées
  • Deux mines (or et polymétallique) en voie de développement rapide
  • Absence totale d’usines de transformation sur place
  • Engouement croissant du Danemark et de l’UE
  • Défi majeur : main-d’œuvre et infrastructures

Le Groenland se trouve à la croisée des chemins. Entre rêve d’indépendance et réalité arctique impitoyable, l’île doit maintenant transformer ses richesses géologiques en prospérité durable. Une aventure industrielle et géopolitique hors norme qui ne fait que commencer.

Et vous, pensez-vous que le Grand Nord deviendra le prochain Klondike des terres rares ? L’avenir nous le dira très vite.

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