C’est une nouvelle qui risque de faire grincer des dents dans les couloirs de Bruxelles. Alors que l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur se rapproche à grands pas, un récent audit vient jeter une ombre sur les garanties sanitaires fournies par le Brésil, l’un des principaux partenaires commerciaux de l’UE.
Des contrôles de la grippe aviaire jugés “défaillants”
C’est l’eurodéputé centriste Pascal Canfin qui a tiré la sonnette d’alarme. Opposé de longue date à l’accord UE-Mercosur, il a exhumé un rapport d’audit réalisé par la Direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire de la Commission européenne entre avril et mai 2024 au Brésil. Les conclusions sont sans appel :
Le système mis en place par les autorités brésiliennes pourrait ne pas être suffisant pour détecter la maladie [la grippe aviaire] le plus tôt possible.
– Extrait du rapport d’audit de l’UE
Selon Pascal Canfin, ce rapport “illustre que le système de contrôle de la grippe aviaire au Brésil est totalement défaillant”. Il y voit une raison supplémentaire de s’opposer à l’accord de libre-échange.
Une “concurrence déloyale” pour les éleveurs européens
Si le virus de la grippe aviaire ne résiste pas à la cuisson et ne présente donc pas de risque direct pour la santé des consommateurs, l’eurodéputé dénonce néanmoins une “concurrence déloyale” pour les éleveurs du Vieux Continent :
En Europe, lorsqu’un cas de grippe aviaire hautement pathogène est déclaré, des restrictions commerciales et l’abattage des volailles sont obligatoires.
– Pascal Canfin, eurodéputé centriste
Des règles bien plus contraignantes qu’au Brésil donc, qui permettraient aux exportateurs brésiliens de bénéficier d’un avantage compétitif indu. D’autant que ce n’est pas la première fois que les contrôles sanitaires brésiliens sont épinglés.
De précédents audits avaient déjà pointé des failles
Un autre audit récent de l’UE avait en effet révélé des manquements dans les contrôles de la viande bovine brésilienne. Les autorités se sont montrées incapables de garantir l’absence d’oestradiol, une hormone de croissance interdite en Europe. Face à ces défaillances, le Brésil a dû suspendre ses exportations de bœuf vers le marché unique le temps de revoir ses procédures.
Des révélations embarrassantes alors que les négociations sur l’accord UE-Mercosur entrent dans leur phase finale après plus de 20 ans de discussions. Si une large partie des Vingt-Sept semble déterminée à signer le traité d’ici la fin de l’année, la France, elle, continue de s’y opposer en l’état.
L’agriculture, pomme de discorde des négociations
Il faut dire que l’agriculture constitue un point particulièrement sensible des négociations. Selon Eurostat, les importations agricoles de l’UE en provenance des quatre pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay) se sont élevées à 18,4 milliards d’euros en 2023, soit 12,6% du total des importations agricoles européennes en valeur.
Le Brésil est même le deuxième pays d’origine des produits agricoles importés dans l’UE, juste derrière le Royaume-Uni. Des chiffres qui font craindre à certains une concurrence accrue pour les agriculteurs européens en cas de conclusion de l’accord de libre-échange.
Le Brésil promet de se mettre en conformité
Contacté par une source proche du dossier, le ministère brésilien de l’Agriculture assure “prendre très au sérieux” les recommandations de l’audit européen. Des “mesures correctives” seraient en cours d’élaboration pour renforcer la surveillance de la grippe aviaire dans les élevages.
Reste à savoir si ces engagements suffiront à rassurer les États membres les plus sceptiques, à commencer par la France. Paris a d’ores et déjà prévenu qu’elle s’opposerait à l’accord si ses demandes, notamment en matière de normes sanitaires et environnementales, n’étaient pas entendues. Les prochains mois s’annoncent décisifs pour l’avenir des relations commerciales entre l’Europe et l’Amérique latine.