Depuis le 14 mai 2024, un vent de contestation souffle sur les îles Féroé. Cet archipel autonome danois situé en mer du Nord est en proie à une grève d’une ampleur inédite. Pas moins de 5 000 salariés, issus des secteurs public et privé, ont cessé le travail. Leurs revendications : des hausses de salaires substantielles pour faire face à l’inflation galopante. Un mouvement qui paralyse largement le pays et pourrait s’inscrire dans la durée.
Une grève sur fond d’inflation record
À l’origine de ce bras de fer entre syndicats et patronat : l’échec des négociations sur le renouvellement des conventions collectives. Celles-ci sont arrivées à échéance le 1er mai, après un mois d’intenses discussions. Les organisations syndicales exigeaient des revalorisations salariales de 13 à 15%, pour compenser la flambée des prix. L’inflation a en effet dépassé les 11% entre 2022 et 2023 dans l’archipel. Mais les employeurs refusent de dépasser les 9%.
Le projet d’accord est tellement éloigné de notre revendication minimale que nous avons décidé de le rejeter immédiatement
– Les syndicats féringiens
Un rejet catégorique, motivé par le contexte économique difficile. Les salariés avaient déjà consenti à modérer leurs demandes lors des précédentes négociations, en raison de l’impact de la pandémie de Covid-19 puis de la guerre en Ukraine. Aujourd’hui, ils estiment mériter un rattrapage conséquent pour préserver leur pouvoir d’achat.
Les îles Féroé au ralenti
Conséquence directe de ce mouvement social : les 18 îles de l’archipel tournent au ralenti depuis plus de deux semaines. De nombreux secteurs sont touchés :
- Transports : les bateaux ne sont plus accueillis dans les ports, perturbant l’approvisionnement. Pas d’essence dans les stations-services, trafic des bus et taxis affecté.
- Commerce : les produits frais ont disparu des rayons. Fruits, légumes, viande, œufs… presque tout vient du continent.
- Éducation : des jardins d’enfants et des écoles ont dû fermer, les parents contraints de rester à la maison.
- Industrie : les ouvriers des usines de traitement du poisson ont cessé le travail. Idem dans le secteur de la construction.
- Propreté : plus de ramassage des ordures. Des établissements ont dû fermer pour des raisons sanitaires.
Seul l’aéroport de Vagar, à l’ouest de l’archipel, reste ouvert. Mais l’office du tourisme alerte les voyageurs : les Féroé sont en “stand-by” pour une durée indéterminée.
Vers un long conflit
Car cette grève historique, la plus importante depuis 20 ans, ne semble pas près de s’achever. Aucune négociation n’est prévue à ce stade entre les partenaires sociaux. Les 54 000 habitants des îles Féroé vont donc devoir s’adapter à cette situation inédite.
Un quotidien chamboulé, des pénuries en vue, une économie et des services publics au point mort… Les conséquences pourraient être lourdes si le conflit devait s’enliser. D’autant que le Løgting, le parlement local, ne semble pas enclin à légiférer pour y mettre un terme.
Nous soutenons la lutte des travailleurs féringiens pour des augmentations de salaire dignes. Leur détermination est un exemple pour tous les salariés d’Europe confrontés à l’inflation.
– Syndicats nordiques de l’agroalimentaire
En attendant un hypothétique déblocage, les grévistes peuvent compter sur la solidarité de leurs homologues nordiques. Réunis le 27 mai en Norvège, les syndicats de l’agroalimentaire de la région leur ont apporté un soutien appuyé. Un encouragement à poursuivre ce combat pour le maintien du niveau de vie, qui pourrait faire des émules bien au-delà des frontières de ce petit archipel méconnu.