Une crise d’approvisionnement sans précédent frappe actuellement Bangui, la capitale centrafricaine. En cause, la grève des transporteurs routiers camerounais qui a débuté la semaine dernière suite à la mort brutale d’un de leurs chauffeurs sur les routes centrafricaines. Un événement qui vient s’ajouter aux nombreux défis sécuritaires et économiques auxquels le pays est confronté.
Flambée des prix et pénuries dans les commerces
Dans les échoppes et sur les étals du marché Boy-Rab, l’un des plus importants de Bangui, l’inquiétude et la colère des clients sont palpables. Avec seulement 1.000 Francs CFA en poche, soit environ 1,50 euro, il est désormais impossible de s’offrir les produits de base comme le café, le sucre ou le savon. Des denrées dont les prix ont littéralement flambé du jour au lendemain.
« En l’espace de 24h, certaines denrées comme le sucre et l’huile qu’on achète souvent pour le petit-déjeuner ont grimpé beaucoup trop vite », fulmine Grâce-à-Dieu Ndomoyando, une cliente de 30 ans, contrainte de renoncer à ses achats. Du côté des commerçants, c’est la douche froide. Magloire Guerematchi, propriétaire d’une boutique, témoigne des difficultés à s’approvisionner et de l’envolée des coûts. « Pour une palette de savon qui nous coûtait 5.500 FCFA il y a quelques jours, on doit maintenant débourser jusqu’à 6.350 FCFA. C’est exorbitant ! »
Un manque à gagner important pour les commerçants
Cette situation inédite impacte durement l’activité des petits commerçants. Pour maintenir leurs maigres marges, beaucoup n’ont d’autre choix que de réduire les quantités vendues et d’augmenter leurs prix. « Cela réduit non seulement nos bénéfices, mais aussi notre capacité à maintenir nos stocks », déplore Magloire Guerematchi qui craint de devoir mettre la clé sous la porte si le mouvement de grève devait perdurer.
La Centrafrique, un pays dépendant des importations
En réalité, cette crise met en lumière la grande vulnérabilité de l’économie centrafricaine. Enclavé au cœur de l’Afrique centrale, ce pays parmi les plus pauvres du monde dépend à plus de 40% des importations en provenance du Cameroun, selon les chiffres de l’International Trade Center. L’axe routier reliant Bangui au port de Douala, la capitale économique camerounaise, constitue ainsi une véritable bouée de sauvetage pour l’approvisionnement du pays.
La sécurité des transporteurs au cœur des revendications
Mais voilà, depuis l’assassinat présumé d’un chauffeur camerounais par des paramilitaires russes du groupe Wagner il y a une semaine, les routiers de Douala refusent de prendre la route de Bangui. Via leur syndicat, ils réclament l’ouverture d’une enquête sur ce drame et des garanties sur leur sécurité. « Les camions sont chargés mais à l’arrêt. Les chauffeurs ont peur pour leur vie », résume Hamadou Djika, représentant du collectif.
Un pays miné par les conflits armés
Ce n’est pas la première fois que le transit des marchandises vers la Centrafrique est perturbé. En 2015 et 2021, des mouvements similaires avaient déjà entraîné des pénuries et une inflation galopante. Il faut dire que le pays reste gangrené par des conflits entre groupes armés en dépit de l’appui militaire de Moscou au gouvernement centrafricain. Une instabilité chronique qui entrave le développement et maintient dans une grande pauvreté plus de 70% des 6 millions d’habitants.
Aujourd’hui, l’approvisionnement de Bangui est suspendu au règlement d’un contentieux sécuritaire dont personne ne semble détenir la clé. Pendant ce temps, commerçants et consommateurs retiennent leur souffle. Tous redoutent que la grève des transporteurs camerounais ne s’enlise, faisant planer le spectre d’une crise économique et sociale majeure dans un pays déjà à genoux.