Imaginez une mère, âgée de 69 ans, qui décide de cesser de s’alimenter pendant des mois dans l’espoir de sauver son fils emprisonné. Ce sacrifice, porté par l’amour et la conviction, incarne le combat de Laila Soueif, une universitaire égyptienne qui a récemment mis fin à une grève de la faim de dix mois pour exiger la libération de son fils, Alaa Abdel-Fattah, figure emblématique du militantisme en Égypte. Cette histoire, à la croisée de l’amour familial et de la lutte pour la justice, révèle les tensions profondes d’un pays où la liberté d’expression reste un défi.
Un Combat Maternel pour la Liberté
Laila Soueif, universitaire respectée, a entamé sa grève de la faim le 29 septembre 2024, date à laquelle son fils, Alaa Abdel-Fattah, aurait dû être libéré après cinq ans de détention. Condamné pour propagation de fausses nouvelles, une accusation souvent utilisée pour réduire au silence les voix dissidentes en Égypte, Alaa reste derrière les barreaux. Ce refus des autorités égyptiennes de le libérer a poussé Laila à un acte extrême : cesser de s’alimenter pour attirer l’attention sur l’injustice subie par son fils.
Sa décision, aussi courageuse que risquée, a mobilisé sa famille et les défenseurs des droits humains à travers le monde. Après dix mois de jeûne, Laila a choisi d’arrêter, non par capitulation, mais pour préserver sa santé, sous surveillance médicale. Sa fille, Mona Seif, a partagé cette nouvelle sur les réseaux sociaux, soulignant que sa mère n’était pas encore hors de danger en raison des risques liés à la réalimentation après un jeûne prolongé.
« Hier, ma mère m’a dit qu’elle avait décidé de mettre fin à sa grève de la faim et qu’elle commencerait le processus médical nécessaire. »
Mona Seif, sur les réseaux sociaux
Qui est Alaa Abdel-Fattah ?
Alaa Abdel-Fattah, 43 ans, est une figure centrale du soulèvement égyptien de 2011, un mouvement populaire qui avait suscité l’espoir d’une société plus libre. Blogueur et militant, il a incarné la voix de la jeunesse égyptienne réclamant des réformes démocratiques. Cependant, sa lutte pour la liberté d’expression l’a conduit à passer la majeure partie de la dernière décennie en prison. Arrêté en 2019 pour avoir partagé une publication sur les réseaux sociaux dénonçant des brutalités policières, il a été condamné à cinq ans de prison.
Son cas illustre un problème plus large en Égypte, où des milliers de dissidents, journalistes et militants sont détenus sous des accusations souvent vagues. En mai 2025, un groupe d’experts des Nations Unies a qualifié sa détention d’arbitraire, exigeant sa libération immédiate. Pourtant, malgré ces appels internationaux, Alaa reste emprisonné, symbole d’une répression persistante.
La Grève de la Faim : Un Acte de Solidarité
En mars 2025, alors que sa mère était hospitalisée, Alaa a lui-même entamé une grève de la faim partielle en signe de solidarité. Consommant uniquement des tisanes, du café et des sels de réhydratation, il a perdu 29 % de son poids corporel, selon sa sœur Sanaa Seif. Ce geste, bien que risqué, reflète la détermination d’une famille unie dans sa lutte pour la justice.
La grève de Laila, quant à elle, a attiré l’attention sur les conditions de détention de son fils et sur le sort de nombreux autres prisonniers politiques. Son sacrifice a mis en lumière les défis auxquels sont confrontés les militants en Égypte, où les réformes promises par les autorités peinent à se concrétiser.
Un jeûne de dix mois : un acte de désespoir, mais aussi de résilience, pour une mère prête à tout pour son fils.
Les Efforts Diplomatiques et Leurs Limites
Le cas d’Alaa Abdel-Fattah a suscité des efforts diplomatiques, notamment des discussions entre le Premier ministre britannique Keir Starmer et le président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi. La double nationalité égypto-britannique d’Alaa a amplifié l’attention internationale portée à son sort. Cependant, ces échanges n’ont pas encore abouti à sa libération, révélant les limites de la pression diplomatique face à un système judiciaire égyptien souvent critiqué pour son manque d’indépendance.
Depuis 2022, les autorités égyptiennes ont libéré des centaines de détenus, y compris des figures de l’opposition comme Mohamed al-Baqer, l’avocat d’Alaa. Pourtant, le nom d’Alaa semble systématiquement exclu des listes de grâces, alimentant les spéculations sur les motivations politiques derrière sa détention prolongée.
Les Risques d’une Grève de la Faim Prolongée
Une grève de la faim, surtout lorsqu’elle dure plusieurs mois, comporte des risques graves pour la santé. Laila Soueif, aujourd’hui hospitalisée, doit être surveillée de près pour éviter des complications lors de la réalimentation. Voici les principaux dangers associés à un jeûne prolongé :
- Syndrome de réalimentation : Une reprise alimentaire trop rapide peut provoquer des déséquilibres électrolytiques dangereux.
- Perte musculaire : Le corps, privé de nutriments, puise dans ses réserves, affaiblissant l’organisme.
- Problèmes cardiaques : Un jeûne prolongé peut entraîner des arythmies ou une insuffisance cardiaque.
- Dommages neurologiques : La malnutrition peut affecter les fonctions cognitives.
La décision de Laila de manger des morceaux de sucre pour marquer la fin de son jeûne montre une transition prudente, mais le chemin vers la récupération reste complexe.
Un Symbole de Résistance
Le combat de Laila et d’Alaa dépasse le cadre d’une lutte familiale. Il incarne la résilience des militants égyptiens face à la répression. Leur histoire met en lumière les sacrifices consentis pour défendre la liberté d’expression et les droits humains dans un contexte où ces valeurs sont constamment menacées.
Pour mieux comprendre l’ampleur de ce combat, voici un aperçu des éléments clés du cas d’Alaa Abdel-Fattah :
Événement | Date | Détails |
---|---|---|
Arrestation | 2019 | Condamné pour une publication sur les brutalités policières. |
Grève de la faim de Laila | Septembre 2024 | Début du jeûne pour exiger la libération d’Alaa. |
Fin de la grève | Juillet 2025 | Laila entame une réalimentation sous surveillance médicale. |
Quel Avenir pour Alaa ?
La fin de la grève de Laila Soueif ne marque pas la fin de la lutte pour la libération d’Alaa. Sa famille, soutenue par des organisations internationales, continue de faire pression pour sa libération. Les appels des Nations Unies et les discussions diplomatiques montrent que son cas reste sous les projecteurs, mais les progrès sont lents.
Le courage de Laila et d’Alaa inspire des milliers de personnes à travers le monde. Leur histoire nous rappelle que la lutte pour la justice et la liberté exige des sacrifices immenses, mais aussi une détermination sans faille. Alors que Laila entame sa récupération, une question persiste : quand Alaa pourra-t-il retrouver sa liberté ?
Un combat pour la liberté qui résonne bien au-delà des frontières égyptiennes.
Ce récit, empreint de courage et de résilience, nous invite à réfléchir sur la valeur de la liberté d’expression et sur les sacrifices consentis pour la défendre. L’histoire de Laila et d’Alaa Abdel-Fattah reste un puissant rappel que, même dans les moments les plus sombres, l’espoir et la détermination peuvent éclairer le chemin vers la justice.