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Grèce en Colère : Pêcheurs et Agriculteurs Paralysent le Pays

À Volos, les pêcheurs rejoignent les agriculteurs et menacent de bloquer totalement le port. Routes coupées, frontières fermées, aéroports occupés… La Grèce est paralysée. Mais jusqu’où ira cette colère qui fait trembler le gouvernement ?

Imaginez un pays entier qui retient son souffle. Des milliers de tracteurs barrant les autoroutes, des bateaux de pêche bloquant les ports, des frontières fermées plusieurs heures par jour. Ce n’est pas une fiction : c’est la Grèce, début 2025, où la colère des campagnes et de la mer a atteint un point de non-retour.

Quand la mer rejoint la terre : une alliance explosive

Mercredi, dans le port de Volos, quelque chose a changé. Les pêcheurs, jusqu’alors en retrait, ont décidé de grossir les rangs des agriculteurs. Leurs bateaux, habituellement tournés vers le large, se sont alignés face au quai, formant une barrière bleu-blanc-rouge impossible à ignorer.

Sur les quais, les banderoles ne laissent aucun doute : « Sans nous, vous ne mangerez plus de poisson frais ». Une menace directe, presque biblique pour certains, qui résonne comme un ultimatum. Car Volos n’est pas n’importe quel port : c’est l’un des poumons commerciaux de la Thessalie, région agricole parmi les plus fertiles du pays.

Volos, épicentre d’une double catastrophe

La Thessalie porte encore les stigmates des tempêtes de 2023. Vingt mille hectares noyés sous les eaux, des centaines de tonnes de poissons morts retrouvés dans le port même. Les pêcheurs du golfe Pagasétique ont vu leurs filets revenir vides pendant des mois. Les agriculteurs, eux, ont perdu récoltes et troupeaux.

Au drame climatique s’est ajoutée la catastrophe administrative : les subventions européennes, censées aider à la reconstruction, n’arrivent pas. Pire, elles sont bloquées par une enquête du Parquet européen sur des fraudes massives. Des déclarations de terres fictives, des troupeaux gonflés sur le papier… Le scandale touche particulièrement la Crète, mais ses répercussions frappent tout le pays.

« La voix du peuple est la colère de Dieu devant votre inertie face aux pêcheurs ruinés »

Cette phrase, peinte en lettres géantes sur une banderole, résume l’état d’esprit. On ne demande plus, on exige.

Un pays coupé en deux

Pendant que Volos se prépare à un blocage maritime total, le reste de la Grèce vit au rythme des barrages routiers. Des dizaines de milliers de tracteurs immobilisent les grands axes. Les postes-frontières avec la Macédoine du Nord, la Bulgarie et la Turquie ferment plusieurs heures chaque jour.

Le tourisme commence à en pâtir. Les camions de marchandises s’accumulent. L’économie, déjà fragile, vacille un peu plus. Et pourtant, la mobilisation ne faiblit pas. Elle s’amplifie même.

Lundi, un cap a été franchi : des agriculteurs ont occupé les aéroports de Crète. Des heurts ont éclaté avec les forces anti-émeutes. L’île, déjà dans le viseur de la justice européenne pour les fraudes les plus importantes, est devenue le symbole d’une révolte qui ne connaît plus de limites.

Les raisons d’une colère accumulée

Pour comprendre l’ampleur du mouvement, il faut remonter plusieurs années en arrière. Les agriculteurs grecs subissent de plein fouet :

  • La faiblesse chronique des prix de leurs produits
  • L’explosion des coûts de l’énergie et des intrants
  • Les conséquences du changement climatique (sécheresses, inondations)
  • Une épidémie dévastatrice de variole ovine
  • Et maintenant, le gel des aides européennes à cause de fraudes qu’ils n’ont pas toutes commises

Chaque point pris séparément aurait déjà suffi à mettre le feu aux poudres. Cumulés, ils ont transformé la grogne en soulèvement.

Le gouvernement dans la tempête

Kyriakos Mitsotakis, reconduit en 2023 avec une majorité confortable, se retrouve aujourd’hui sous une pression inédite. Son porte-parole répète inlassablement la même phrase : « Les agriculteurs doivent désigner des représentants et venir discuter ».

Mais sur le terrain, cette invitation au dialogue sonne comme une provocation. Les manifestants n’ont plus confiance. Ils ont vu trop de promesses non tenues, trop de fonds détournés, trop de catastrophes ignorées.

Athènes a bien annoncé des mesures d’urgence et des fonds supplémentaires. Mais tant que les subventions européennes restent bloquées, ces annonces ressemblent à des pansements sur une hémorragie.

Et maintenant ?

La question que tout le monde se pose : jusqu’où ira cette mobilisation ? Le blocage conjoint des ports et des routes pourrait rapidement paralyser l’approvisionnement du pays. Les pêcheurs de Volos ont déjà prévenu : ils sont prêts à aller jusqu’au bout.

Dans les villages de Thessalie, on parle d’une « jacquerie moderne ». Sur les quais de Volos, les marins disent qu’ils n’ont plus rien à perdre. Leur alliance, terre et mer, agriculteurs et pêcheurs, est inédite. Et c’est peut-être ce qui rend ce mouvement si difficile à contenir.

Car quand ceux qui nourrissent le pays décident de dire stop, c’est tout un modèle qui vacille. La Grèce d’aujourd’hui nous rappelle une vérité ancienne : le pouvoir, quel qu’il soit, repose finalement sur ceux qui produisent la nourriture.

Et quand ils se mettent en colère ensemble, même les gouvernements les plus solides commencent à trembler.

À suivre de très près : la situation évolue d’heure en heure. Le blocage total du port de Volos pourrait intervenir dès les prochains jours. Et si d’autres ports suivent le mouvement, la Grèce risque de se retrouver dans une situation inédite depuis des décennies.

Une chose est sûre : ce qui se joue aujourd’hui dans les plaines de Thessalie et sur les quais de Volos dépasse largement la simple revendication corporatiste. C’est une colère profonde, accumulée, qui cherche enfin à s’exprimer. Et elle a choisi la forme la plus radicale qui soit : priver le pays de ce qu’il a de plus essentiel.

La nourriture.

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