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Grèce : 20 000 Tracteurs Paralysent le Pays en Pleine Crise

Plus de 20 000 tracteurs bloquent la Grèce entière. Aéroports occupés, autoroutes fermées, heurts avec la police… Les agriculteurs exigent justice après un scandale de 30 millions d’euros détournés. Jusqu’où ira la révolte ?

Imaginez-vous arriver à l’aéroport d’Héraklion, prêt à poser le pied sur la plus grande île grecque, et découvrir que des dizaines de tracteurs barrent l’accès aux pistes. Lundi dernier, ce cauchemar est devenu réalité pour des milliers de touristes. Et ce n’était qu’un début.

La Grèce paralysée par la plus grande mobilisation agricole depuis des décennies

Depuis la fin novembre, le pays vit au rythme des klaxons de tracteurs. Plus de 20 000 machines agricoles occupent les routes, 55 points de blocage stratégiques sont actifs et les autoroutes principales ressemblent à des parkings géants. Ce que l’on voit aujourd’hui dépasse largement les traditionnelles manifestations saisonnières.

Les agriculteurs et éleveurs ne réclament plus seulement des baisses de charges ou des prix plus justes. Ils exigent que l’État récupère l’argent volé lors du vaste scandale de fraude aux subventions européennes et le redistribue immédiatement aux véritables exploitants.

Un scandale qui met le feu aux poudres

Depuis le printemps, l’enquête du Parquet européen révèle l’ampleur du détournement : plus de 30 millions d’euros de fonds de la Politique Agricole Commune auraient été siphonnés. Des individus déclaraient posséder des terres qu’ils n’avaient jamais cultivées ou exagéraient considérablement la taille de leurs troupeaux pour toucher des aides indues.

La Crète, cœur historique de la production agricole grecque, apparaît particulièrement touchée. C’est là que la colère a explosé en premier, jusqu’à l’occupation des deux aéroports internationaux de l’île. Résultat : des dizaines de vols annulés ou retardés en pleine saison touristique.

« Si le gouvernement veut vraiment punir les fraudeurs, qu’il reprenne l’argent et le donne aux vrais agriculteurs. Tous ceux qui ont volé doivent aller en prison. »

Kostas Tsoukalas, producteur de coton à Karditsa

Des blocages qui s’étendent chaque jour

Mardi matin, l’aéroport d’Héraklion a enfin repris un trafic normal après le départ des agriculteurs vers une assemblée générale. Mais la mobilisation ne faiblit pas. L’autoroute Athènes-Thessalonique reste coupée par endroits, les véhicules sont détournés sur des routes secondaires déjà saturées.

À Karditsa, dans la plaine de Thessalie, cœur battant de la production cotonnière grecque, des centaines de tracteurs forment une muraille infranchissable. Plus au nord, le port de Volos se prépare à être bloqué mercredi, cette fois avec le soutien des pêcheurs.

La coordination est impressionnante : les agriculteurs communiquent en temps réel, ajustent leurs points de pression et annoncent déjà de nouvelles actions si aucune avancée concrète n’est obtenue rapidement.

Des revendications cumulées et légitimes

Au-delà du scandale des subventions, les exploitants subissent une accumulation de coups durs. Les prix du coton, de l’huile d’olive et des produits laitiers sont au plus bas. Les coûts de l’énergie et des intrants flambent. Et cette année, l’épidémie de variole ovine a décimé des troupeaux entiers, sans indemnisation suffisante.

Beaucoup d’agriculteurs se disent au bord du gouffre. Pour eux, le versement rapide des aides européennes détournées représente la seule bouée de sauvetage immédiate.

Les principales revendications des agriculteurs grecs :

  • Récupération immédiate des 30 millions d’euros détournés
  • Redistribution aux exploitants légitimes avant la fin de l’année
  • Renforcement des contrôles pour éviter de nouvelles fraudes
  • Indemnisation renforcée face à la variole ovine
  • Mesures d’urgence sur les prix et les coûts de production

Une réponse gouvernementale sous pression

Kyriakos Mitsotakis, déjà fragilisé par plusieurs crises, marche sur des œufs. Le Premier ministre se dit « ouvert au dialogue » tout en mettant en garde contre des « protestations aveugles » qui nuisent à l’image du pays et à son économie.

Le gouvernement a promis des fonds supplémentaires et des mesures d’urgence. Mais pour l’instant, aucune date précise ni aucun montant concret n’ont été annoncés. Les agriculteurs, eux, attendent des actes, pas des mots.

Des renforts policiers ont été envoyés en Crète après les heurts de lundi, où pierres et bâtons ont répondu aux gaz lacrymogènes. La tension reste maximale.

Vers une escalade incontrôlable ?

Chaque jour apporte son lot de nouvelles actions. Après les aéroports et les autoroutes, ce sont désormais les ports qui sont visés. Demain, d’autres lieux stratégiques pourraient être ciblés.

La coordination entre agriculteurs, éleveurs et pêcheurs montre une solidarité rare. Beaucoup comparent déjà cette mobilisation à celle des gilets jaunes en France par son ampleur et sa détermination.

Dans les villages, on parle ouvertement de « jusqu’au-boutisme ». Les exploitants savent que Noël approche et que la pression sur le gouvernement sera maximale avec les fêtes et le tourisme hivernal.

Une chose est certaine : la Grèce vit actuellement l’une des plus graves crises agricoles de son histoire récente. Et pour l’instant, personne ne semble prêt à céder.

Les tracteurs continueront de rouler… ou plutôt de rester immobiles, tant que des réponses concrètes n’auront pas été apportées. Le compte à rebours est lancé.

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