Les récents incidents liés à des chants homophobes dans les stades de football ont mis en lumière des divergences au sein même du gouvernement sur la manière d’y faire face. Alors que le ministre des Sports Gil Avérous prône une application stricte du protocole de la FIFA, qui prévoit l’arrêt des matchs en cas de manifestations discriminatoires, son collègue de l’Intérieur Bruno Retailleau juge cette mesure trop “compliquée” à mettre en œuvre.
Avérous et Retailleau pas sur la même longueur d’onde
Jeudi, les deux ministres ont rencontré les dirigeants du football français pour évoquer cette épineuse question. Mais au sortir de la réunion, force était de constater leurs divergences d’approche. Gil Avérous a réaffirmé sa volonté d’appliquer à la lettre les directives de l’instance internationale, quand Bruno Retailleau a estimé qu’interrompre les rencontres n’était “pas la bonne solution”, préférant miser sur des “interruptions provisoires”.
Un écart de positionnement qui sème le trouble sur la stratégie de l’exécutif face à ce fléau. Comment concilier la nécessaire lutte contre toutes les formes de discriminations et le souhait de ne pas pénaliser les clubs et les spectateurs dans leur ensemble ? Le locataire de la place Beauvau a en tout cas poussé “un coup de gueule”, assurant vouloir “des frappes chirurgicales” contre les meneurs de ces chants abjects.
Des policiers en civil dans les tribunes
Pour ce faire, il a notamment annoncé le placement “régulier” d’agents en tenue civile dans les travées, afin de repérer les fauteurs de troubles. Mais aussi le recours aux “caméras algorithmiques”, sans plus de précisions sur ce dernier point. Des méthodes musclées qui ne font pas forcément l’unanimité chez les instances du ballon rond.
Ce n’est pas la bonne solution. Mais il faut une interruption provisoire.
Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur
Des sanctions graduelles prévues
De son côté, Gil Avérous campe sur ses positions, faisant de l’arrêt des matchs un élément clé de sa politique. Conformément au protocole FIFA, une gradation des sanctions est prévue :
- Suspension temporaire de la rencontre
- Arrêt définitif si les chants persistent
- Match perdu par l’équipe du public fautif
Reste à savoir si l’intransigeance affichée se traduira réellement sur le terrain. Car les arbitres, souvent pris entre deux feux, rechignent parfois à aller jusqu’au bout de la procédure. Sans parler des risques de débordements accrus que pourrait provoquer l’arrêt d’un match à enjeu.
Quand les actes doivent suivre les paroles
Plus largement, c’est toute la problématique de la lutte contre les dérives dans les stades qui se trouve posée. Au-delà des effets d’annonce, il apparaît crucial que le gouvernement adopte une ligne claire et cohérente sur le long terme. Sans quoi le combat contre l’homophobie et toutes les formes de haine risque de rester lettre morte.
Il y aura des policiers en civil régulièrement dans les stades pour repérer individuellement les fauteurs de troubles.
Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur
Des sanctions individuelles ciblées, une sensibilisation accrue du public, une mobilisation de tous les acteurs : autant de leviers à actionner simultanément pour espérer endiguer ce phénomène. Mais cela exige du courage politique, une vraie volonté d’aller au bout des choses, en dépit des résistances. Les prochains mois nous diront si Bruno Retailleau et Gil Avérous sont prêts à relever ce défi. Avec le soutien sans faille de la Première ministre Élisabeth Borne.
Affaire à suivre donc, tant la partie s’annonce serrée. Une chose est sûre : au-delà du symbole, c’est la crédibilité de l’État qui se joue dans sa capacité à endiguer les démons de la haine ordinaire. Y compris dans ce lieu de communion et de ferveur populaire que sont les stades de football. Un immense chantier.
