La France traverse une période d’instabilité politique suite à la démission du Premier ministre Gabriel Attal, dix jours après des élections législatives n’ayant donné de majorité à aucun bloc. En attendant la nomination d’une nouvelle équipe gouvernementale, dont la coloration dépendra de l’issue des négociations avec la gauche ou la droite, le pays se retrouve dirigé par un gouvernement dit “démissionnaire”, chargé de la gestion des affaires courantes. Mais comment fonctionne un tel gouvernement et quelles sont les limites de ses attributions ? Éléments de réponse.
Un gouvernement aux pouvoirs limités
Un gouvernement démissionnaire dispose de marges de manœuvre réduites. Sa mission principale est d’assurer la continuité de l’activité administrative et de gérer les affaires urgentes, en évitant de prendre des décisions engageant durablement l’avenir du pays. Comme le souligne la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina :
On ne retrouve presque nulle part cette notion “d’affaires courantes” dans la Constitution. On a besoin d’un capitaine dans le bateau, mais on ne sait pas vraiment quelle est la limite de ses attributions.
En pratique, le gouvernement démissionnaire peut continuer à prendre des actes réglementaires et des mesures individuelles (nominations, sanctions…). En revanche, il doit s’abstenir de déposer des projets de loi ou d’engager la responsabilité du gouvernement via le 49.3. Quant au Parlement, il peut siéger mais dans une configuration restreinte.
Des ministres aux attributions floues
Les contours des fonctions des ministres “démissionnaires” restent assez flous. Ainsi, rien n’interdit formellement à un ministre sortant de procéder à des nominations. En 1997, la nomination par Alain Juppé de PDG d’entreprises publiques juste avant son départ avait d’ailleurs suscité une vive polémique. La frontière entre gestion des affaires courantes et décisions discrétionnaires est donc parfois ténue.
Par ailleurs, si un ministre chargé des affaires courantes est aussi député fraîchement élu, il devra rapidement choisir entre ses deux fonctions. «Il y a une incompatibilité absolue entre la fonction ministérielle et le mandat parlementaire», rappelle le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier.
Une pause institutionnelle à durée incertaine
La période d’attente d’un nouveau gouvernement n’est pas bornée dans le temps. En 2017, il avait fallu attendre 35 jours entre la démission du gouvernement sortant et la nomination du premier gouvernement d’Édouard Philippe. Un délai plus long cette fois-ci, au vu de l’absence de majorité claire.
Pour débloquer la situation, deux issues sont envisageables si les tractations n’aboutissent pas: la formation d’un gouvernement minoritaire qui devra composer au cas par cas pour faire voter ses textes, ou une dissolution de l’Assemblée et de nouvelles élections législatives. Une décision qui revient au président Macron, mais à manier avec précaution vu le risque de reproduire la même configuration ingouvernable qu’actuellement.
En attendant, le gouvernement démissionnaire gère le pays, sous l’autorité du président, pour assurer un minimum de continuité. Une parenthèse institutionnelle qui laisse le pays en apnée, dans un contexte économique et international tendu. La Ve République, pensée pour un pouvoir fort, se retrouve ainsi ébranlée par une situation de blocage peu habituelle. L’issue de cette crise politique conditionnera largement les réformes à venir.