Alors que les Belges s’apprêtent à fêter Noël, les couloirs du pouvoir à Bruxelles résonnent encore des âpres négociations pour former un nouveau gouvernement fédéral. Selon des sources proches des discussions, le Roi Philippe a dû se résoudre à prolonger jusqu’au 7 janvier 2025 la mission du formateur pressenti pour diriger la future coalition, faute d’accord à ce stade entre les différents partis.
Cela fera donc plus de six mois que cinq formations politiques issues du nord et du sud du pays tentent de s’entendre pour constituer une majorité gouvernementale, dans la foulée des élections législatives du 9 juin dernier. Malgré de nombreuses réunions et conciliabules, plusieurs points de friction subsistent sur des dossiers clés comme le budget de l’état ou la politique migratoire.
Le casse-tête budgétaire au cœur des débats
La question qui cristallise le plus les désaccords est sans conteste celle des finances publiques de la Belgique. Le formateur Bart De Wever, président des nationalistes flamands de la N-VA, estime que le pays doit réaliser un effort d’au moins 20 milliards d’euros pour rééquilibrer ses comptes et respecter les règles budgétaires européennes. Une cure d’austérité d’autant plus nécessaire que la Belgique fait partie des mauvais élèves de la zone euro, pointés du doigt pour leur déficit excessif.
Mais le chiffrage de cet assainissement budgétaire et sa répartition font l’objet d’intenses tractations entre les différents partis de la future majorité. Si un consensus semble se dégager sur la nécessité de réaliser des économies, des divergences persistent sur les secteurs à cibler en priorité comme la santé ou la politique migratoire. La question d’une éventuelle hausse de la fiscalité pour compenser ces coupes suscite également de vifs débats.
Préserver le modèle social belge
Du côté des partenaires pressentis de Bart de Wever, on s’inquiète des répercussions de cette rigueur budgétaire sur le système de protection sociale du pays. Tant les socialistes flamands de Vooruit que les démocrates-chrétiens du CD&V insistent pour sanctuariser le budget de la santé et des soins, dans un contexte post-pandémie qui a mis en lumière l’importance de ces services publics. Une ligne rouge pour ces deux formations, qui rejettent tout démantèlement de la sécurité sociale belge.
Il est hors de question de détricoter notre modèle social. Nous n’accepterons aucune mesure qui fragiliserait l’accès aux soins ou l’assurance maladie.
Un négociateur socialiste
« La Belgique, pays le plus taxé au monde »
À l’inverse, les libéraux francophones du MR campent sur leur refus de toute augmentation d’impôt, jugeant que « la Belgique est déjà le pays le plus taxé au monde ». Leur président Georges-Louis Bouchez s’est fait le chantre d’une baisse généralisée de la pression fiscale, en particulier sur le travail, pour doper la compétitivité des entreprises. Une position en phase avec celle de la N-VA, qui plaide pour des réformes structurelles d’inspiration libérale.
Le spectre de nouvelles élections
Entre ces lignes de fracture, la marge de manœuvre pour aboutir à un compromis s’annonce étroite. D’après des sources concordantes, les négociateurs vont mettre à profit la trêve des confiseurs pour tenter de rapprocher les points de vue et « confectionner le tableau budgétaire » de la future coalition. L’objectif est d’aboutir à un accord global début janvier, qui devra ensuite être approuvé par les instances des différents partis.
Mais en coulisses, certains évoquent déjà le spectre d’un échec des pourparlers et d’un retour aux urnes, tant les positions semblent inconciliables sur ces arbitrages budgétaires. Un scénario noir pour la Belgique, qui replongerait le pays dans l’instabilité politique chronique qui le mine depuis plus d’une décennie. En attendant, c’est un gouvernement en affaires courantes et un budget provisoire qui gèreront le quotidien de l’état pour les prochains mois.
Reste à savoir si l’esprit de Noël parviendra à dégeler les discussions entre les différents partis et à déboucher sur le « cadeau » tant attendu par les Belges : celui d’un nouveau gouvernement de plein exercice, doté d’une feuille de route claire pour affronter les défis économiques et sociaux du pays. Réponse dans les prochaines semaines, sous l’œil attentif du Roi Philippe et de ses sujets.