Le nouveau gouvernement de François Bayrou ne fait pas l’unanimité. En effet, plusieurs ministres nommés dans ce remaniement ont connu une défaite lors des dernières élections législatives. Un choix qui interpelle et suscite de vives réactions dans la classe politique comme dans l’opinion publique.
Des ministres battus dans les urnes mais récompensés
En piochant dans le vivier de l’Assemblée nationale pour constituer son équipe, le Premier ministre centriste a fait le pari de nommer des personnalités expérimentées, quitte à passer outre le verdict des urnes. Pas moins de cinq ministres de ce gouvernement ont en effet mordu la poussière lors des législatives de 2022 ou 2024 :
- Manuel Valls, ministre des Outre-mer et ministre d’État, battu en 2022 dans la 5e circonscription des Français de l’étranger.
- Patrick Mignola, ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement, défait en 2022 en Savoie.
- Amélie de Montchalin, ministre déléguée chargée du Budget, battue en 2022 dans l’Essonne.
- Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du Commerce extérieur, vaincu en 2022 dans le Val-de-Marne.
- Patricia Mirallès, ministre déléguée chargée de la Mémoire et des Anciens combattants, défaite en 2024 dans l’Hérault.
Si certains saluent le retour d’expérience de ces personnalités, d’autres y voient un manque de considération pour la volonté des électeurs. La députée insoumise Mathilde Panot a ainsi fustigé sur les réseaux sociaux un « gouvernement rempli de gens désavoués dans les urnes ».
L’outre-mer confié à Manuel Valls
La nomination la plus symbolique est sans doute celle de Manuel Valls au ministère des Outre-mer. L’ancien Premier ministre socialiste, érigé au rang de ministre d’État, avait pourtant été sèchement battu en 2022 lors des législatives dans la 5e circonscription des Français de l’étranger (Espagne, Portugal, Andorre et Monaco).
Avec seulement 16% des voix, il n’avait même pas réussi à se qualifier pour le second tour, subissant un véritable camouflet après son échec aux municipales de Barcelone en 2019. Sa nomination a fait bondir son ancien adversaire Stéphane Vojetta, lui rappelant ironiquement que « la péninsule ibérique n’est pas considérée comme faisant partie de l’outre-mer ».
Des défaites en cascade
Le cas Valls est loin d’être isolé dans ce gouvernement Bayrou. Patrick Mignola, nommé ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement, avait lui aussi connu l’échec en 2022 en Savoie face à l’Insoumis Jean-François Coulomme. Une défaite d’un cheveu, avec seulement 600 voix d’écart.
Amélie de Montchalin retrouve elle le Budget, un mois seulement après avoir dû quitter le gouvernement suite à sa défaite en 2022 dans l’Essonne. Son successeur au Budget, Laurent Saint-Martin, défait la même année dans le Val-de-Marne, hérite quant à lui du Commerce extérieur et des Français de l’étranger.
Enfin, Patricia Mirallès redevient ministre déléguée chargée de la Mémoire et des Anciens combattants alors qu’elle n’a pas réussi à se faire réélire dans l’Hérault lors des législatives anticipées de 2024. Arrivée 3e au premier tour, elle s’était retirée au profit du candidat de la majorité présidentielle pour faire barrage au RN.
Un gouvernement de combat
Pour François Bayrou, la défaite de ces ministrables ne doit pas effacer leurs qualités ni leur expérience. Selon une source proche de Matignon, le chef du gouvernement a voulu s’entourer de « personnalités de combat, rompues aux joutes parlementaires et déterminées à porter les réformes promises par le Président ».
Un choix assumé donc, mais qui ne manquera pas de susciter des remous à l’Assemblée nationale où la majorité est plus que jamais suspendue à un fil. Les députés de l’opposition y voient déjà une forme de « déni démocratique » et promettent de mener la vie dure à ces ministres « rescapés ».
Les premières passes d’armes auront lieu dès la semaine prochaine avec la déclaration de politique générale du gouvernement, qui s’annonce d’ores et déjà électrique. François Bayrou joue gros avec ce casting controversé. En cas de vote de défiance, il pourrait lui aussi rejoindre la cohorte des ministres battus.