Ils ont beau avoir prêté serment il y a deux mois, les ministres du gouvernement Barnier restent de parfaits inconnus pour une majorité de Français. C’est ce que révèle un sondage Odoxa-Backbone pour Le Figaro qui met en lumière la faible notoriété de la nouvelle équipe gouvernementale, à l’exception de quelques figures.
64% des personnes interrogées affirment n’avoir jamais entendu parler d’aucun des dix-neuf ministres de plein exercice. Un chiffre qui contraste avec la relative popularité du Premier ministre lui-même, Michel Barnier, identifié par près des deux tiers des Français. Une situation inquiétante pour un exécutif déjà fragilisé par sa faible assise à l’Assemblée nationale.
Seules quelques figures tirent leur épingle du jeu
Dans cette galaxie de ministres méconnus, seuls quelques-uns parviennent à émerger dans l’opinion. C’est le cas de Bruno Retailleau, ministre de l’Économie, et de Rachida Dati, Garde des Sceaux, qui peuvent se prévaloir d’une réelle notoriété. Un avantage sans doute lié à leur parcours politique antérieur.
Mais pour le reste du gouvernement, c’est le grand flou. « À part Retailleau, c’est “nobodyland XXL” », ironise un député socialiste. Même au sein de la classe politique, beaucoup peinent encore à mettre un visage sur chaque portefeuille ministériel.
Un manque d’ancrage inquiétant
Pour un gouvernement, ne pas être identifié est toujours un mauvais signal. Cela traduit un manque d’ancrage et une difficulté à incarner son action. Une carence d’autant plus problématique que l’équipe Barnier doit composer avec une situation parlementaire compliquée.
Si le gouvernement est censuré, je ne pleurerai pas sur leur sort. Ils n’arrivent pas à entraîner le Parlement derrière eux.
D’après une source proche de l’opposition
Face aux menaces de motion de censure brandies par certains opposants, à l’image de Marine Le Pen, le spectre d’un gouvernement éphémère n’est pas à exclure. Si une telle hypothèse se confirmait, la plupart des ministres risqueraient de retomber rapidement dans l’oubli.
Le défi de s’imposer dans l’opinion
Pour éviter ce scénario, l’exécutif va devoir relever le défi de s’imposer dans l’opinion. Cela passera par une meilleure communication sur son action et ses priorités, mais aussi par une incarnation plus forte de la part des ministres.
Car comme le souligne un proche de Matignon, « on ne peut pas gouverner efficacement en restant des illustres inconnus ». Les membres du gouvernement vont donc devoir sortir de l’ombre et affirmer leur personnalité politique s’ils veulent espérer rester en place.
Un enjeu crucial pour Michel Barnier qui, malgré sa stature d’homme d’État, ne pourra pas à lui seul porter tout le poids de l’exécutif sur ses épaules. Le Premier ministre va devoir s’appuyer sur une équipe soudée et reconnue s’il veut réussir son pari de rassembler les Français autour de son action.
Une classe politique en recomposition
Au-delà du cas spécifique du gouvernement actuel, cette situation reflète aussi les évolutions profondes que connaît la vie politique française. Avec l’effondrement des partis traditionnels et l’émergence de nouveaux mouvements, le paysage s’est fragmenté, rendant plus difficile l’émergence de personnalités consensuelles.
Dans ce contexte, les ministres ne peuvent plus compter uniquement sur leur étiquette partisane pour exister. Ils doivent construire leur légitimité par leur action et leur capacité à incarner un projet. Un défi de taille alors que le temps politique s’est accéléré et que la parole publique s’est démultipliée avec les réseaux sociaux.
L’inconnu, une chance à saisir ?
Pourtant, certains y voient aussi une opportunité. Pour un conseiller ministériel, « partir de zéro peut être un atout, cela permet d’écrire sa propre histoire sans être prisonnier du passé ». Une façon de rappeler que la notoriété n’est pas tout en politique et que l’essentiel reste de convaincre par son action.
C’est tout l’enjeu des prochains mois pour le gouvernement Barnier : transformer l’essai de sa nomination en réussissant le pari de l’efficacité et de la proximité. Un challenge qui passera par un travail de terrain et une présence accrue dans le débat public. Car comme le résume un député de la majorité, « il faut que les Français mettent enfin des visages sur notre action ».
Reste à savoir si les ministres sauront saisir cette chance et s’imposer durablement dans un paysage politique en pleine recomposition. L’avenir du gouvernement Barnier en dépend largement.