C’est une sanction d’une ampleur inédite dans l’histoire du numérique. D’après des informations révélées par le journal économique russe RBK, la Russie a infligé à Google une amende record s’élevant à un montant vertigineux… avec pas moins de 36 zéros ! En cause : le blocage par la firme américaine de plus de 200 chaînes YouTube, accusées par Moscou de relayer la “propagande” du Kremlin.
Un bras de fer russo-américain sur fond de guerre en Ukraine
Ce nouvel épisode marque une escalade dans les tensions déjà vives entre la Russie et les géants technologiques occidentaux, sur fond de conflit en Ukraine. Depuis le début de l’offensive russe en février 2022, YouTube, propriété de Google, a progressivement restreint l’accès à de nombreux médias et personnalités proches du pouvoir russe, les considérant comme des relais de désinformation.
Une décision vécue comme une forme de “censure” et de “russophobie” par le Kremlin, qui n’a eu de cesse de dénoncer l'”hégémonie” des plateformes numériques américaines. En juillet dernier, Moscou avait déjà sommé Google de débloquer plus de 200 chaînes YouTube sanctionnées, suscitant même des manifestations devant l’ambassade américaine.
Une amende astronomique mais “symbolique”
Avec cette amende à 36 chiffres, dont le montant exact n’a pas été divulgué, les autorités russes entendent frapper un grand coup. Comme l’explique une source proche du dossier, “le tribunal oblige Google à restaurer l’accès, et tant qu’elle ne le fera pas, la pénalité augmentera chaque jour”. Un moyen de pression maximal sur la firme de Mountain View.
Pourtant, même le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a reconnu le caractère avant tout “symbolique” de cette somme astronomique. “Même pour les profanes, il est évident que Google ne paiera pas l’amende fixée par le tribunal russe”, a réagi un juriste cité par l’agence Ria-Novosti. L’objectif est surtout de marquer les esprits et d’envoyer un message fort.
La souveraineté numérique, cheval de bataille de Moscou
Au-delà de l’aspect financier, c’est bien une bataille de principe et d’influence qui se joue. Pour Moscou, il s’agit de réaffirmer sa souveraineté dans l’espace numérique face aux géants du web, perçus comme des outils de la domination américaine. Comme l’a martelé Dmitri Peskov, “Google ne doit pas restreindre les activités de nos médias”.
Une ligne rouge pour le pouvoir russe, qui a considérablement durci sa législation et son contrôle d’Internet ces dernières années. Si Facebook et Instagram sont désormais inaccessibles en Russie sans VPN, YouTube reste pour l’instant épargné. Mais les rumeurs d’un blocage pur et simple refont régulièrement surface.
Les géants du web doivent comprendre qu’ils ne peuvent pas s’affranchir impunément des lois des pays où ils opèrent.
Un haut responsable russe cité par RBK
Vers une fragmentation de l’Internet mondial ?
Cette offensive judiciaire russe contre Google illustre la bataille géopolitique à l’œuvre autour de la gouvernance du numérique. De plus en plus de pays cherchent à affirmer leur souveraineté face aux mastodontes de la Silicon Valley, quitte à promouvoir un cloisonnement accru du cyberespace.
Outre la Russie, la Chine a déjà largement déconnecté son écosystème numérique du reste du monde. D’autres puissances émergentes comme l’Inde développent aussi des réglementations plus strictes et contraignantes vis-à-vis des plateformes étrangères. Autant de signaux d’une fragmentation croissante d’Internet.
Face à ces menaces, les géants de la tech naviguent en eaux troubles, tiraillés entre le respect des libertés d’expression et la nécessité de se plier aux diktats des États. Dans cette partie d’échecs planétaire, l’affaire Google-Russie pourrait marquer un tournant. Le début d’un grand découplage numérique ?