En Italie, un pays où les gouvernements éphémères sont presque une tradition, une figure politique émerge avec une longévité rare. Depuis trois ans, Giorgia Meloni, première femme à occuper le poste de Première ministre, défie les pronostics en consolidant son pouvoir. À la tête de Fratelli d’Italia, un parti aux racines post-fascistes, elle a su transformer une victoire électorale de 2022 en une gouvernance stable, dans un contexte où l’opposition reste désunie et les crises politiques semblent contenues. Comment cette leader ultraconservatrice parvient-elle à maintenir son emprise sur un pays habitué au chaos politique ?
Une Ascension Politique Hors Norme
Giorgia Meloni, élue en septembre 2022 avec 26 % des voix, a marqué l’histoire en devenant la première femme à diriger le gouvernement italien. Son parti, Fratelli d’Italia, issu d’une mouvance ultraconservatrice, s’est imposé comme une force incontournable dans un paysage politique fragmenté. Contrairement à ses prédécesseurs, souvent balayés par des coalitions instables, Meloni a su capitaliser sur une opposition divisée, notamment entre le Parti Démocrate et le Mouvement 5 étoiles, pour asseoir son autorité.
Dans les ruelles animées de Garbatella, le quartier populaire de Rome où elle a grandi, les avis divergent. Pour certains, comme Martina, 36 ans, Meloni incarne une figure forte, capable de tenir tête aux leaders mondiaux. « Elle a du cran, même face aux autres chefs d’État », confie-t-elle. D’autres, comme Maria, 68 ans, restent sceptiques : « Elle est intelligente, mais qu’a-t-elle vraiment accompli ? »
« C’est une personne sérieuse », affirme Giulia, médecin de 31 ans, lors d’un meeting à Florence.
Une Stabilité Inattendue
Dans un pays où les gouvernements tombent en moyenne tous les 18 mois, la longévité de Meloni est un exploit. Son secret ? Une coalition solide avec la Ligue de Matteo Salvini et Forza Italia, mais aussi une absence de scandales majeurs. Selon Lorenzo Pregliasco, analyste chez YouTrend, « elle n’a pas essuyé de dérapages significatifs », ce qui lui permet de conserver une image de leader fiable.
Sur le plan électoral, Fratelli d’Italia maintient une popularité enviable, oscillant autour de 30 % dans les sondages récents, un score supérieur à celui de 2022. Les élections régionales récentes confirment cette dynamique, montrant un soutien constant à sa coalition. Mais cette stabilité repose aussi sur un constat : l’opposition n’offre pas d’alternative crédible. « Je ne vois personne capable de la remplacer », admet Maria, résumant un sentiment partagé par beaucoup.
Une Diplomatie Offensive
Sur la scène internationale, Giorgia Meloni a su redonner à l’Italie une visibilité qu’elle n’avait pas connue depuis des décennies. En cultivant des relations avec des figures comme Donald Trump, elle s’est imposée comme une actrice incontournable. Lors d’un sommet sur Gaza en Égypte, Trump l’a qualifiée de « belle jeune femme », soulignant leur proximité. Sur son réseau Truth Social, il a vanté son « travail incroyable » pour l’Italie.
« Giorgia Meloni a fait de l’Italie un État important », déclare Camilla, militante de 35 ans.
De l’Ukraine à la bande de Gaza, Meloni s’invite à toutes les grandes négociations. Elle critique régulièrement le rôle de « partenaire mineur » attribué à l’Italie par le passé, notamment sous les gouvernements de gauche. Pour elle, l’Italie n’est plus « la roue de secours » de la France ou de l’Allemagne, mais une nation de premier plan. Cette posture séduit une partie de l’électorat, qui voit en elle une garante de la souveraineté italienne.
Économie : Des Résultats Mitigés
Sur le plan économique, Meloni se félicite de plusieurs succès. Lors d’un meeting à Florence, elle a rappelé que « la valeur de la Bourse a doublé » et que les obligations d’État italiennes sont désormais très prisées. Ces indicateurs, selon elle, témoignent d’une gestion rigoureuse. Pourtant, les défis persistent. Le système de santé publique, en crise, et le pouvoir d’achat, principale préoccupation des Italiens, restent des points faibles.
| Indicateur | Situation sous Meloni |
|---|---|
| Valeur de la Bourse | A doublé depuis 2022 |
| Obligations d’État | Rendement compétitif |
| Pouvoir d’achat | Préoccupation majeure |
| Santé publique | Système en difficulté |
Face à une population vieillissante et une natalité en baisse, le gouvernement a dû ajuster sa politique migratoire. Malgré un discours ferme sur l’immigration clandestine, Meloni a augmenté le nombre de visas de travail pour les non-Européens, répondant ainsi à la pénurie de main-d’œuvre. Cette décision, pragmatique, montre sa capacité à naviguer entre ses promesses électorales et les réalités économiques.
Un Positionnement Controversé
Si Meloni évite les controverses majeures, son positionnement ultraconservateur ne fait pas l’unanimité. Les récentes manifestations pro-palestiniennes, rassemblant des centaines de milliers d’Italiens, ont dénoncé l’inaction de son gouvernement face au conflit israélo-palestinien. « Si elle n’est pas d’accord avec ces manifestations, c’est qu’elle est fasciste », lance Mirella, 62 ans, depuis Garbatella. Pourtant, ces critiques n’ont pas entamé sa popularité.
Sur les questions sociales, Meloni adopte une ligne dure. Son opposition au salaire minimum et la réduction des prestations sociales ont suscité des critiques, notamment dans un contexte où les Italiens se préoccupent avant tout de leur pouvoir d’achat. Lucrezia, 58 ans, ironise : « Elle porte de magnifiques boucles d’oreille, mais les impôts et les services publics, eux, ne s’améliorent pas. »
Un Leadership qui Divise mais Persiste
Giorgia Meloni incarne un paradoxe. Adulée par certains pour son charisme et sa fermeté, critiquée par d’autres pour son conservatisme, elle parvient à maintenir un équilibre précaire. Son activisme diplomatique et sa gestion économique, bien que critiquée, lui permettent de conserver une base électorale fidèle. Comme le note Pregliasco, « même ceux qui n’aiment pas Meloni ne voient pas d’alternative claire ».
Sa capacité à éviter les erreurs fatales, combinée à une opposition fragmentée, fait d’elle une figure incontournable. Dans un pays où la stabilité politique est une rareté, Meloni s’impose comme une anomalie, une leader qui, trois ans après son arrivée au pouvoir, continue de surprendre. Reste à savoir si cette longévité résistera aux défis à venir, notamment sur le front social et économique.
Récapitulatif des forces de Meloni :
- Coalition gouvernementale solide
- Diplomatie offensive et visibilité internationale
- Popularité stable autour de 30 %
- Absence de scandales majeurs
En somme, Giorgia Meloni redéfinit les codes de la politique italienne. Sa longévité, dans un pays où les gouvernements s’effondrent rapidement, témoigne d’une stratégie habile. Mais les défis sociaux et économiques, ainsi que les tensions internationales, pourraient mettre à l’épreuve ce leadership. Pour l’heure, elle reste une figure centrale, à la croisée des chemins entre admiration et controverse.
