Qui aurait pu prédire un tel revirement ? Giorgia Meloni, la fougueuse leader de Fratelli d’Italia, connue pour ses positions radicales et ses promesses tonitruantes, semble avoir rangé au placard ses habits de populiste intransigeante. Depuis son accession au pouvoir fin 2022, la première femme à diriger un gouvernement italien a dû composer avec les réalités économiques et géopolitiques auxquelles est confrontée la Botte.
Une campagne aux accents populistes
Pendant la campagne éclair qui a précédé les élections anticipées de septembre 2022, Giorgia Meloni n’a pas lésiné sur les promesses. Baisse d’impôts généralisée, aides massives face à l’inflation, retraite à 60 ans… Un programme chiffré à près de 10% du PIB italien par les économistes. Le tout saupoudré de déclarations eurosceptiques et de références appuyées aux heures sombres du fascisme transalpin.
Une rhétorique qui a porté ses fruits dans les urnes, Fratelli d’Italia arrivant largement en tête. Mais elle a aussi fait trembler les marchés, avec un spread entre les taux italiens et allemands atteignant 242 points au lendemain du scrutin. Les investisseurs s’inquiétaient du niveau déjà élevé de la dette publique italienne, à 150% du PIB.
Le choc de la réalité
Une fois aux manettes du pays, Giorgia Meloni a vite compris que l’heure n’était plus aux envolées populistes mais au réalisme budgétaire. « Ce pays ayant assez de dettes pour en rajouter », a-t-elle déclaré peu après sa nomination. Exit donc les promesses les plus coûteuses de son programme.
Sous la pression des marchés, Meloni a repris l’essentiel des engagements budgétaires de son prédécesseur Mario Draghi.
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Ce pragmatisme a rassuré Bruxelles et les investisseurs. Le spread italien est revenu autour des 160 points, un niveau plus conforme à la moyenne historique. Et la Botte a pu bénéficier de la manne du plan de relance européen post-Covid, auquel Meloni s’était pourtant initialement opposée.
L’art du compromis à l’italienne
Autre concession de Giorgia Meloni : la mise en sourdine de sa proximité avec certains dirigeants ultra-conservateurs comme le hongrois Viktor Orban. Sur l’Ukraine, elle a aligné son gouvernement sur la position européenne de soutien à Kiev, malgré les réticences de ses alliés Berlusconi et Salvini.
Meloni a aussi dû tempérer son discours anti-migrants, se heurtant aux réalités de la démographie italienne vieillissante et aux besoins de main d’œuvre. Là encore, le compromis a prévalu sur l’idéologie.
Une inflexion durable ?
Bien sûr, Giorgia Meloni n’a pas renié toutes ses convictions souverainistes. Elle a maintenu un certain niveau de conflictualité avec l’UE sur des thèmes comme l’agroalimentaire ou l’industrie automobile. Et en politique intérieure, son gouvernement conserve une tonalité identitaire et sécuritaire marquée.
Mais globalement, la métamorphose est spectaculaire. De la rhétorique post-fasciste aux arbitrages budgétaires, l’apprentissage du pouvoir a été brutal pour Giorgia Meloni. Il démontre, s’il en était besoin, que les contraintes de l’exercice gouvernemental laissent rarement intacts les slogans simplistes des campagnes populistes. Une leçon dont certaines formations de droite radicale européennes pourraient s’inspirer.