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Gilet jaune éborgné : un policier renvoyé devant la justice criminelle

En novembre 2019, Manuel C. perd son œil suite à un tir de grenade lors d'une manifestation des Gilets jaunes. Aujourd'hui, le policier responsable est renvoyé aux assises. Une décision rare qui marque un tournant dans la prise en compte des violences policières. Mais le combat est loin d'être terminé pour les victimes qui réclament justice...

C’est une première depuis le début du mouvement des Gilets jaunes. Un policier accusé d’avoir éborgné un manifestant avec une grenade lacrymogène en novembre 2019 à Paris sera jugé aux assises. Une décision rare qui pourrait faire jurisprudence dans la prise en compte des violences policières.

Un tir “ne respectant pas les règles” en pleine manifestation

Selon des sources proches du dossier, le fonctionnaire est reproché d’avoir “volontairement effectué un tir ne respectant pas le règlement en vigueur”, blessant grièvement Manuel C., 41 ans à l’époque. La scène, filmée, montre la victime discutant calmement à l’écart des affrontements quand il est violemment heurté à l’œil gauche par une grenade.

Un tir tendu n’avait pas sa place, Manuel C. n’exerçant aucune voie de fait envers les forces de l’ordre et étant en retrait des manifestants violents.

Ordonnance de la juge d’instruction

Malgré les dénégations du mis en cause, la juge estime les faits caractérisés et ordonne son renvoi devant la cour criminelle, passible de lourdes peines. Une “poursuite criminelle” saluée par l’avocat du Gilet jaune mutilé comme “un soulagement” et une reconnaissance du caractère disproportionné et illégal du tir.

Des violences policières controversées

Depuis 2018, le maintien de l’ordre lors des manifestations des Gilets jaunes a été très critiqué pour sa brutalité, avec de nombreux blessés graves du fait de l’usage intensif d’armes dites “de force intermédiaire” comme les grenades ou les LBD40.

  • Plus de 2500 manifestants blessés, dont une centaine gravement
  • 24 éborgnés et 5 mains arrachées selon un décompte militant
  • Des pratiques contraires aux règles selon des experts de l’ONU

Malgré des dizaines de plaintes, les procédures judiciaires visant des membres des forces de l’ordre pour violences restent rares. Les autorités évoquent des “contextes d’extrême violence” liés à des “casseurs infiltrés” pour justifier fermeté et accidents.

Un procès symbolique et des questions en suspens

Au-delà du cas individuel, ce procès d’un policier aux assises est perçu comme le symbole d’un début de reconnaissance judiciaire des dérives dans la gestion des foules. La qualification criminelle retenue, une première, montre une volonté de sanctionner lourdement certains abus, là où prévalait jusqu’ici une large impunité.

Mais pour de nombreux Gilets jaunes blessés et militants, le chemin reste long avant une véritable remise en cause de la doctrine du maintien de l’ordre. Ils dénoncent l’absence de remise en cause globale et d’enquête indépendante sur les responsabilités de la hiérarchie policière et du pouvoir politique dans la multiplication des “bavures”.

Ce procès crucial sera donc suivi de près. Au-delà du sort d’un fonctionnaire, il en va de la crédibilité de la justice face aux violences illégitimes de l’État. Et du droit fondamental de manifester sans risquer sa vie. Une exigence démocratique que les Gilets jaunes auront, par leurs souffrances, contribué à remettre au centre du débat.

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