ActualitésInternational

Ghana Town, Village Gambien sans Citoyenneté pour ses Habitants

Né sur le sol gambien mais considéré comme étranger, Paul Techy et les habitants de Ghana Town luttent pour une reconnaissance. Sans papiers ni du Ghana ni de Gambie, ils...

Imaginez naître et grandir dans un village, le seul que vous ayez jamais connu, sans pour autant en être reconnu citoyen. C’est la réalité de Paul Techy et de nombreux habitants de Ghana Town, singulière enclave ghanéenne sur les côtes gambiennes. Descendants de migrants ghanéens installés ici il y a des décennies, ils vivent aujourd’hui dans les limbes de la reconnaissance, dépourvus de papiers tant du Ghana que de la Gambie.

Une communauté en quête d’identité

Fondé à la fin des années 1950 par des pêcheurs ghanéens en quête d’eaux poissonneuses, Ghana Town compte aujourd’hui environ 2000 âmes. Bien que nés sur le sol gambien, beaucoup se heurtent à une citoyenneté refusée. « Nous nous considérons comme Gambiens, mais les Gambiens ne nous considèrent pas comme tels, » déplore Paul Techy, 46 ans. « Ils disent que si vous êtes Ghanéen né en Gambie, vous restez un étranger. »

Pourtant, la Constitution gambienne accorde la nationalité aux personnes nées sur le territoire d’au moins un parent gambien. Mais sans procédure établie, difficile pour les gens de Ghana Town de faire valoir ce droit. Résultat : privés de papiers, ils peinent à accéder à l’éducation, aux soins et à l’emploi déclaré.

Sous la menace de l’apatridie

S’ils ne sont pas formellement apatrides, c’est uniquement par l’absence de procédure en ce sens en Gambie, précise l’agence de l’ONU pour les réfugiés (UNHCR). Car être dépourvu de papiers n’équivaut certes pas à l’apatridie, mais place les habitants de Ghana Town sous sa menace, comme des millions d’autres à travers le monde.

Rendez-vous compte, depuis l’indépendance, on nous considère encore comme des étrangers.

Kobina Ekaum, premier chef du village de Ghana Town

La Gambie s’engage contre l’apatridie

Consciente du problème, la Gambie, qui a ratifié deux conventions de l’ONU sur le sujet, s’est engagée dans la lutte contre l’apatridie. En novembre dernier, une délégation gouvernementale s’est rendue à Ghana Town pour évaluer la situation. Omar T. Camara, représentant du gouvernement, envisage une réforme législative pour permettre aux habitants d’obtenir la nationalité gambienne.

Un espoir pour la jeunesse du village, à l’image de Gideon Money, 20 ans. Malgré une bourse d’études en Inde, ce brillant élève n’a pu partir faute de papiers. « Mes camarades sont partis car ils sont considérés comme Gambiens, » raconte-t-il amer. « Quand je suis allé aux services d’immigration, on m’a dit que j’étais un Ghanéen de Ghana Town. »

L’apatridie, fléau aux multiples visages

L’ONU estimait en novembre dernier à près d’un million le nombre d’apatrides en Afrique, plus de 930 000 rien qu’en Afrique de l’Ouest. Marginalisés, vulnérables aux abus, leurs causes sont multiples : discriminations, lacunes législatives, défauts d’état-civil, conflits…

A Ghana Town, en plus d’entraver l’accès à l’emploi, l’absence de papiers se traduit par des permis de résidence au tarif prohibitif et des soins plus onéreux que pour les Gambiens. Installé enfant à la fin des années 1950, Kobina Ekaum, 79 ans, est dépité : « Rendez-vous compte, depuis l’indépendance, on nous considère encore comme des étrangers. »

Une situation intenable, transmise de génération en génération, que les habitants de Ghana Town espèrent voir changer. Avec la mobilisation des autorités gambiennes et le soutien de la communauté internationale, le village entrevoit une lueur d’espoir. Celle qu’un jour, enfin, on reconnaisse à ses enfants le droit d’être des citoyens à part entière de la terre qui les a vus naître.

Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.