Le Ghana est au cœur d’une vive polémique suite à l’adoption en février dernier par son Parlement d’un projet de loi anti-LGBT+ particulièrement répressif. Malgré les nombreuses critiques émanant notamment des pays occidentaux, la plus haute juridiction du pays vient de rejeter deux recours qui s’opposaient à ce texte controversé, lui donnant ainsi son feu vert.
Une loi qui restreint drastiquement les droits LGBT+
Le projet de loi ghanéen sobrement intitulé « sur les droits sexuels et les valeurs familiales » prévoit des peines allant jusqu’à 3 ans de prison pour les relations homosexuelles et de 3 à 5 ans pour « la promotion, le parrainage ou le soutien intentionnel d’activités LGBT+ ». Dans ce pays d’Afrique de l’Ouest très conservateur et religieux, les relations entre personnes de même sexe étaient déjà illégales en vertu d’une loi datant de l’époque coloniale, mais aucune poursuite n’avait jusqu’ici été engagée sur cette base.
L’adoption de ce projet de loi marque donc une nouvelle étape dans la restriction des droits de la communauté LGBT+ au Ghana. D’après une source proche du dossier, le texte pourrait entrer en vigueur très prochainement, dès sa ratification par le président Nana Akufo-Addo.
Un président qui tarde à se prononcer
Ce dernier, qui quittera officiellement ses fonctions le 7 janvier après deux mandats, avait déclaré peu après le vote du Parlement qu’il attendrait la décision de la Cour Suprême sur la constitutionnalité de la loi avant de décider ou non de la promulguer. Un atermoiement qui en dit long sur le caractère sensible de ce dossier, y compris au plus haut sommet de l’État.
Des milliards de dollars d’aide en jeu
Au-delà des questions de droits humains, c’est l’avenir économique du Ghana qui pourrait se jouer autour de cette loi. Selon les informations du ministère des Finances, le pays risque de perdre près de 3,8 milliards de dollars de financement de la Banque mondiale en raison de ce texte qui suscite l’inquiétude des bailleurs de fonds internationaux. Une perte colossale pour ce pays d’Afrique de l’Ouest qui traverse l’une des pires crises économiques de son histoire et bénéficie d’un programme de prêt de 3 milliards de dollars du FMI pour tenter d’en sortir.
La Cour Suprême rejette les recours
C’est dans ce contexte que la Cour Suprême, plus haute juridiction du pays, a examiné deux recours déposés contre le projet de loi anti-LGBT+. Le premier, porté par le journaliste Richard Dela-Sky, contestait la constitutionnalité du texte. Le second, présenté par la chercheuse universitaire Amanda Odoi, visait à empêcher le président du Parlement, le procureur général et le greffier d’envoyer la loi au président pour approbation.
Mais les sept juges de la Cour Suprême en ont décidé autrement. « Il n’y a pas d’acte que la Cour Suprême puisse annuler en vertu de sa compétence » a déclaré Avril Lovelace-Johnson qui présidait cette instance. Une décision sans appel qui ouvre la voie à une promulgation rapide de la loi par le président Akufo-Addo.
Une décision qui suscite l’indignation
Sans surprise, ce feu vert de la justice ghanéenne à un texte jugé liberticide par de nombreuses organisations de défense des droits humains a suscité de vives réactions à travers le monde :
- Plusieurs pays occidentaux, en tête desquels les États-Unis et des membres de l’Union Européenne, ont vivement critiqué la décision.
- De nombreuses ONG internationales de défense des droits LGBT+ ont dénoncé un texte d’un autre âge et appelé le pouvoir ghanéen à revenir sur cette loi.
- Au Ghana même, si une majorité de la population semble soutenir le projet gouvernemental, des voix discordantes se sont élevées pour contester une loi jugée discriminatoire et contraire aux engagements internationaux du pays.
Reste désormais à savoir si ces critiques seront suffisantes pour faire plier le président Akufo-Addo et le convaincre de ne pas promulguer ce texte comme il en a la possibilité. Quoi qu’il arrive, cette polémique aura mis en lumière la persistance de l’homophobie et des discriminations envers la communauté LGBT+ au Ghana et plus largement en Afrique, et la nécessité de poursuivre le combat pour l’égalité des droits sur ce continent.
En attendant, c’est toute une communauté LGBT+ ghanéenne qui vit dans la peur de subir une répression accrue, dans un pays où le poids des traditions et de la religion reste prégnant. Un dossier plus que jamais brûlant, à suivre dans les tout prochains jours.