L’Espagne est sous le choc après les inondations dévastatrices qui ont ravagé le sud-est du pays la semaine dernière, faisant plus de 200 morts et des dégâts considérables. Mais au-delà du drame humain, c’est la gestion chaotique de la crise par les autorités qui attise aujourd’hui la colère de la population.
Explosion de rage sans précédent contre les dirigeants
Dimanche, une scène surréaliste s’est produite à Paiporta, une ville durement touchée de la banlieue de Valence. Le roi Felipe VI, la reine Letizia, le Premier ministre Pedro Sánchez et le président régional Carlos Mazón ont été accueillis aux cris d'”Assassins !” par une foule en colère. Conspués et visés par des jets de boue, les dirigeants ont dû écourter précipitamment leur visite sous les huées. Un rejet violent qui en dit long sur l’exaspération de la population.
Les gens sont furieux parce qu’il y a l’impression que l’État est incapable de résoudre leurs problèmes. Il y a eu une grande consternation face à la gestion erratique de cette crise.
Pablo Simón, politologue
Des villes dévastées laissées à l’abandon
Une semaine après le drame, de nombreuses localités restent sinistrées, sans eau ni électricité, les rues encore encombrées de débris. Les habitants se sentent abandonnés par des autorités dépassées et incapables de coordonner les secours.
Face à la paralysie des pouvoirs publics, c’est une véritable armée de volontaires qui s’est mobilisée pour venir en aide aux sinistrés, participant activement aux opérations de nettoyage et à la distribution de vivres. Un élan de solidarité qui contraste avec l’impuissance des autorités.
Le roi, seul rempart face à la défiance
Dans cette crise, seul le roi Felipe VI semble tirer son épingle du jeu. Malgré les invectives, il a tenu à poursuivre sa visite, allant à la rencontre de la population meurtrie. Une attitude saluée par la presse qui y voit le dernier rempart face à la défiance envers la classe politique.
Les souverains n’ont pas de pouvoir de gestion, ils ont une activité essentiellement symbolique et représentative, ce qui leur permet de se placer au-dessus de la mêlée politique.
Pablo Simón, politologue
Profondes fractures politiques exposées au grand jour
Au-delà de la crise, ces événements mettent en lumière la profonde polarisation de la classe politique espagnole. Incapables de s’unir face au drame, le gouvernement central de Pedro Sánchez et l’exécutif régional de Carlos Mazón se renvoient la responsabilité des ratés, attisant les tensions.
Le manque de coordination entre l’État central et la région autonome a eu pour conséquence que l’aide n’est pas arrivée à certains endroits au moment où les gens en avaient besoin, ce qui a accentué le malaise de la population locale.
Paloma Román, politologue
Pour de nombreux observateurs, ces dissensions reflètent les profondes lignes de fracture qui minent le pays, entre un gouvernement de gauche et des régions aux mains de la droite. Des clivages politiques qui prennent le pas sur l’urgence humanitaire.
Un électrochoc pour la classe politique ?
Si l’heure est encore au deuil et à la solidarité envers les victimes, de nombreuses voix s’élèvent déjà pour réclamer des comptes aux autorités. Cette crise sans précédent agira-t-elle comme un électrochoc salutaire pour une classe politique déconnectée ? L’avenir le dira.
Une chose est sûre : la colère qui gronde aujourd’hui est le symptôme d’une Espagne meurtrie et divisée, qui peine à panser ses plaies. Face à l’ampleur de la tâche, le chemin de la reconstruction s’annonce long et périlleux, tant sur le plan matériel que politique.