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La scène politique géorgienne est sous haute tension. Jeudi, le nouveau Parlement a renouvelé sa confiance envers le Premier ministre Irakli Kobakhidzé, en poste depuis février, lors d’un vote pour le moins particulier. En effet, les députés de l’opposition ont purement et simplement boycotté ce scrutin. Ils dénoncent avec véhémence les résultats des élections législatives qui se sont tenues fin octobre. Depuis lundi, ces élus pro-occidentaux refusent de siéger au sein de l’assemblée nouvellement élue. Ils accusent le parti au pouvoir, le Rêve géorgien, de dérive autoritaire et de collusion avec la Russie. Une grave crise politique et institutionnelle semble se profiler à l’horizon. La présidente Salomé Zourabichvili, pourtant issue du Rêve géorgien, a pris ses distances avec le gouvernement. Elle a qualifié d’« inconstitutionnel » le nouveau Parlement, dans l’attente d’une réponse de la Cour constitutionnelle à sa demande d’annulation des résultats du 26 octobre. Mais le parti au pouvoir depuis 2012 semble faire fi de l’opposition de la cheffe de l’État, seule habilitée selon la Constitution à convoquer la première session parlementaire. Les élus du Rêve géorgien ont ainsi voté à l’unanimité jeudi le maintien d’Irakli Kobakhidzé au poste de Premier ministre, malgré le boycott de l’opposition. Or, d’après des spécialistes du droit constitutionnel, tout vote effectué par le nouveau Parlement ne peut avoir de valeur officielle tant que la requête de Mme Zourabichvili auprès de la Cour constitutionnelle n’a pas été examinée. D’un point de vue juridique, un chef de gouvernement approuvé par un Parlement illégitime est tout aussi illégitime. Vakhtang Khmaladzé, un des auteurs de la Constitution géorgienne Ce dernier estime que « les institutions démocratiques ayant disparu, l’État géorgien est confronté à une crise existentielle ». Un constat d’une extrême gravité. Jeudi, le Parlement européen a adopté une résolution, certes non contraignante, pour que « de nouvelles élections soient organisées dans un délai d’un an sous supervision internationale et que des sanctions soient imposées aux hauts responsables géorgiens, y compris à M. Kobakhidzé ». La nomination de ce dernier en février avait d’ailleurs suscité l’inquiétude de plusieurs chancelleries occidentales. Il reprochait en effet à l’UE et aux États-Unis d’entraîner la Géorgie dans la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Face aux députés jeudi, Irakli Kobakhidzé a présenté son programme qui mentionne une volonté d’adhérer à l’Union européenne d’ici 2030, mais à condition d’obtenir de l’UE qu’« elle respecte nos intérêts nationaux et nos valeurs traditionnelles ». Ancien professeur de droit à Tbilissi âgé de 46 ans, M. Kobakhidzé avait déjà présidé le Parlement géorgien entre 2016 et 2019. Il est considéré comme un fidèle du milliardaire Bidzina Ivanichvili, fondateur du Rêve géorgien et accusé par ses détracteurs de tirer les ficelles de la politique nationale. La Géorgie semble s’engager dans une période de fortes turbulences politiques. D’un côté, un parti au pouvoir bien décidé à conserver les rênes du pays, quitte à passer outre les garde-fous institutionnels. De l’autre, une opposition vent debout contre ce qu’elle considère comme un hold-up électoral et un virage autoritaire dangereux. La présidente, pourtant issue de la même famille politique que le gouvernement, tente de jouer les arbitres en portant le contentieux devant la justice. Mais le Rêve géorgien semble faire peu de cas de ces mises en garde et veut imposer son agenda coûte que coûte. L’opposition saura-t-elle maintenir son unité et sa mobilisation dans la durée ? Le pouvoir cédera-t-il à la pression de la rue et des partenaires occidentaux en acceptant un nouveau scrutin ? Réponse dans les prochaines semaines, qui s’annoncent décisives pour l’avenir démocratique de ce pays du Caucase.La présidente demande l’annulation des législatives
Un passage en force contesté
L’UE demande de nouvelles élections
Le Premier ministre se veut rassurant
Vers un bras de fer politique