En Géorgie, la contestation citoyenne en faveur d’un rapprochement avec l’Union européenne ne montre aucun signe d’essoufflement, et ce malgré les tensions croissantes avec les forces de l’ordre. C’est ce qu’a affirmé avec force la présidente géorgienne Salomé Zourabichvili, figure pro-occidentale en rupture avec le gouvernement actuellement au pouvoir.
Pour la quatrième nuit consécutive, les rues de la capitale Tbilissi et d’autres villes du pays ont été le théâtre de rassemblements massifs, avec des dizaines de milliers de manifestants brandissant le drapeau européen. Un choix symbolique fort, la volonté d’intégrer l’UE étant inscrite noir sur blanc dans la Constitution géorgienne.
Un mouvement citoyen déterminé face à la répression
Mais la mobilisation ne se fait pas sans heurts. Dans la nuit de dimanche à lundi, la situation s’est particulièrement tendue aux abords du Parlement à Tbilissi. Des manifestants ont visé l’édifice avec des feux d’artifice, provoquant des cris de joie dans la foule à chaque impact sur les vitres brisées.
La réponse policière ne s’est pas fait attendre, avec l’utilisation de canons à eau et de gaz lacrymogènes pour disperser les protestataires, dont certains lançaient divers projectiles en direction des forces de l’ordre. Selon un bilan du ministère de l’Intérieur, 21 policiers ont été blessés, parfois grièvement, et 224 personnes interpellées depuis le début du mouvement la semaine dernière.
Malgré cette répression, les manifestants restent déterminés. « Ils sont énervés, ils nous battent, ils nous arrosent, mais on s’en fout », témoigne Lika, une jeune protestataire de 18 ans. L’objectif est clair : défendre coûte que coûte le choix européen de la Géorgie face à ce qu’ils perçoivent comme une dérive autoritaire et prorusse du gouvernement.
Un gouvernement contesté, accusé de connivence avec Moscou
Car c’est bien le parti au pouvoir, le Rêve géorgien, qui cristallise la colère populaire. Depuis son arrivée aux responsabilités en 2012, il est accusé par ses opposants d’opérer un recul démocratique et de jouer un jeu trouble avec la Russie voisine. Un traumatisme encore vif pour ce pays du Caucase, envahi par Moscou en 2008 et amputé de deux régions séparatistes pro-russes, l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud.
Le déclencheur de cette nouvelle vague de contestation? La décision du Rêve géorgien de repousser à 2028 toute négociation d’adhésion à l’UE. Un renoncement vécu comme une véritable trahison par une large part de la population, qui scande des slogans hostiles au grand voisin russe lors des manifestations. « C’est un gouvernement prorusse et ils doivent partir », martèle Alexandre Diasamidzé, un manifestant de 32 ans.
Une crise politique sur fond de soupçons de fraude électorale
Cette colère s’inscrit dans un contexte de crise politique plus large, le parti au pouvoir étant soupçonné d’avoir « volé » les élections législatives d’octobre dernier. Des allégations de fraudes relayées par l’opposition, mais aussi par la présidente Zourabichvili elle-même, au point que l’UE a demandé l’ouverture d’une enquête. Face à cela, le Premier ministre Irakli Kobakhidzé a catégoriquement exclu l’organisation d’un nouveau scrutin.
Une fin de non-recevoir qui pousse la présidente à durcir le ton. Elle a ainsi annoncé son refus de quitter ses fonctions comme prévu à la fin de l’année, tant que de nouvelles élections n’auront pas eu lieu. Un acte fort pour cette figure pro-occidentale, même si ses pouvoirs restent très limités face à l’exécutif.
Le recul démocratique pointé du doigt par l’UE
Le mouvement a reçu le soutien appuyé de plusieurs pays occidentaux, ainsi que de Bruxelles. La nouvelle cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, a ainsi dénoncé la « violence » des autorités face aux manifestants, martelant que « le gouvernement géorgien doit respecter la volonté du peuple ».
Une prise de position qui fait écho au gel du processus d’adhésion de la Géorgie à l’UE. Si le pays a officiellement obtenu le statut de candidat en juin 2023, les négociations sont depuis au point mort, Bruxelles accusant l’exécutif géorgien d’opérer un grave recul démocratique.
Face à cette pression internationale, le gouvernement géorgien semble pour l’heure camper sur ses positions. Mais avec une contestation qui ne faiblit pas et une société civile plus mobilisée que jamais sur la voie européenne, le Rêve géorgien pourrait bien être contraint de revoir ses plans. L’avenir démocratique et géopolitique du pays est plus que jamais en jeu.