Dans les ruelles pavées de Tbilissi, l’air est lourd d’attente. Ce samedi 4 octobre 2025, les Géorgiens se rendent aux urnes pour des élections locales, mais le scrutin dépasse largement le simple renouvellement des élus. C’est un véritable bras de fer entre un pouvoir accusé de dérive autoritaire et une opposition déterminée à reprendre la main, au risque d’une répression brutale. Alors que les tensions montent, une question brûle les lèvres : la Géorgie est-elle à l’aube d’un tournant démocratique ou d’un chaos politique ?
Une Élection sous Haute Tension
Les élections locales de ce week-end ne sont pas un simple rendez-vous électoral. Elles surviennent dans un contexte explosif, marqué par une crise politique qui secoue la Géorgie depuis les législatives controversées d’octobre 2024. Ces dernières, entachées d’accusations de fraude, ont plongé le pays dans une contestation populaire durement réprimée. Aujourd’hui, le scrutin local est perçu comme un test décisif pour le parti au pouvoir, Rêve géorgien, et une opportunité pour l’opposition de galvaniser ses soutiens.
Le parti Rêve géorgien, dirigé dans l’ombre par le milliardaire Bidzina Ivanishvili, domine la scène politique depuis 2012. Mais ses récentes dérives, marquées par des lois répressives et un rapprochement supposé avec Moscou, ont attisé la colère d’une partie de la population. Face à lui, une opposition fragmentée mais déterminée appelle à un sursaut citoyen.
L’Opposition en Ordre Dispersé
L’opposition géorgienne, bien que soutenue par 54 % des citoyens selon un récent sondage, peine à parler d’une seule voix. Certains partis, comme le Mouvement national uni (MNU), dirigé par l’ancien président Mikheïl Saakachvili, boycottent les élections locales. Leur stratégie ? Mobiliser la population dans la rue pour défier le pouvoir en place.
« Descendons dans les rues le 4 octobre et tenons bon jusqu’au bout. La liberté, c’est maintenant ou jamais ! »
Mikheïl Saakachvili, ancien président de la Géorgie
Emprisonné depuis 2021, Saakachvili reste une figure influente, bien que controversée. Son appel à manifester résonne comme un cri de ralliement pour ceux qui voient dans ce scrutin une « dernière chance » de sauver la démocratie géorgienne. D’autres formations, comme Lelo ou For Georgia, choisissent de participer au vote, espérant grappiller des sièges pour affaiblir le pouvoir.
Cette division au sein de l’opposition pourrait-elle compromettre ses chances de succès ? Les Géorgiens, partagés entre espoir et résignation, observent avec anxiété.
Un Pouvoir Accusé de Dérive Autoritaire
Depuis son arrivée au pouvoir, Rêve géorgien s’est imposé comme un acteur incontournable, promettant initialement des réformes libérales. Mais les dernières années ont révélé un visage plus sombre. Des lois comme celle sur les « agents étrangers », critiquée par l’Union européenne, et des mesures anti-LGBT ont renforcé les accusations de rapprochement avec la Russie. Ces décisions ont également conduit à la suspension du processus d’adhésion de la Géorgie à l’UE, un coup dur pour un pays historiquement tourné vers l’Occident.
Le Premier ministre Irakli Kobakhidzé ne mâche pas ses mots face à la contestation. Promettant une réponse « sévère » en cas de débordements, il a qualifié les appels à manifester de « visées révolutionnaires » vouées à l’échec. Cette rhétorique musclée inquiète les organisations de défense des droits humains, qui rapportent une soixantaine d’arrestations depuis un an, touchant aussi bien des leaders politiques que des journalistes ou des militants.
La Rue, Dernier Bastion de la Résistance ?
Dans ce climat tendu, la société civile tente de s’organiser. Paata Burchuladzé, célèbre chanteur d’opéra, incarne cet élan. Il a appelé à une « assemblée nationale » devant le Parlement à Tbilissi, une initiative présentée comme un moyen pacifique de reprendre le contrôle face à Rêve géorgien. Mais le Premier ministre a déjà promis que cette « révolution » échouera, menaçant les participants de prison.
Dans les rues de la capitale, les sentiments sont partagés. Pour Levan Baramidzé, un architecte de 31 ans, manifester est un devoir : « Rêve géorgien détruit notre démocratie et notre avenir européen. Ils doivent partir. » Mais d’autres, comme Guliko Archvadzé, une institutrice de 50 ans, expriment un profond désespoir : « Cela fait des mois qu’on manifeste par dizaines de milliers, et rien n’a changé. »
- Crainte de la répression : Les menaces du gouvernement dissuadent certains citoyens de descendre dans la rue.
- Division de l’opposition : Le boycott d’une partie des partis affaiblit la cohésion du mouvement.
- Enjeu européen : La suspension de l’adhésion à l’UE galvanise les pro-occidentaux.
Un Pays à la Croisée des Chemins
La Géorgie, coincée entre la Turquie et la Russie, se trouve à un carrefour historique. Longtemps perçue comme un modèle de réformes pro-occidentales sous Mikheïl Saakachvili, elle semble aujourd’hui s’éloigner de cet idéal. La montée des tensions avec Moscou, exacerbée par la guerre en Ukraine, a accentué les divisions internes. Pour beaucoup, l’avenir du pays se joue autant dans les urnes que dans la rue.
Un sondage récent montre que Rêve géorgien conserve une base solide, avec environ 36 % de soutien. Mais la popularité de l’opposition, bien que majoritaire, est fragilisée par ses dissensions internes. Cette fracture pourrait profiter au pouvoir, qui mise sur la « stabilité » pour asseoir son autorité.
Quel Avenir pour la Démocratie Géorgienne ?
Alors que les bureaux de vote ouvrent leurs portes, l’incertitude plane. Les manifestations prévues pourraient-elles changer la donne ? Ou le pouvoir, fort de son emprise, parviendra-t-il à étouffer la contestation ? Pour les observateurs, l’enjeu dépasse les frontières géorgiennes : une victoire de Rêve géorgien pourrait renforcer l’influence russe dans le Caucase, tandis qu’un sursaut populaire raviverait l’espoir d’un retour vers l’Europe.
« Faute d’une démonstration de force, le désespoir total s’installera, et l’Occident finira par nous abandonner. »
Mikheïl Saakachvili
Les prochaines heures seront cruciales. La Géorgie, tiraillée entre ses aspirations européennes et les pressions autoritaires, retient son souffle. Les résultats du scrutin, mais surtout l’ampleur des manifestations, pourraient redessiner le paysage politique du pays pour les années à venir.
La Géorgie choisira-t-elle la liberté ou la résignation ? Le monde observe.