Georges Abdallah, militant libanais emprisonné en France depuis près de 40 ans, vient de voir s’ouvrir les portes de sa cellule. Condamné à la perpétuité en 1987 pour complicité dans l’assassinat de deux diplomates, cet homme au parcours singulier n’a eu de cesse de clamer son statut de “combattant” et non de “criminel”. Une libération qui suscite débats et controverses.
De l’engagement politique à la lutte armée
Né en 1951 dans le nord du Liban, Georges Abdallah s’engage très jeune dans le militantisme politique. À 15 ans, il rejoint les rangs du Parti populaire syrien, qui prône une “Grande Syrie” englobant Liban et Palestine. Son engagement se radicalise après l’invasion israélienne du Liban en 1978, le poussant à intégrer le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), mouvement communiste et anti-impérialiste.
Avec ses frères et cousins, l’instituteur fonde ensuite les Fractions armées révolutionnaires libanaises (FARL), groupuscule marxiste pro-syrien et anti-israélien. Les FARL revendiquent cinq attentats, dont quatre mortels, en France entre 1981 et 1982. Abdallah tisse aussi des liens avec d’autres mouvements radicaux à travers le monde, d’Action directe aux Brigades rouges italiennes.
Une arrestation rocambolesque
C’est dans des circonstances inédites que Georges Abdallah est appréhendé, en octobre 1984. Muni d’un passeport algérien, il se présente dans un commissariat lyonnais, affirmant être poursuivi par des agents du Mossad. Mais les autorités percent vite à jour sa véritable identité. Dans l’un de ses appartements parisiens, un arsenal comprenant armes et matériel de communication est découvert.
Combattant ou terroriste ?
Jugé et condamné en 1987, Georges Abdallah a toujours clamé son innocence, se définissant comme un “combattant arabe” et non un criminel. “L’itinéraire que j’ai suivi a été commandé par les atteintes aux droits de l’Homme perpétrées contre la Palestine“, martelait-il devant les juges. Mais pour l’accusation, pas de doute : l’homme se conduisait “comme le terroriste militant qu’il disait ne pas être“.
40 ans de combat derrière les barreaux
Au fil des décennies d’incarcération, le sort de Georges Abdallah a ému et mobilisé militants de gauche, dénonçant l’acharnement des autorités et le qualifiant de “prisonnier politique“. Devenu l’un des plus anciens détenus de France, il n’a jamais renié ses convictions, restant, selon son avocat, “un militant, sur ses positions, qui lit beaucoup et se tient très au courant de ce qui se passe au Moyen-Orient“.
Georges Ibrahim Abdallah est victime d’une justice d’Etat qui fait honte à la France.
Annie Ernaux, prix Nobel 2022 de littérature
Une libération qui divise
Si des voix, y compris parmi ses anciens opposants, estiment aujourd’hui que Georges Abdallah pourrait être libéré, sa remise en liberté ne fait pas l’unanimité. Pour les uns, il demeure un “terroriste dogmatique” ne méritant aucune clémence. Pour les autres, il est devenu au fil des ans un “intellectuel réfléchi“, dont le maintien en détention constitue une injustice.
Au terme de ce long combat judiciaire, c’est un homme vieilli mais toujours droit dans ses bottes qui s’apprête à retrouver la liberté. Un épilogue qui ne manquera pas de susciter encore débats et polémiques, tant le parcours de Georges Abdallah cristallise les passions et les clivages. Entre engagement révolutionnaire et accusation de terrorisme, son histoire reste celle d’un destin hors norme qui aura traversé plus de quatre décennies.