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Génocide au Rwanda : Décision en appel sur l’enquête de l’armée française à Bisesero

La justice française rendra son verdict mercredi concernant l'inaction de l'armée lors du génocide rwandais de 1994. Les juges se prononceront sur un éventuel non-lieu dans cette affaire qui...

Ce mercredi 10 décembre 2024, la cour d’appel de Paris rendra une décision très attendue dans l’enquête sur le rôle controversé de l’armée française lors du génocide rwandais de 1994. Plus précisément, les magistrats se prononceront sur le non-lieu général prononcé en octobre 2023 concernant l’inaction reprochée aux militaires français pendant les massacres de Bisesero.

Pour rappel, plusieurs associations et rescapés Tutsi, parties civiles dans ce dossier, accusent l’opération Turquoise et la France de « complicité de génocide ». Selon eux, les forces françaises auraient sciemment abandonné pendant trois jours, du 27 au 30 juin 1994, des centaines de civils Tutsi réfugiés dans les collines de Bisesero, les laissant à la merci des génocidaires Hutu qui ont perpétré un massacre.

Un premier non-lieu controversé

En septembre 2022, les juges d’instruction du pôle crimes contre l’humanité du tribunal judiciaire de Paris avaient une première fois prononcé un non-lieu pour les cinq militaires visés, estimant qu’ils n’avaient jamais été mis en examen. Une décision qui avait suscité l’incompréhension et la colère des parties civiles.

L’enquête avait finalement été rouverte pour des raisons procédurales, en lien avec la publication quelques mois plus tôt du rapport de la commission Duclert. Ce dernier pointait « l’échec profond » de la France lors des événements de Bisesero.

Le parquet général favorable au non-lieu

Lors de l’audience en appel mi-septembre 2023, le parquet général avait de nouveau requis la confirmation du non-lieu, au grand dam des parties civiles. Me Eric Plouvier, avocat de l’association Survie, avait alors déclaré qu’un tel dénouement laisserait « le goût amer du déni de justice ». Il a d’ores et déjà annoncé qu’un pourvoi en cassation serait « inéluctablement formé » si la chambre de l’instruction venait à confirmer la décision des premiers juges.

Au minimum, les investigations doivent se poursuivre. Il n’est pas bon qu’une décision de justice laisse le goût amer du déni de justice.

Me Eric Plouvier, avocat de l’association Survie

800 000 morts en 3 mois

Pour mémoire, le génocide au Rwanda, déclenché après la mort du président Habyarimana le 6 avril 1994, a fait plus de 800 000 morts selon l’ONU, essentiellement au sein de la minorité Tutsi. Et ce en seulement 3 mois, d’avril à juillet 1994, avant que le Front patriotique rwandais (FPR) de Paul Kagame ne prenne le contrôle du pays.

Le rôle de la France et de son armée pendant cette période noire reste sujet à débat et polémiques. L’opération Turquoise, une mission militaro-humanitaire controversée, est particulièrement dans le viseur. De nombreuses zones d’ombre demeurent et les plaies sont encore loin d’être refermées, comme en témoigne cette procédure judiciaire qui dure depuis des années.

Requêtes déjà rejetées au civil

Parallèlement à la procédure pénale, des recours ont été initiés au civil pour tenter de faire condamner l’État français, là aussi pour complicité de génocide. Mais en novembre dernier, le tribunal administratif de Paris s’est déclaré incompétent pour juger de telles requêtes portées par des victimes.

Autant de décisions de justice qui suscitent la déception et l’incompréhension des rescapés et des associations qui les soutiennent. Ils ont le sentiment que la France cherche à minimiser, voire à nier, ses responsabilités dans ce drame qui a marqué l’Histoire.

La décision très attendue de ce 10 décembre 2024 sera donc scrutée avec attention. Au-delà des implications judiciaires, elle revêt une forte portée symbolique et mémorielle. Même si la vérité et la reconnaissance semblent encore loin, chaque étape compte pour les victimes et leurs familles.

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