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Gaza : Malnutrition Maternelle Menace des Milliers de Bébés

À Gaza, une mère sur trois est aujourd’hui malnutrie. Conséquence directe : le nombre de bébés nés avec moins de 2,5 kg a doublé en quelques mois et la mortalité néonatale explose de 75 %. Derrière ces chiffres, des nouveau-nés luttent pour respirer… Que se passe-t-il vraiment dans les maternités ?

Imaginez une mère qui n’a plus rien à manger depuis des jours et qui, malgré tout, donne naissance à un bébé si petit qu’il tient dans la paume d’une main. À Gaza, cette scène n’est plus un cas isolé : elle devient la norme. Les chiffres publiés récemment par l’Unicef glacent le sang et révèlent l’ampleur d’une catastrophe sanitaire qui se joue en silence.

Une génération marquée dès le premier souffle

Avant octobre 2023, environ 5 % des nouveau-nés à Gaza pesaient moins de 2,5 kg à la naissance. Un chiffre déjà préoccupant, mais classique dans de nombreux contextes fragiles. Au premier semestre 2025, ce taux a purement et simplement doublé : 10 % des bébés naissent désormais avec un faible poids, soit environ 300 par mois malgré la baisse globale des naissances.

Ces enfants fragiles arrivent dans un monde où les couveuses manquent, où l’électricité est rationnée et où les médicaments essentiels peinent à franchir les points de passage. Leur chance de survie chute brutalement.

Des mères qui se privent jusqu’à l’épuisement

La cause principale est connue : la malnutrition aiguë des femmes enceintes et allaitantes. Entre juillet et septembre 2025, près de 38 % des femmes suivies présentaient ce diagnostic alarmant. En octobre, plus de 8 300 d’entre elles ont dû être prises en charge en urgence, soit 270 par jour.

Beaucoup de ces mères sautent des repas entiers pour donner la maigre ration familiale à leurs aînés. Elles boivent moins, mangent moins, parfois rien pendant plusieurs jours. Leur corps, déjà épuisé, puise alors dans ses dernières réserves pour faire grandir le fœtus. Le résultat est implacable : bébés prématurés ou trop petits, systèmes immunitaires fragiles, organes sous-développés.

« J’ai vu des nouveau-nés pesant à peine un kilogramme, leur poitrine se soulevant avec un effort déchirant pour simplement respirer »

Tess Ingram, porte-parole Unicef à Gaza

Les trois facteurs qui aggravent tout

L’insuffisance pondérale à la naissance résulte presque toujours de la combinaison de trois éléments :

  • Une alimentation maternelle insuffisante ou déséquilibrée
  • Un stress chronique intense
  • L’absence ou l’insuffisance de suivi médical prénatal

À Gaza, ces trois facteurs sont réunis avec une violence rare. Les bombardements, les déplacements forcés, la peur permanente pèsent sur chaque grossesse. Les cliniques mobiles sont débordées, les échographies impossibles à réaliser faute de carburant pour les générateurs, les compléments vitaminiques bloqués aux frontières.

Une mortalité néonatale qui explose

Le premier jour de vie est devenu le plus dangereux. Entre juillet et septembre 2025, 47 bébés sont morts en moyenne chaque mois le jour de leur naissance, contre 27 par mois en 2022. C’est une augmentation de 75 % en à peine trois ans.

Un nourrisson de faible poids a vingt fois plus de risques de décéder qu’un bébé né à terme et en bonne santé. Dans les services de réanimation néonatale, les médecins doivent parfois choisir quel enfant brancher sur la dernière couveuse fonctionnelle.

Chiffres clés de la crise (2022 → 2025)

Bébés de faible poids5 % → 10 %
Cas mensuels250 → 300 (malgré moins de naissances)
Mortalité jour 127 → 47 par mois (+75 %)
Femmes malnutries suivies0 → 38 %
Prises en charge octobre8 300 femmes

Des soins bloqués aux portes de Gaza

L’Unicef pointe directement les entraves à l’entrée de matériel médical vital. Certains produits indispensables aux unités de soins intensifs néonatals sont refusés ou retenus pendant des semaines. Les incubateurs, les solutions de nutrition parentérale, les antibiotiques spécifiques arrivent au compte-gouttes, quand ils arrivent.

Le point de passage de Rafah, porte d’entrée principale pour l’aide égyptienne, reste désespérément fermé ou limité. Chaque jour de blocage supplémentaire condamne un peu plus les mères et leurs bébés.

Des conséquences qui dureront des décennies

Ceux qui survivent ne seront pas forcément sauvés. Un faible poids de naissance augmente fortement le risque de retard de croissance, de troubles neuro-développementaux, de maladies chroniques à l’âge adulte : diabète, hypertension, troubles cognitifs. Toute une génération porte déjà les stigmates invisibles de cette crise.

Les pédiatres parlent d’un « retard de développement irréversible » pour une partie de ces enfants. Les mères, elles, culpabilisent de ne pas avoir pu offrir à leur bébé les neuf mois de sérénité et de nourriture dont il avait besoin.

Un appel qui reste lettre morte

Pourtant les solutions existent. Ouvrir largement les passages humanitaires, autoriser l’entrée massive de compléments nutritionnels spécifiques pour femmes enceintes, rétablir l’électricité dans les hôpitaux, protéger les maternités : autant de mesures simples qui sauveraient des milliers de vies immédiatement.

Mais pour l’instant, dans les couloirs des hôpitaux de Gaza, on continue d’entendre le souffle fragile de bébés qui luttent pour leur premier jour. Et chaque statistique cache un prénom, une mère épuisée, un père impuissant.

Cette crise n’est pas une fatalité. Elle est le résultat direct de choix politiques et logistiques. Et tant que ces choix ne changeront pas, le nombre de petits corps trop légers continuera d’augmenter dans les bras des sages-femmes débordées de Gaza.

Derrière les chiffres, il y a des milliers d’histoires qui commencent à peine et qui mériteraient un tout autre départ dans la vie.

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