Imaginez un convoi de camions, chargé de nourriture et d’eau, roulant lentement sur une route poussiéreuse, entouré par une foule en attente. Depuis le 10 octobre, date d’un fragile cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, plus de 1.127 camions ont franchi les frontières de Gaza, transportant 12.135 tonnes d’aide humanitaire. Pourtant, ce flux, bien que vital, reste une goutte d’eau face à l’immense besoin. La situation à Gaza, qualifiée de catastrophique par l’Organisation mondiale de la santé, soulève une question brûlante : pourquoi l’aide, même augmentée, ne suffit-elle pas ?
Une Trêve Fragile, des Besoins Immenses
Depuis l’entrée en vigueur de la trêve, les chiffres parlent d’eux-mêmes : 1.011 tonnes d’aide par jour en moyenne, soit environ 94 camions. C’est un progrès par rapport aux 724 tonnes quotidiennes enregistrées avant le 10 octobre, mais cela reste dérisoire face aux ambitions du plan soutenu par les États-Unis, qui vise 600 camions par jour. Ce décalage met en lumière une réalité brutale : malgré les efforts, l’aide humanitaire reste insuffisante pour répondre aux besoins criants d’une population épuisée par des mois de conflit.
Le mécanisme UN2720, mis en place par l’ONU pour suivre les livraisons depuis mai, offre un aperçu précis de la situation. Basé sur des vérifications aux points de passage et à l’intérieur de Gaza, il ne comptabilise pas les apports commerciaux ni ceux de certaines organisations privées, comme une fondation controversée soutenue par des acteurs internationaux. Ce système, bien que rigoureux, révèle des failles : une partie de l’aide est interceptée, parfois par des habitants affamés, parfois par des groupes armés.
« La situation reste catastrophique », a déclaré le directeur général de l’OMS, soulignant l’urgence d’une action plus robuste.
Nourriture : Une Priorité Vitale
La nourriture représente plus de 93 % de l’aide acheminée, dont 1,7 % de produits nutritionnels spécialisés, essentiels pour les enfants et les femmes enceintes. Depuis la déclaration d’une famine dans plusieurs zones de Gaza fin août – une affirmation contestée par certains acteurs –, environ 1.000 tonnes de produits nutritionnels ont été envoyées. Le Programme alimentaire mondial (PAM), qui assure près de 70 % des livraisons, estime que les quantités actuelles permettent de nourrir un demi-million de personnes pendant deux semaines. Mais avec seulement 850 tonnes par jour, l’objectif de 2.000 tonnes quotidiennes reste hors de portée.
Chiffres clés de l’aide alimentaire :
- 93 % de l’aide est de la nourriture.
- 1.000 tonnes de produits nutritionnels envoyés depuis août.
- Objectif du PAM : 2.000 tonnes par jour, contre 850 tonnes actuellement.
Outre la nourriture, l’aide inclut de l’eau, des produits sanitaires, des fournitures médicales et du carburant solide, comme des granulés de bois pour cuisiner. Mais même ces ressources vitales peinent à atteindre leur destination, souvent détournées avant d’arriver aux plus démunis.
Carburant : Un Enjeu Sous-Estimer
Le carburant, indispensable pour faire fonctionner les infrastructures humanitaires, est un autre point critique. Depuis la trêve, 164.000 litres de carburant entrent quotidiennement à Gaza, contre 68.000 litres avant. Pourtant, l’ONU estime que 270.000 litres par jour sont nécessaires pour répondre aux besoins. Ce déficit entrave la distribution de l’aide et aggrave les conditions de vie, dans un territoire où l’accès à l’énergie est déjà précaire.
| Période | Carburant (litres/jour) | Objectif ONU (litres/jour) |
|---|---|---|
| Avant trêve | 68.000 | 270.000 |
| Depuis trêve | 164.000 | 270.000 |
Ce manque de carburant ralentit les opérations humanitaires, des hôpitaux aux centres de distribution. Sans énergie, même les stocks d’aide prêts à être distribués – 190.000 tonnes selon l’ONU – restent bloqués, en attente d’autorisations ou de moyens logistiques.
Les Obstacles à l’Acheminement
Pourquoi l’aide, bien que présente, n’atteint-elle pas toujours les plus vulnérables ? Les obstacles sont multiples. D’une part, les autorisations nécessaires pour faire entrer les convois à Gaza sont souvent retardées. D’autre part, une fois sur place, l’aide est parfois interceptée, soit par des habitants désespérés, soit par des groupes armés. Le 16 octobre, jour record avec 206 camions, montre qu’un effort accru est possible, mais il reste exceptionnel.
« Nous parlons de dizaines de camions, alors qu’il en faudrait des centaines », a déploré le chef des opérations humanitaires de l’ONU.
À ce rythme, il faudrait plus de six mois pour écouler les 190.000 tonnes d’aide en attente. Ce délai, inacceptable face à l’urgence, met en lumière un système sous tension, où chaque jour compte pour des millions de personnes.
Une Crise Humanitaire aux Multiples Facettes
La crise à Gaza ne se limite pas à un manque de nourriture ou de carburant. Elle englobe des besoins sanitaires, médicaux et logistiques. Les produits sanitaires, essentiels pour maintenir des conditions de vie dignes, sont en quantités limitées. Les fournitures médicales, vitales pour les blessés et les malades, peinent à répondre à la demande dans un territoire où les infrastructures de santé sont dévastées.
Composition de l’aide (10-21 octobre) :
- Nourriture : 93 % (dont 1,7 % de produits spécialisés).
- Eau : Quantités limitées, mais vitales.
- Produits sanitaires : En faible proportion.
- Fournitures médicales : Insuffisantes face aux besoins.
- Carburant solide : Granulés de bois pour cuisiner.
Chaque catégorie d’aide répond à un besoin spécifique, mais leur distribution inégale aggrave les inégalités. Les enfants, les femmes enceintes et les personnes âgées, particulièrement vulnérables, souffrent le plus de ces carences.
Vers une Solution Durable ?
Face à cette situation, les appels à l’action se multiplient. L’ONU et ses partenaires plaident pour une augmentation massive des livraisons, mais aussi pour une meilleure coordination. Simplifier les autorisations, sécuriser les convois et garantir l’accès aux zones les plus touchées sont des priorités. Pourtant, les défis logistiques et politiques restent immenses.
La trêve, bien que porteuse d’espoir, n’a pas encore transformé la réalité sur le terrain. Les 1,9 million de personnes dépendantes de l’aide à Gaza attendent des solutions concrètes. Chaque camion qui entre est une lueur d’espoir, mais sans une accélération significative, la crise risque de s’aggraver.
Alors que les regards du monde se tournent vers Gaza, une question demeure : combien de temps faudra-t-il pour que l’aide promise devienne une réalité tangible pour ceux qui en ont le plus besoin ? La réponse dépendra des efforts collectifs, de la volonté politique et de la capacité à surmonter les obstacles. Pour l’heure, les camions continuent d’arriver, mais le chemin vers une véritable amélioration reste long.









