Imaginez un pays où les richesses coulent à flots sous la terre, mais où les routes restent des pistes boueuses, les hôpitaux des mirages et l’électricité un luxe aléatoire. Bienvenue au Gabon, ce petit État d’Afrique centrale qui, malgré ses décennies de manne pétrolière, jongle aujourd’hui entre espoirs de renouveau et réalités brutales. Alors que les réserves d’or noir s’amenuisent et que la dette explose, une question brûle les lèvres : ce pays peut-il vraiment tourner la page d’une économie qui a trop longtemps vécu au jour le jour ?
Le Pétrole, une Richesse qui S’évapore
Le Gabon a longtemps cru que le pétrole serait son ticket éternel pour la prospérité. Avec des gisements découverts dès les années 1950, le pays a vu ses revenus grimper, mais pas son niveau de vie. Aujourd’hui, la production s’effrite, passant de 500 000 barils par jour dans les années 90 à seulement 250 000 en 2025, d’après les estimations du FMI. Pendant ce temps, la population a doublé, et la pauvreté s’est installée durablement.
Ce déclin n’est pas une surprise. Les experts alertent depuis des années sur l’épuisement pétrolier, mais les gouvernements successifs ont préféré fermer les yeux. Résultat ? Une économie qui repose encore largement sur une ressource en voie de disparition, et des caisses vides pour imaginer un avenir différent.
Une Dette qui Étrangle les Ambitions
Si le pétrole s’épuise, la dette, elle, ne fait que croître. En 2023, elle atteignait 72,1 % du PIB, puis 73,3 % en 2024, avec une projection flirtant avec les 80 % pour 2025. Ces chiffres, froids et implacables, racontent une histoire de mauvaise gestion et d’opportunités manquées. D’après une source proche du ministère des Finances, entre 2010 et 2023, près de 27 milliards d’euros ont été engloutis dans des budgets d’investissement… sans résultats tangibles.
« On ne voit pas de routes, pas d’hôpitaux, pas d’écoles. Tout cet argent s’est évaporé. »
– Un haut responsable du Budget
Le paradoxe est criant : un pays riche en ressources naturelles comme le manganèse ou l’uranium, en plus du pétrole, se retrouve aujourd’hui à quémander des prêts pour survivre. Et avec la chute récente des cours pétroliers, liée à des tensions commerciales internationales, la situation ne risque pas de s’améliorer.
Infrastructures : le Mirage d’un Développement
Parlez d’infrastructures au Gabon, et vous entendrez des rires amers. Sur les 10 000 km de routes promises par les autorités, seuls 2 000 sont praticables. Une voie ferrée unique, reliant les zones minières à la capitale, menace de dérailler à chaque voyage, ses rails rongés par le temps et l’humidité de la forêt équatoriale. Quant au réseau électrique, il vacille, incapable de suivre une demande énergétique qui a doublé en quinze ans.
« Aucun investissement majeur n’a été réalisé depuis vingt ans », déplore un cadre de la société publique en charge de l’électricité. Les pannes à répétition alimentent la grogne populaire, tandis que l’administration, pléthorique, semble incapable de transformer les plans en réalités.
- Routes : 80 % impraticables malgré les annonces.
- Chemin de fer : une ligne vétuste, vestige des années 70.
- Électricité : des coupures qui paralysent le quotidien.
Transition Politique : un Nouveau Départ ?
Depuis le coup d’État de 2023, qui a mis fin à des décennies de pouvoir d’une même dynastie, le Gabon vit une période de bouleversements. Le nouvel homme fort du pays, un général ambitieux, promet monts et merveilles : des infrastructures modernes, une économie diversifiée, et même « l’essor vers la félicité ». Mais ces paroles rassurantes peinent à masquer une réalité plus sombre.
Les grands chantiers lancés sous son impulsion s’enlisent, faute de suivi et de fonds. « On a perdu en efficacité à cause d’un manque de rigueur », admet un vice-premier ministre lors d’un séminaire récent. Pourtant, l’endettement s’accélère, comme si emprunter était la seule solution pour maintenir l’illusion d’un progrès.
Sortir de l’Économie de Rente : un Défi Colossal
« Eliminer le gaspillage » et « sortir de l’économie de rente » sont devenus des slogans à la mode dans les couloirs des ministères. Mais derrière ces mots, le chemin est semé d’embûches. Pendant des décennies, le Gabon a vécu de ses ressources sans jamais bâtir une économie durable. Aujourd’hui, il faut tout repenser, et vite.
« On avait tout pour réussir, mais on a cru que ça durerait toujours », confie un ministre lors d’une interview télévisée. Cette mentalité a laissé des traces : un tiers de la population sous le seuil de pauvreté, un chômage des jeunes frôlant les 40 %, et une dépendance aux importations qui fragilise encore plus le pays.
Indicateur | 1996 | 2025 |
Production pétrolière | 500 000 barils/j | 250 000 barils/j |
Population | 1,11 million | 2,3 millions |
Revenu par habitant | Élevé | Divisé par deux |
Un Virage Écologique Possible ?
Face à ce sombre tableau, une lueur d’espoir émerge : l’écologie. Le Gabon, avec ses vastes forêts équatoriales, est vu comme un champion potentiel des initiatives de neutralité carbone. Les experts internationaux suggèrent de miser sur les crédits carbone pour renflouer les caisses, tout en réduisant les dépenses publiques et en élargissant l’assiette fiscale.
Mais là encore, le défi est immense. Passer d’une économie extractive à un modèle vert demande des investissements massifs et une volonté politique sans faille. Or, pour l’instant, les priorités semblent ailleurs, entre promesses électorales et projets pharaoniques.
La Population au Bord du Gouffre
Pendant que les élites débattent, le peuple souffre. Plus d’un Gabonais sur trois vit dans la pauvreté, et un sur dix manque de nourriture. Dans les zones rurales, le chômage des jeunes dépasse les 60 %, poussant beaucoup à quitter leurs villages pour un avenir incertain dans les villes.
« Un pays pétrolier ne meurt pas de faim », martèle le chef de l’État lors de ses tournées. Mais ces mots sonnent creux pour ceux qui voient leur quotidien se dégrader. La confiance en l’avenir s’effrite, et avec elle, la patience d’une population lassée des promesses non tenues.
Et Maintenant ?
Le Gabon est à la croisée des chemins. L’épuisement du pétrole force un changement radical, mais les vieilles habitudes ont la peau dure. Entre une dette écrasante, des infrastructures en ruines et une population désabusée, le pays doit trouver un moyen de se réinventer. Les solutions existent – diversification, écologie, rigueur budgétaire – mais encore faut-il les mettre en œuvre.
« On ne change pas tout du jour au lendemain », tempère une représentante des Nations Unies. Peut-être, mais le temps presse. Car si le Gabon rate ce tournant, l’or noir ne sera plus qu’un souvenir, et la crise, une réalité bien plus dure à affronter.
Un pays riche en ressources, mais pauvre en vision : le Gabon peut-il enfin écrire une nouvelle page de son histoire ?