Imaginez un pays où un coup d’État militaire promet une transition éclair vers la démocratie, mais où les ombres du passé dynastique planent encore. C’est le Gabon en ce début de printemps 2025, à l’aube d’une élection présidentielle décisive prévue pour le 12 avril. Après 18 mois de gouvernance par un général putschiste, la campagne électorale s’ouvre officiellement ce samedi, dans un climat où ambitions personnelles et espoirs collectifs se télescopent. Mais derrière les discours et les promesses, une question brûle les lèvres : cette élection marquera-t-elle vraiment une rupture ou un simple prolongement masqué de l’ancien régime ?
Un Scrutin Sous Haute Surveillance
Le Gabon, ce petit pays d’Afrique centrale riche en pétrole, se prépare à un moment historique. Le 30 août 2023, un coup d’État a mis fin à plus de cinq décennies de domination d’une même famille politique, renversant un président dont le nom reste dans toutes les mémoires. Aujourd’hui, 18 mois plus tard, les Gabonais sont appelés à choisir leur avenir. Huit candidats se disputent le fauteuil présidentiel, mais deux figures dominent les débats : un général ayant troqué son uniforme pour un costume de candidat, et un ancien Premier ministre décidé à incarner le renouveau.
Le Général Putschiste en Campagne
À la tête du pays depuis le putsch, le chef militaire a multiplié les initiatives pour se poser en homme du peuple. Routes inaugurées, chantiers lancés, messes suivies avec ferveur : ses derniers mois au pouvoir ont été marqués par une présence accrue sur le terrain. Sa compagne n’est pas en reste, animant des rassemblements féminins d’ampleur, comme celui organisé mi-mars. Soutenu par une plateforme baptisée le Rassemblement des bâtisseurs, ce candidat s’appuie sur un réseau dense d’associations et de mouvements citoyens pour asseoir sa légitimité.
Sa parole, d’ordinaire discrète, s’est faite plus audible récemment. Une interview accordée à un média international cette semaine a marqué les esprits, signe d’une stratégie médiatique bien rodée. Dès samedi, il lancera sa campagne avec un grand meeting dans la capitale, Libreville. Mais son passé de fidèle à l’ancien régime suscite des doutes : est-il vraiment le visage d’un renouveau ou une continuité déguisée ?
L’Opposant et la Promesse d’une Rupture
Face à lui, un ancien haut responsable de l’ère déchue se dresse en adversaire de poids. Cet ex-Premier ministre ne mâche pas ses mots : il accuse son rival d’être une extension du système qu’il prétend combattre. Lors d’une conférence de presse tenue mercredi, il a dévoilé ses ambitions : un virage libéral pour l’économie, une reconquête de la souveraineté industrielle et des projets concrets comme la rénovation urbaine ou un « minimum jeunesse » pour les nouvelles générations.
Il est temps de rompre totalement avec un passé qui a étouffé nos ambitions.
– Déclaration lors de la conférence de presse
Ses propositions séduisent une partie de la population lassée par des décennies de promesses non tenues. Mais pourra-t-il convaincre face à un adversaire qui contrôle encore les leviers du pouvoir ?
Les Autres Visages de la Course
Si ces deux figures monopolisent l’attention, six autres candidats tentent de se faire une place. Parmi eux, un juriste inspecteur des impôts, un médecin, et une femme – seule représentante féminine dans cette compétition – apportent des perspectives variées. Leurs chances semblent minces face aux mastodontes de la politique gabonaise, mais leur présence illustre une volonté de pluralisme dans un scrutin sous haute tension.
- Un juriste plaidant pour une réforme fiscale audacieuse.
- Un médecin axé sur l’amélioration des services publics.
- Une candidate féminine portant les espoirs d’une nouvelle voix.
L’Ombre de la Dynastie Déchue
Un autre sujet brûlant agite la campagne : le sort de l’ancienne première dame et de son fils, emprisonnés depuis le coup d’État. Accusés de blanchiment de capitaux, corruption et autres délits financiers, ils attendent un procès dont la date reste floue. Le général au pouvoir a promis un jugement équitable, affirmant détenir des preuves solides. Mais ses déclarations répétées sur leur culpabilité soulèvent des questions sur l’impartialité de la justice gabonaise.
D’après une source proche du dossier, leurs avocats dénoncent des conditions de détention inhumaines. Marques de torture, chocs électriques, strangulation : les accusations sont graves et ont poussé la justice française à ouvrir une enquête en janvier. Le pouvoir gabonais rejette ces allégations en bloc, mais l’affaire ternit l’image d’une transition qui se voulait exemplaire.
Une Transition Accélérée, Mais à Quel Prix ?
Initialement prévue pour durer deux ans, la transition a été raccourcie grâce à un nouveau code électoral adopté en janvier. Ce texte a permis au général de se présenter en suspendant temporairement ses fonctions militaires, une manœuvre critiquée par ses adversaires. Pour beaucoup, cette accélération reflète une volonté de légitimer rapidement son pouvoir par les urnes. Mais les doutes persistent sur la transparence du scrutin à venir.
Étape | Date | Événement |
Coup d’État | 30 août 2023 | Renversement de l’ancien régime |
Nouveau code électoral | Janvier 2025 | Ouverture de la candidature militaire |
Élection | 12 avril 2025 | Fin de la transition |
Un Peuple en Quête de Réponses
Pour les Gabonais, ce scrutin est bien plus qu’une simple élection. C’est un test pour une nation marquée par des décennies de gouvernance autoritaire et de richesses mal partagées. Les candidats rivalisent de promesses – routes, emplois, justice – mais les citoyens restent méfiants. Après des années de désillusion, beaucoup se demandent si cette fois-ci, leur voix comptera vraiment.
À quelques jours du lancement officiel de la campagne, l’ambiance est électrique. Meetings, discours enflammés et révélations de dernière minute : le Gabon retient son souffle. Le 12 avril prochain, les urnes livreront leur verdict. Mais d’ici là, chaque jour promet son lot de surprises dans cette course au pouvoir où tout semble encore possible.