Après des mois d’attente et de spéculations, le projet de nouvelle Constitution du Gabon a enfin été dévoilé au grand public. Ce texte fondamental, fruit d’un vaste dialogue national, est appelé à redéfinir le paysage politique du pays pour les décennies à venir. À un mois du référendum prévu le 16 novembre, plongeons dans les détails de cette Constitution qui pourrait marquer un tournant historique.
Un régime présidentiel renforcé
La nouvelle loi fondamentale prévoit de consolider les pouvoirs du président de la République, avec l’instauration d’un régime présidentiel sans Premier ministre. Le chef de l’État sera élu au suffrage universel direct pour un mandat de sept ans, renouvelable une seule fois. Une disposition majeure vise à limiter le nombre de mandats présidentiels à deux, afin d’éviter une concentration excessive du pouvoir sur le long terme.
Pour assister le président, un poste de vice-président du gouvernement sera créé. Nommé et révoqué par le chef de l’État, il aura pour mission de coordonner l’action gouvernementale. Certains y voient une réduction du contrôle parlementaire sur l’exécutif, tandis que d’autres saluent une clarification des responsabilités.
Coup d’État et transition gravés dans le marbre
Le projet de Constitution consacre l’accession au pouvoir de la junte militaire menée par le général Brice Oligui Nguema, auteur du coup d’État du 30 août 2023 qui a renversé la dynastie Bongo après 55 ans de règne. Une « fête de la libération » sera instaurée pour commémorer cet événement charnière. Cette disposition, ainsi que d’autres points clés du texte, seront intangibles et ne pourront faire l’objet d’aucune révision future.
Le projet de Constitution, fruit de vos contributions lors du dialogue national, est désormais disponible. Je vous invite à l’examiner avec soin.
Général Brice Oligui Nguema, président de transition du Gabon
Conditions d’éligibilité : un sujet sensible
Les conditions pour se présenter à l’élection présidentielle ont fait l’objet d’intenses débats. Si une première mouture réservait la candidature aux seuls Gabonais nés de parents gabonais, le texte final a assoupli ces critères. Désormais, il faudra être exclusivement et uniquement de nationalité gabonaise, être né d’au moins un parent gabonais de naissance et être marié à une personne gabonaise.
Ces dispositions renforcent néanmoins la distinction entre Gabonais « de souche » et les autres, excluant de fait les Gabonais naturalisés et les binationaux. Une partie de l’opinion y voit une forme de repli identitaire, tandis que d’autres saluent une volonté de protéger la souveraineté nationale.
Un référendum sous haute surveillance
Le référendum constitutionnel du 16 novembre se profile comme un test majeur pour la transition politique en cours. Le général Oligui, nouvel homme fort du pays, a promis un retour du pouvoir aux civils au terme du processus. Il ne cache pas son intention de briguer la magistrature suprême lors de la présidentielle prévue en août 2025.
D’ici là, tous les regards seront tournés vers la campagne référendaire et le déroulement du scrutin. Les enjeux sont immenses pour ce petit pays d’Afrique centrale, qui aspire à tourner la page d’un demi-siècle de pouvoir dynastique et à construire un avenir démocratique. Le projet de Constitution, malgré ses zones d’ombre, ouvre la voie à une profonde refondation institutionnelle. Aux Gabonais, par leur vote, de décider s’ils souhaitent emprunter ce chemin.